jeudi 26 février 2015

Vues du Centre – Jean-François Borrou. Monsieur Zocchetto, voilà quelques infos sur votre ami l’assassin Assad

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.

Il parait que les quatre parlementaires, dont le président du groupe centriste au Sénat, François Zocchetto, qui viennent de se rendre en Syrie pour rencontrer Bachar al-Assad, le dictateur et le boucher de son propre peuple, avaient besoin d’information sur le régime assassin de père en fils mis en place par le clan Assad.
C’est en tout ce qu’ils ont déclaré en cœur pour justifier leur voyage de Damas comme d’autres justifièrent, en leur temps, le leur à Berlin.
Et c’est la même justification qu’ont reprise Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI et Hervé Morin, ancien candidat à la présidence dudit parti et ancien ministre de la Défense (pour ceux qui auraient oublié son passage transparent à la tête de ce ministère), pour expliquer la présence de leur ami Zocchetto à cette sympathique rencontre entre des élus d’une république démocratique et des dirigeants d’une des pires dictatures héréditaires.
«Ils ont le droit de s’informer sur la situation en Syrie» a dit Morin.
«Il faudra reparler à ce régime» a affirmé Lagarde, tout en indiquant qu’aucune action disciplinaire ne sera prise à l’encontre de François Zocchetto.
Celui-ci, d’ailleurs, assume complètement ce voyage.
A la question posée par le quotidien Ouest France de savoir si cela ne l’avait pas gêné d’avoir serré une main dégoulinant de sang d’hommes, de femmes mais aussi d’enfants, voici sa réponse dont je laisse le lecteur juge: «J’invite ceux qui sont sur cette posture qui consiste à dire aucune relation, autrement dit à se laver les mains un peu vite de beaucoup de choses, à réfléchir. Cette posture met tout le monde dans une impasse».
Du charabia pour justifier l’injustifiable.
Pire, monsieur Zocchetto fait de l’humour sans le vouloir quand il précise avoir abordé la question des droits de l’homme avec monsieur Assad.
Quel courage François.
Quant au pauvre Bachar, il n’a pas du en dormir de la nuit.
Or donc, comme ces quatre parlementaires nécessiteux – dont notre centriste précité – n’ont pas les moyens de se payer un téléviseur, d’acheter les journaux, de se connecter à internet ou de parler à des réfugiés syriens en France, comme ils n’ont manifestement pas accès aux rapports gouvernementaux et des ONG sur la situation dans ce pays, voilà quelques informations qui leur seront, espérons-le, utiles et éviteront qu’ils retournent discuter avec leur ami de Damas.
La guerre menée contre son peuple par ce dernier (qui a permis par la suite aux terroristes islamiques, dont ceux de Daech, de s’implanter dans un pays ravagé par un régime qui a pu durer grâce notamment, à l’aide de Vladimir Poutine, autre grand démocrate qui est soutenu par nombre de parlementaires français) a fait selon des estimations sérieuses plus de 200.000 morts.
On estime que 11.000 détenus des tristement célèbres geôles syriennes ont été assassinés. La plupart de ceux-ci étaient jeunes et leurs corps portaient souvent des traces de tortures et de privations. Certains avaient eu les yeux arrachés, d'autres portaient des traces de strangulation ou d'électrocution
En janvier 2014, l'ONG mondialement reconnue, Human Rights Watch publiait un rapport détaillé qui démontrait que le gouvernement d’Assad avait fait raser sept districts rebelles dans les villes de Damas et d'Hama, sur une surface correspondant à 200 terrains de football.
En février 2012, l’UNICEF estimait que plus de 500 enfants avaient été tués et que 400 autres avaient été arrêtés et torturés dans les prisons syriennes
En juin 2012, l'ONU dénonçait le gouvernement syrien comme étant «l'un des pires» sur sa liste annuelle «de la honte».
L’ONU, toujours elle, dans un rapport consacré aux enfants dans les conflits armés, affirmaient que les soldats d’Assad avaient «torturé et exécuté sommairement des enfants», et s’étaient «servis de certains d'entre eux âgés d'à peine huit ans comme de ‘boucliers humains’ au cours de leurs opérations contre les rebelles».
En juillet 2012, une ONG, avait documenté plus de 100 cas de viols et d'agressions sexuelles pendant le conflit. La plupart de ces crimes étaient attribués aux milices loyalistes. Les victimes étaient des hommes, des femmes et des enfants.
En novembre 2013, une autre ONG, dans un rapport sur la violence contre les femmes dans le conflit syrien, estimait que près de 6.000 femmes avaient été victimes de viols (y compris de viols collectifs) depuis le début du conflit.
Sans parler de l’utilisation des armes chimiques contre des femmes et des enfants.
Tous ces chiffres sont probablement plus élevés, un grand nombre de cas ne faisant pas l'objet de déclaration ou ne pouvant être connus.
Je m’arrête là pour ne pas tomber dans le sordide à outrance.
Si ces informations ne sont pas suffisantes à nos quatre parlementaires en service auto-commandé, il convient vite d’organiser une collecte pour leur permettre d’acquérir les outils nécessaires pour s’informer correctement tout en gardant leur dignité et en leur évitant, à l’avenir, le ridicule affligeant de leur initiative pitoyable.
On comprend entre les lignes que ces parlementaires et d’autres personnes en France, dont les dirigeants du Front national, ont une certaine sympathie pour Assad, comme ils en avaient pour son père – Hafez el-Assad – qui a bien éduqué son fils, lui qui fit des massacres à la pelle pendant sa dictature.
Tous ces gens n’avaient en réalité jamais accepté les sanctions contre son régime et ont pris comme prétexte la montée terrifiante et tout autant condamnable humainement de Daech et de ses assassins imbéciles pour tenter de redonner légitimité et respectabilité à Assad.
De même, du fait qu’il «protège» les chrétiens de Syrie de plus en plus pourchassés et massacrés par ces islamistes illuminés, il serait une sorte de sauveur du christianisme oriental (comme les mêmes l’ont dit à l’époque pour le dictateur d’Irak, Saddam Hussein).
Que ces parlementaires en soient réduits à faire la promotion d’un assassin pour combattre d’autres assassins est assez pathétique.
Même si l’on estime que la menace la plus grande et la plus urgente à régler aujourd’hui est celle de Daech et qu’il faut l’éradiquer le plus vite possible, comment oser s’afficher avec un homme qui serait condamné sans l’ombre d’un doute par n’importe quel tribunal pénal international à la prison à vie pour crimes contre l’humanité.
Par ailleurs, Jean-Christophe Cambadélis, le premier secrétaire du PS a décidé de sanctionner Gérard Bapt, le député socialiste qui faisait partie du voyage.
Gageons que le président du groupe centriste au Sénat en fera de même avec le sénateur-maire de Laval, Zocchetto.
Oups! Le président du groupe, c’est Zocchetto.
Ce qui rend encore plus irresponsable son voyage.
Une dernière chose: le Centrisme, pensée s’il en est de la démocratie républicaine libérale et humaniste, ce n’est certainement pas de se commettre avec des régimes où ces mots valent à ceux qui les prononcent une mort certaine.
Jean-François Borrou