vendredi 30 novembre 2018

Une Semaine en Centrisme. Pourquoi l’UDI pourrait présenter sa liste aux européennes

Il n’est pas question ici de dénier à l’UDI et à ses dirigeants leur pro-européanisme qui est certainement un des plus forts, des plus réels et des moins contestables du monde politique français avec une volonté fédéraliste évidente.
Mais si ce militantisme européen concoure à ce que le parti centriste présente sa liste aux prochaines élections européennes (une décision formelle doit être prise le 15 décembre mais il semble qu’elle est déjà prise dans les faits avec un récent tractage au niveau national), cela ressort plus d’un calcul politique autour de cinq points principaux qui peuvent d’ailleurs être contradictoires:
- se donner une visibilité politique nationale avec peu de risques alors que l’UDI a peine à exister aux yeux des Français et que ses apparitions médiatiques sont éparses;
- se distancier de la majorité présidentielle et d’un pouvoir qui ignore le parti centriste dont, il est vrai, la ligne politique demeure largement illisible, afin de les pénaliser (le score du parti sera autant en moins pour une liste de l’axe centrale menée par LREM);
- démontrer son indépendance vis-à-vis d’un président de la république et d’un gouvernement qui est largement impopulaire et en tirer des avantages électoraux éventuels (qui ne sont, néanmoins, guère confirmés par les sondages actuellement);
- mobiliser les militants et les sympathisants autour d’une campagne alors même que le parti est affaibli par des départs et que sa non-présence lors de la présidentielle demeure une tâche sur le mandat de son président, Jean-Christophe Lagarde, qui s’était fait élire à sa tête en promettant qu’il y aurait un candidat UDI en 2017;
- faire pression sur la liste de l’axe central qui est en train de se dessiner autour du projet européen d’Emmanuel Macron et qui fera alliance avec l’ALDE (Alliance des libéraux et démocrates européens dont l’UDI est membre…) afin de négocier dans les meilleures conditions un éventuel ralliement et une possible intégration.
Est-ce une bonne stratégie?
Si l’on prend l’intérêt unique de l’UDI, on peut le penser même si cette «fronde» peut, en cas de désastre électoral de la liste du parti et une victoire de celle de l’axe central, la marginaliser encore plus et créer des dissensions en son sein qui pourraient, à terme, la faire imploser (même si la résistance du parti face aux forces centrifuges doit être noté).
Mais, a contrario, si elle réussit (c’est-à-dire, si elle va jusqu’au bout du processus électoral dans une campagne où elle aura de la visibilité et qu’elle obtient un bon score avec des élus au Parlement européen alors que la liste de l’axe central sera en difficulté), l’UDI aura fait un pari gagnant en réintégrant d’une certaine façon le haut du panier des formations politiques.
De même, elle pourra affirmer que le Centre ne se résume pas à la majorité présidentielle (ainsi qu’au MoDem de François, son principal adversaire, bien avant LREM…) et se donner un futur pour le moins intéressant à côté (ou aux côtés) de cette même majorité en vue de futurs rendez-vous électoraux, voire pour peser sur la politique et/ou acquérir un statut supérieur au sein de l’opposition face, en particulier, à LR.
Si l’on prend l’intérêt du Centre, rien n’est moins sûr.
Cette nouvelle dissension marquerait un espace centriste divisé même sur ce qui réunit tous ses membres, le projet européen et une Union européenne plus forte, et serait sans nul doute utilisée par les adversaires des centristes (et du pouvoir en place).
Elle serait aussi un frein à la constitution de ce qui apparaît désormais une nécessité face à la montée des populismes démagogiques et des extrémismes dangereux, l’axe central, regroupant toutes les formations et les personnalités qui défendent la démocratie républicaine et qui va des libéraux de droite aux sociaux-libéraux de gauche en passant par les libéraux sociaux du centre).
De ce point de vue, la liste irait à l’encontre même de ce que défend l’UDI.
Cependant, il peut y avoir un effet positif pour le Centre.
Au moment où la majorité présidentielle connait des difficultés certaines, l’UDI pourrait devenir le réceptacle des centristes déçus par Emmanuel Macron (qui sont en nombre selon les sondages) qui demeureraient ainsi dans le giron du Centre et ne s’en iraient pas voir ailleurs ou ne se réfugieraient pas dans l’abstention.
Quoi qu’il en soit l’inexistence ou non de cette liste autonome devrait être un moment de vérité pour l’UDI.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC


jeudi 29 novembre 2018

Vues du Centre. Il ne manque plus qu’un Trump français

Par Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Alexandre Vatimbella est directeur du CREC

