Cette relance vient après le mandat assez terne du social-démocrate Olaf Scholz même si ce dernier après moult hésitations et circonvolutions s’est in fine engagé dans le chemin de cette Europe puissance depuis longtemps voulue par Emmanuel Macron et que défend aussi le conservateur Friedrich Merz.
Après leur traditionnelle rencontre qui veut que le nouveau président français élu rende sa première visite à Berlin et que le nouveau chancelier fasse de même à Paris, les deux hommes ont rédigé une tribune où ils annoncent l’élaboration d’un «agenda complet de relance de notre relation et pour renforcer l’Europe» et ceci afin de «rendre notre partenariat plus stratégique, plus opérationnel, afin d’obtenir des résultats concrets pour nos concitoyens et pour l’Union».
Le contenu de cet agenda est ambitieux et s’il est vraiment réalisé fera passer le couple franco-allemand ainsi que l’Union européenne dans une autre dimension
► Voici cette
tribune:
Alors que nous sommes confrontés à la guerre sur notre continent, à une
concurrence féroce à l’échelle mondiale, à une accélération des changements
climatiques et technologiques et à des menaces de guerre commerciale mondiale,
nous nous sommes entendus sur un agenda complet de relance de notre relation et
pour renforcer l’Europe. Nous voulons rendre notre partenariat plus
stratégique, plus opérationnel, afin d’obtenir des résultats concrets pour nos
concitoyens et pour l’Union. Nous exploiterons au maximum la coordination et
le réflexe franco-allemands pour rendre l’Europe plus souveraine, en
mettant l’accent sur la sécurité, la compétitivité et la convergence.
La guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine a fait
voler en éclats l’illusion selon laquelle la paix et la sécurité étaient
garanties en Europe. Nous avons d’ores et déjà commencé à assumer une plus
grande responsabilité pour notre propre sécurité, et nous allons en faire
encore davantage. Nous continuerons d’accroître nos propres capacités de
défense, pour renforcer également le pilier européen de l’OTAN. Nous
augmenterons nos dépenses de sécurité et de défense, soutiendrons la base
industrielle et technologique de défense européenne et promouvrons une
préférence européenne dynamique, en nous appuyant sur les propositions de la
Commission d’instruments d’investissement publics et privés. Nous devons
réduire nos dépendances stratégiques, le nombre de systèmes de défense existant
en Europe, développer la standardisation et l’interopérabilité, afin de créer
un marché performant et de favoriser une logique du «meilleur athlète» pour
l’industrie, et poursuivre les travaux sur les solutions de financement
pertinentes. Nous devons renforcer la production, la passation de marchés et
les acquisitions en commun dans les domaines capacitaires prioritaires, comme
cela a été décidé au niveau européen.
Nous réunirons régulièrement un Conseil de sécurité et de défense
franco-allemand, sur les questions de stratégie, de défense et de sécurité
nationale, notamment pour coordonner notre soutien à l’Ukraine, la
planification et la production dans le domaine de la défense ainsi que nos
objectifs stratégiques de défense, ainsi que nos prochaines revues nationales
stratégiques. Nous donnerons un souffle nouveau à nos projets de coopération
bilatérale en matière de défense pour répondre à nos besoins actuels et futurs,
tout en développant un programme d’innovation conjoint en matière de défense.
Nous demeurons unis et fermement engagés en faveur d’une Ukraine souveraine et
indépendante. Nous n’accepterons jamais une paix qui serait imposée, et nous
continuerons de soutenir l’Ukraine contre l’agression russe. Nous travaillerons
en concertation avec les États-Unis, l’Ukraine et nos partenaires européens
pour parvenir à un cessez-le-feu complet et durable. Nous sommes prêts à
contribuer, une fois ce cessez-le-feu instauré, à une paix juste et durable,
avec le soutien des États-Unis en matière de sécurité, et à des garanties de
sécurité solides, en particulier une armée ukrainienne forte, afin de dissuader
toute nouvelle agression russe à l’avenir. Nous adopterons également une
approche concertée concernant la Russie et la menace systémique que celle-ci
représente pour la sécurité européenne.
La prospérité est une condition sine qua non de notre souveraineté. Nous accélérerons
la mise en œuvre de l’agenda de compétitivité de l’UE pour obtenir des
résultats concrets. Pour réduire les coûts de l’énergie et garantir la sécurité
d’approvisionnement, la France et l’Allemagne mettront en œuvre un réalignement
de leurs politiques énergétiques, fondées sur la neutralité climatique, la
compétitivité et la souveraineté. Ceci implique d’appliquer le principe de
neutralité technologique, en garantissant un traitement non discriminatoire de
toutes les énergies bas carbone au sein de l’Union européenne, en adoptant une
approche pragmatique en matière d’hydrogène bas carbone ; en reconnaissant que
le gaz naturel peut constituer une énergie de transition pour les États membres
de l’UE qui en auraient besoin; et en mettant l’accent sur les émissions de
carbone dans le cadre des efforts déployés pour atteindre nos objectifs
énergétiques. En nous appuyant sur une vision complète de nos marchés
énergétiques, nous sommes déterminés à réaliser des investissements efficaces
dans les réseaux principaux, en particulier les infrastructures
transfrontalières. Nous convenons que tout nouvel objectif climatique
nécessitera des stratégies crédibles, afin de garantir la compétitivité de l’UE
et de prévenir les fuites de carbone.
