mercredi 5 novembre 2014

L’Humeur du centriste. Ah! au fait, Juppé n’est ni centriste, ni bobo…

Ouf! Alain Juppé vient de nous rassurer: «Je ne suis pas centriste» a-t-il déclaré à la télévision et il «ne pense pas» que son discours soit «bobo centriste»…
En voilà une info!
Mais qui avait jamais cru que l’ancien «meilleur d’entre nous» chiraquien avait quitté le radicalisme teinté de gaullisme – ou alors le contraire – de son mentor pour épouser les thèses centristes?…
Pourtant, il semble bien qu’il fallait cette mise au point.
Car comme le dit au Figaro un de ses proches, Hervé Gaymard – aussi célèbre que Juppé pour avoir eu des problèmes d’appartement parisien… –, «l’axe Bayrou-Juppé vient de Bayrou en réalité».
Et pan sur le bec du président du Mouvement démocrate qui voulait se refaire une virginité droitiste grâce à son ami d’Aquitaine dont Gaymard précise, autre petite vacherie, qu’il «a été son ministre», question de remettre un peu de hiérarchie dans ces «relations amicales».
Mais quelle preuve Juppé avance-t-il pour prétendre qu’il n’est pas centriste? Parce que son projet «n’est pas un filet d’eau tiède» c’est-à-dire qu’il n’est pas «bobo-centriste».
Et pan deux fois sur le bec de tous les centristes qui sont déjà dans la file d'attente afin de monnayer leur soutien contre un strapontin gouvernemental si ce grand ami du Centre (sic) est élu en 2017.
Au-delà de sa vision bien pauvre et simpliste du Centre et du Centrisme, pourquoi donc Juppé veut-il mettre les points sur les i?
Sans doute pour montrer qu’avec l’âge il n’est pas devenu un mou de la droite mais qu’il reste «droit dans ses bottes» et qu’élu il fera passer la retraite à 65 ans, qu’il assouplira le code du travail, qu’il incitera «les demandeurs d’emplois à rechercher plus activement du travail par une dégressivité des indemnités» et qu’il sera «impitoyable sur l’immigration».
Tout cela sur fond de popularité record qui en font l’actuel favori de la prochaine présidentielle avec nombre d’électeurs centristes mais aussi d’électeurs socialistes qui sont séduits par sa posture de «sage» que certains médias nous vendent à longueur de journée.
Heureusement qu’il vient de nous faire une bonne piqûre de rappel qui, en substance, dit aux centristes, «votez pour moi mais ne vous attendez pas à ce que je sois des vôtres».
Espérons que cela donnera des idées et des ailes à tous ceux qui rêvent de se présenter comme (vrai) candidat du Centre en 2017.

Centristement vôtre.

Le Centriste



Une Semaine en Centrisme. Etats-Unis: le Centre largement affaiblit après les élections de midterm