L’élection du «central» Emmanuel Macron en 2017 avait éloigné le spectre du populisme démagogique et extrémiste en France et donné un répit à la démocratie républicaine alors même qu’au premier tour de la présidentielle, les candidats antisystème avaient recueilli plus de 50% des voix.
On peut également dire que pour conjurer cette menace, le candidat Macron avait parfois pris de dérangeants accents populistes.
Mais il n’y avait pas encore cette alliance objective entre le populisme d’extrême-gauche et d’extrême-droite, ni le concours des partis de droite et de gauche à une critique violente du pouvoir en place, jouant ainsi les idiots utiles des premiers nommés.
Quant aux médias, si certains penchaient déjà vers une exposition plus que troublante de populistes démagogues, ils ne s’étaient pas engagés comme maintenant dans une couverture large et indécente de tout phénomène populiste.
Mais voilà que les digues sont en passe d’être allègrement dynamitées et les alliances de circonstances scellées.
Non pas grâce au mouvement de foule des gilets jaunes, qui n’en est qu’un épiphénomène parmi d’autres et qui permet surtout à une majorité de Français, via les sondages, de réclamer le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en plus et avec une base entre 40% et 50% – largement constituée des électeurs de ces candidats antisystèmes de 2017 dont on a parlé plus haut – de montrer à nouveau leur totale hostilité au pouvoir en place.
C’est plus sûrement une accumulation d’attaques, d’insultes, de violences et de désinformation propres à la démagogie et à l’extrémisme qui a préparé l’opinion à un possible avènement du populisme.
Si tout n’est pas encore écrit, les sondages semblent montrer qu’une partie relativement importante des électeurs est prête à sauter le pas comme aux Etats-Unis, en Hongrie ou en Italie.
Manque encore le Trump français.
Il pourrait être un Mélenchon ou une Le Pen (Wauquiez ou Dupont-Aignan n’ont pas la vulgarité des premiers nommés même s’ils sont aussi démagogues et haineux que ceux-ci).
Mais, comme Trump qui était une véritable star people depuis des lustres en Amérique, il pourrait venir d’ailleurs, un peu comme Macron (ne pas faire partie de la sphère politique stricto sensu a d’ailleurs été une des forces de sa candidature et une des raisons de sa victoire,).
Il est difficile de trouver un profil qui pourrait amener à lui une majorité de la population lors d’une présidentielle (Boulanger, Pétain, Trump, Orban, Poutine, Salvini, Bolsonaro?).
Non pas que les Français ne soient pas sensibles à des personnages douteux (comme Napoléon III, le général Boulanger, Pierre Poujade, Jean-Marie Le Pen et d’autres), voire à des «hommes providentiels» (Philippe Pétain ou Charles de Gaulle) qui pourraient ou non court-circuiter la démocratie.
On a vu, en son temps, des Coluche, des Montand, des Tapie être de possibles «recours» (on peut mettre dans cette catégorie un Hulot dont on rappelle que son métier de base est animateur de télévision).
Selon le sondage biaisé (les réponses se font à partir d’une liste préétablie et ne sont pas spontanées) sur les personnalités préférées des Français, on trouve ans les derniers réalisés, en tête, le chanteur Jean-Jacques Goldman, le comédien Omar Sy, le sportif Teddy Riner, le comédien Dany Boon et la comédienne Sophie Marceau, aucun de ceux-ci ne semble néanmoins intéressé par se lancer en politique et à devenir un «homme fort».
Nous n’allons pas spéculer sans fin sur un nom (Trump, tout en étant connu, n’avait aucun réel soutien électoral ou sondagier avant la déclaration de sa candidature) ou de quelle catégorie socioprofessionnelle viendra l’éventuel Trump français sachant que ceux des personnalités de la société civile que les Français auraient bien vu à l’Elysée étaient un comique (Coluche), un animateur télé (Hulot), un homme d’affaire (Tapie), un acteur (Montand).
De même, rien ne dit qu’il n’y aura pas sursaut de la population face à un tel personnage et au risque qu’il ferait courir au pays et que ce Trump français demeurera largement hypothétique ou incapable de conquérir le pouvoir.
Mais même s’il s’en trouvait un et qu’il réussisse à se faire élire, son échec serait inscrit, à la fois dans un programme qui serait inapplicable ou désastreux pour le pays mais aussi dans l’impatience du peuple qui, comme il le fait depuis Nicolas Sarkozy, s’amuse à dézinguer tout locataire de l’Elysée dans une sorte de happening sans fin populiste et irresponsable.

Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella


Actualités du Centre. En plein mouvement gilets jaunes, Bayrou affirme qu’«on ne gouverne pas contre le peuple»

François Bayrou
François Bayrou continue à marché «à» côté d’Emmanuel Macron malgré ses affirmations qu’il est «aux» côtés du président de la république.
Dans un nouvel entretien, il se pose à nouveau en celui qui dit le juste et qui attend la conversion des dirigeants à ses vérités.
De même, il a une formidable propension à se féliciter d’avoir été l’initiateur de toutes les mesures prises par ceux-ci quand elles vont dans le sens des sondages.
Et, lui qui s’affirme réformateur et qui a souvent indiqué qu’il fallait transformer le pays en profondeur quels que soient les difficultés et les risques, en demandant au pays des sacrifices, le voilà qui estime que l’on ne gouverne pas contre le peuple, ce qui, pour implémenter des mesures radicales, n’est jamais possible, l’Histoire est là pour nous le montrer …
«J’ai écrit, dit-il, dans mon dernier livre: ‘on ne gouverne pas contre le peuple’. Tous ceux qui pensent qu’on peut passer en force et imposer les décisions venues d’en haut, ils ne voient pas ce que sont les ressorts et les principes de la démocratie du XXI° siècle. La démocratie du XXI° siècle, en partie grâce à vous, je veux dire grâce aux médias, grâce aux réseaux sociaux, elle impose qu’il y ait un minimum, sinon d’adhésion, du moins d’assentiment des peuples à l’égard des décisions qui leur sont imposées. Ou qu’ils comprennent, que d’une certaine manière ils acceptent: s’il y a refus, il y a blocage. Et s’il y a blocage, on ne peut plus rien faire. On a vécu beaucoup d’exemples de cette situation-là. Donc, concertation indispensable.»
Et, ajoute-il, il faut une «acceptabilité des décisions que l’on prend pour que les citoyens qui sont l’objet de ces décisions participent et soutiennent.»
Alors qu’elle est sa ligne politique?
«Une ligne de soutien à ce que nous avons besoin de faire pour que la France s’en sorte et en même temps une ligne suffisamment indépendante pour que je puisse exprimer ce qui est le sentiment d’un grand nombre de concitoyens de ce pays, qui voudraient que les choses soient mieux orientées parfois.»
Il précise qu’il ne sera pas un «frondeur» puis déclare dans la foulée:
«Est-ce qu’il faut ne rien changer? La réponse est évidemment non. Il faut changer un certain nombre de choses».
Puis, il parle de la «fracture sociale», principal thème de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, soit il y a 23 ans.
Et que dit-il:
«Qu’est-ce qu’on a fait pendant ces 25 ans (NDLR: présidence de Macron comprise)? Rien. En tout cas, rien de suffisant, on a eu le sentiment qu’à chaque fois on en faisait un thème de campagne électorale et que ce n’était pas un thème de gouvernement. Et bien je serai très heureux, moi qui aime beaucoup ces milieux éloignés du pouvoir – parce que simplement j’en ai une longue expérience de vie, amicale et, j’allais dire, fraternelle – que cela devienne un thème de gouvernement. C’est que, enfin, ceux qui ont la responsabilité du pays prennent cela à bras le corps (…).»
Cette posture personnelle du sage qui sait ce que veut le peuple et qui parle à l’oreille du président qu’il soutient tout en le critiquant – qui démontre encore une fois ses ambitions politiques pour le futur –, n’est malgré tout pas forcément comprise par ceux à qui il veut s’adresser.
Ainsi, des gilets jaunes de sa ville de Pau lui ont demandé instamment de préciser sa position et de dire réellement ce qu’il pense et ce qu’il veut.
Voilà sans doute un exercice périlleux pour lui…


mercredi 28 novembre 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Macron abandonne-t-il son projet politique ou est-ce sa phase 2?

Lors de son discours du 27 novembre consacré au plan énergétique du gouvernement et aux troubles face à la taxation écologique des carburants, Emmanuel Macron a affirmé, non seulement, avoir entendu la «juste part de la colère venue de loin» d’une partie de la population, mais également l’avoir comprise.
Selon lui, elle est plus large que le simple mouvement de foule des gilets jaunes qui en serait un révélateur comme d’autres symptômes sociaux.
Elle s’est bâtie, toujours selon ses dires, sur des frustrations venant de toutes les erreurs et les manquements commis depuis quarante ans par les pouvoirs en place et dont il s’estime également responsable.
Pour cela, il propose un «nouveau contrat social» et une «changement de méthode» où le gouvernement va écouter les propositions et les demandes de tout le monde et va accélérer les accompagnements sociaux.
Si les deux piliers, modernisation de l’économie et nouvelles protections sociales sont toujours de mises, elles vont se mélanger «en même temps» et non se suivre comme initialement prévu (avec la phase 1, libérer l’économie et la phase 2, protéger socialement le citoyen).
Ce faisant, il semble abandonner le cœur même de son projet politique où l’on ne peut redistribuer que les richesses que l’on a créé (d’où la nécessité de d’abord libérer les forces économiques afin de créer la croissance et de faire baisser le chômage tout en remettant de l’argent dans les caisses pour des programmes sociaux) avec la mise en place d’une méritocratie où l’individu, au lieu d’être continuellement dans la revendication de plus de dépenses publiques, se responsabilise et prenne en main son existence.
S’agit-il d’une simple inflexion ou d’un changement de cap profond?
Si, dans son discours, il s’est défendu de changer de politique et que le cap suivi jusqu’ici était, non seulement «juste et nécessaire», mais le «bon», on peut néanmoins noter que, en creux, on a compris que des concessions seront faites et que des réformes seront reportées (pour certaines ce «report» sera sans doute un enterrement pur et simple).
Car, si Emmanuel Macron a toujours fait l’analyse d’une grande défiance de la population vis-à-vis du politique, si celle-ci a été au cœur de sa campagne et qu’elle lui a sans doute permis d’être élu face aux populistes (majoritaires en voix au premier tour de la présidentielle), il avait promis de ne pas dévier de sa mission, au sens littéral du terme, de provoquer une révolution des mentalités et des pratiques en menant d’importantes réformes qui seules permettraient de remettre le pays sur de bons rails.
Or, en parlant de changer la méthode et de prendre en compte les désidératas de chacun, il ouvre la porte à cette politique politicienne et clientéliste qui est de mettre en œuvre des réformettes tout en distribuant des largesses qui n’ont pas le moindre financement solide et qui creuseront les déficits.
Ce faisant, il se rapproche de ceux qu’il critiquait et de ceux qui ne cessent de l’attaquer, de demander sa démission et de l’insulter, démontrant que son poste est peut-être plus important que sa mission.
Bien entendu, il faudra attendre un peu pour savoir s’il s’agit réellement d’une inflexion de sa politique ou d'une volonté de convaincre une population qui n’a manifestement toujours pas compris l’urgence dans lequel se trouve le pays et qui semble être de plus en plus séduite par une aventure populiste que nous paierons au prix fort si elle se matérialise.
Pour autant, n’oublions jamais que dans les propos du candidat Macron se trouvaient des accents répétés de populisme que j’avais dénoncé en son temps et qui peuvent aussi expliquer ses déclarations du 27 novembre.
Ainsi, ici, il semble les reprendre et de les théoriser en quelque sorte.
N’est-on pas dès lors entré dans la triste stratégie démagogique du beurre et de l’argent du beurre, sachant que systématiquement celle-ci se termine sans beurre et sans argent avec des problèmes remisés aux calendes grecques et une société où les questions primordiales n’ont pas été réglées?
Certains des critiques de Macrin ont estimé que son discours été trop vague et ne contenait pas de grandes annonces ce qui lui permettait de gagner du temps et de noyer le poisson.
C’est une interprétation possible.
L’autre, c’est justement qu’il ouvre la porte à tous les possibles, surtout à tous les reniements.
On le saura très vite en espérant que je me trompe.