Nous devons également alléger de toute urgence les charges administratives dans
l’UE, qui étouffent la croissance, en procédant à un passage en revue de
l’ensemble des règles européennes, en éliminant les contraintes tout en
conservant les ambitions que nous nous sommes fixées. Nous soutenons les
propositions de la Commission et soulignons la nécessité de concrétiser
rapidement un agenda simplification, en particulier concernant la directive sur
la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises
(CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de
durabilité (CSDDD). Nous appelons à poursuivre la simplification des règles
européennes.
Nous accélérerons également nos efforts sur les investissements, la recherche,
l’innovation, les partenariats et les effets d’échelle dans les secteurs clés
où l’UE doit conserver un avantage concurrentiel, notamment l’intelligence
artificielle, l’informatique quantique, l’énergie et les technologies propres,
les biotechnologies, l’espace, les semi-conducteurs et la défense. Nous
étudierons la question de la préférence européenne dans les marchés publics, en
particulier pour les produits bas carbone. Nous travaillerons en outre à
établir des règles de concurrence au niveau de l’UE pour que des champions
européens d’envergure mondiale puissent émerger dans les secteurs clés.
Nous avons besoin d’investissements publics et privés, en particulier dans les
infrastructures. La mise en place d’une véritable union des marchés des
capitaux pour diriger notre épargne vers les entreprises européennes au service
des transitions verte et numérique et de la défense, par l’égalité des
conditions de concurrence, une relance du marché européen de la titrisation et
un produit d’épargne européen, constitue pour nous une priorité absolue. Nous
travaillerons de concert sur un cadre financier pluriannuel de l’UE modernisé
pour répondre aux défis auxquels nous devons faire face et en avançant sur de
nouvelles ressources propres.
Face à une concurrence mondiale plus rude, nous agirons pour un nouvel agenda
de politique commerciale durable pour l’UE, pour réduire les risques et
diversifier nos partenariats et chaînes de valeur, tout en renforçant la
compétitivité européenne et assurant des sauvegardes efficaces sur
l’agriculture et les secteurs stratégiques, conformément à notre engagement
continu en faveur d’un commerce ouvert, équitable et fondé sur des règles. Cela
ne doit pas être pris pour de la naïveté. Si l’on veut que les relations
économiques soient mutuellement bénéfiques, il faut que les conditions de
concurrence soient véritablement équitables. Nous explorerons les moyens de
mettre sur pied avec les États-Unis un agenda commercial et d’investissement
qui soit mutuellement bénéfique. Dans le même temps, nul ne doit douter de
notre détermination à préserver pleinement les intérêts de l’UE et à répondre
fermement aux mesures préjudiciables prises à son encontre.
Nous encourageons la Commission à recourir à sa boîte à outils, avec rapidité
et fermeté, lorsque cela est nécessaire pour protéger les intérêts européens.
Nous favoriserons également une politique de sécurité économique efficace au
sein de l’UE. S’agissant de la Chine, nous coordonnerons nos évaluations
de sécurité stratégique en adoptant une approche commune, en particulier
concernant le commerce et la sécurité économique, tout en poursuivant notre
mobilisation sur les questions relatives à la stabilité mondiale, aux
changements climatiques et aux autres domaines d’intérêt commun. Nous sommes
également désireux de saisir cette occasion pour coordonner nos programmes
nationaux de réforme économique et sociale, en particulier en matière de
travail et de fiscalité. Nous créerons une plateforme de dialogue entre les
partenaires sociaux français et allemands, ainsi qu’entre les experts
économiques.
Nous devons également jouer un rôle moteur en matière de migrations. Nous
veillerons à ce que le pacte européen sur la migration et l’asile soit
pleinement et rapidement mis en œuvre, de manière uniforme en France et en
Allemagne, ainsi qu’à obtenir des résultats concernant les règles européennes
en matière de retour. Notre objectif est de donner un pilotage plus stratégique
à l’espace Schengen et d’assurer une coordination étroite des contrôles aux
frontières intérieures afin de veiller à son bon fonctionnement et à son
efficacité. Enfin, nous avons besoin de réformes pour garantir la stabilité de
l’Europe. Au niveau interne, pour promouvoir la démocratie, l’état de droit et
la capacité d’action de l’UE. Au niveau externe, pour nous préparer à
l’élargissement et pour relever les défis géopolitiques, en nous appuyant
également sur la Communauté politique européenne.
75 ans après la déclaration de Robert Schuman du 9 mai 1950, nous sommes fiers
de ce que les Européens ont accompli. Nous servirons, chaque jour, l’objectif
de ces « réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait »,
et nous le ferons ensemble, la France et l’Allemagne, pour une Union européenne
plus souveraine et promouvant ses intérêts.
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