Quasiment six ans jour pour jour après que Barack Obama ait été élu le 44° président des Etats-Unis sur un programme essentiellement centriste, le Congrès des Etats-Unis vient de basculer totalement à droite après les élections de mi-mandat et sur un thème quasi-monomaniaque, faire mordre la poussière au locataire de la Maison Blanche.
Ainsi, la majorité de droite a été confirmée à la Chambre des représentants et le Sénat a basculé du même côté.
Les républicains sont donc majoritaires dans les deux assemblées et se retrouveront à gouverner avec ce président centriste dont ils avaient fait la principale, sinon l’unique, cible durant toute la campagne électorale, déversant avec leurs alliés, des milliards de dollars pour y parvenir, notamment dans des publicités politiques au goût de plus en plus douteux, faisant de ces élections les plus chères jamais vues à mi-mandat.
En outre, les républicains ont conforté leur positions dans plusieurs Etats, notamment dans ceux où leur politique a pourtant viré au désastre (Wisconsin ou Kansas) et ont gagné des Etats jusque là démocrates (Massachusetts, Illinois) où ils installent les leurs au poste de gouverneur.
Pour certains médias américains, il s’agit d’une vague rouge (couleur des républicains, celle des démocrates étant la bleue), voire d’un raz-de-marée, ce qui semble, malgré tout, un peu excessif même si les démocrates doivent être choqués d’avoir été si lourdement sanctionnés alors que le pays va nettement mieux qu’en 2008 lorsque le président républicain, George W Bush quitta le pouvoir.
Personne ne sait encore comment les républicains vont profiter de leur victoire alors que la prochaine présidentielle se déroule dans deux ans et qu’il leur faut absolument démontrer qu’ils sont capables de gouverner et de prendre des décisions importantes, eux qui n’ont depuis six ans eu qu’une seule tactique contre Obama, l’obstruction et la volonté de détruire tout ce que ce dernier avait construit.
D’autant que le pays n’aime toujours pas les républicains (ils sont moins populaires que les démocrates et le président qu’ils viennent de battre!) et leurs positions extrémistes dans bien des domaines inquiètent les Américains qui souhaiteraient plus de modération et de consensus à Washington.
Et, justement, à propos de cette modération et de ce consensus, ce qui est plus préoccupant pour le Centre, au-delà de cette défaite, c’est qu’il continue à disparaître petit à petit du Congrès alors qu’il représente une importante force électorale potentielle comme le montre tous les sondages mais aussi l’élection et la réélection dans un fauteuil, voici deux ans à peine, de Barack Obama.
N’oublions pas que ce dernier se définit comme centriste ainsi que la favorite pour la présidentielle de 2016, Hillary Clinton, tous deux au Parti démocrate alors que l’on ne trouve que des centristes résiduels au Parti républicain.
Comment donc se fait-il que la droite, parfois radicale voire extrême, parvienne à de si bons résultats d’autant que dans les rangs des républicains il y a quasiment plus de centristes alors qu’ils étaient une force majeure il y a encore vingt ans?
Passons rapidement sur la sempiternelle explication que le pays a viré à droite – ce qui n’explique évidemment pas les victoires d’Obama et peut-être celle de Clinton --, car il ne faut pas oublier que lors des élections de 2012 qui vit la victoire d’Obama, les démocrates devancèrent les républicains de plus d’un million de voix pour l’élection à la Chambre des représentants et se retrouvèrent malgré tout largement minoritaires!
Tout cela du fait du découpage incroyable des circonscriptions où chaque parti – mais surtout le Parti républicain – a bâti des fiefs inexpugnables rendant souvent illusoire la démocratie puisqu’avec une minorité dans les urnes on peut désormais contrôler le Congrès avec une large majorité.
De plus, Barack Obama souffre de ce syndrome qui expose dorénavant le chef d’un pays au désamour d’une population souvent sur des sentiments diffus et non sur une réalité concrète.
Ainsi, on chercherait en vain les cataclysmes promis par les républicains si Barack Obama – rendu responsable de l’épidémie Ebola et de la création de l’Etat islamique! – n’était pas battu à ces élections (les républicains ont plus cité le nom du président dans leurs publicités, dans leurs interventions dans les médias, dans leurs discours et dans les débats face à leurs opposants que les démocrates…) mais le rejet du pouvoir central a joué à fond des deux côtés de l’échiquier politique.
Car si les républicains l’ont si facilement emporté, c’est également parce que nombre d’électeurs démocrates ne sont pas déplacés dans les bureaux de vote, reprochant à Obama son centrisme.
Mais si les électeurs ont voté pour un parti qu’ils détestent encore plus que le président, c’est qu’ils ont été déçus par ce dernier.
Quand on dit cela, il faut se remémorer ce qu’on disait de Barack Obama en 2008.
Il était présenté par les médias américains et mondiaux comme une superstar et un superman qui allait régler tous les problèmes des Etats-Unis et du monde.
Son intelligence, son charisme, ses qualités relationnelles étaient loués partout.
Dès cette première élection, il était évident qu’il ne pouvait que décevoir, même s’il avait réussi tout ce qu’il avait entrepris, tellement on lui demandait plus.
Et, bien sûr, il n’a pas toujours été à la hauteur, non de cette attente, mais de ce qu’il avait lui-même déclaré.
Surtout, il est apparu comme un homme loin du peuple (pas forcément de ses préoccupations) et qui avait du mal à lui parler, ce qui l’a enfermé dans une sorte de tour d’ivoire où les républicains l’ont ensuite retenu prisonnier.
De même, sur plusieurs dossiers importants, sa réflexion, pourtant légitime, est apparue comme une faiblesse dans un monde où le paraître fait souvent la personne.
On se rappelle ainsi de sa volte-face face à Bachar El Assad en Syrie mais aussi son incapacité à se décider à mettre en place une réforme de l’immigration.
A chaque fois, les arguments sont tout à fait recevables mais ils apparaissent comme des renoncements couplés avec une certaine faiblesse.
Plus généralement, Il y a également ce problème auxquels sont confrontés tous les centristes qui parviennent au pouvoir dans tous les pays du monde: gouverner au centre tout en devant constamment essuyer les critiques et les attaques de la Gauche et de la Droite et ce tout en continuant à chercher des terrains d’entente avec la Droite et la Gauche, puisque cela fait partie de leur Adn.
Car Droite et Gauche ne sont pas prêtes aux compromis et profitent d’une main tendue pour décrire le pouvoir centriste comme mou et indécis ainsi que pour affirmer que sa politique vient de l’autre camp afin de mobiliser son électorat-clientèle.
Les républicains avaient décidé en 2008, dès le lendemain de l’élection historique de Barack Obama à la présidence de lui faire vivre un enfer, à la fois parce qu’il voulait réformer un pays qui en avait tant besoin et parce qu’il voulait gouverner de manière bipartisane, voire post-partisane, ce qui représentait un danger électoral majeur pour un parti républicain déjà bien ancré dans une droite radicale.
In fine, ils ont réussi après six ans d’attaques incessantes, de blocages au Congrès, d’insultes sur le président (qui, rappelons-le, a été présenté comme un nouvel Hitler ou un nouveau Staline par les extrémistes du Tea Party…).
Doit-on en être satisfait pour la démocratie américaine et pour la démocratie tout court?...

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC