vendredi 22 novembre 2019

Vues du Centre. La grève du 5 décembre sera corporatiste et politicienne


Par Jean-François Borrou

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.

Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites
La grève du 5 décembre est organisée, selon les syndicats qui ont appelé à ce mouvement, pour protester contre la réforme des retraites.
En réalité, ce n’est pas une réforme des retraites qu’ils combattent mais, avant tout, des régimes de retraites de certaines catégories de salariés et de professions libérales qui donnent à ceux-ci et à celles-ci des avantages extraordinaires au sens littéral du mot.
Des avantages que tous les autres citoyens français payent par leurs impôts, vous, moi, tout le monde, d’une manière ou d’une autre.
Ça, ils «oublient» de le dire.
Il n’y a là aucun mouvement général des travailleurs (tout comme l’entier pays n’est pas descendu dans la rue avec les gilets jaunes) mais une simple volonté de privilégiés de garder leurs avantages au détriment de la grande majorité de la population.
Ce n’est pas une opinion, c’est un fait.
Dans une pure démagogie, ces privilégiés affirment qu’ils luttent pour tous les autres afin qu’ils bénéficient des mêmes avantages.
C’est totalement faux et ce, pour une bonne raison: la France ne serait pas capable de payer ces sommes astronomiques.
Non, ils luttent pour eux et pour eux seuls.
Sur ce corporatisme se sont greffés tout ce que le pays compte de séditieux, de revanchards, d’aventuriers et de politiciens qui veulent tous jouer la politique du pire afin de se débarrasser d’un pouvoir qu’ils estiment illégitime alors même qu’il a été élu démocratiquement sans l’ombre d’un doute et qu’il possède une majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Dès lors, il est tout à fait juste de parler d’une grève politicienne dont le but est de déstabiliser la démocratie républicaine avec, ici ou là, des appels à des violences, à des blocages sans fin du pays et de son économie, à renverser le gouvernement.
Si une grève corporatiste – très commune malheureusement – est moralement critiquable, elle ne l’est pas quand au droit de ceux qui veulent défendre leurs avantages de (se) manifester pour les garder.
En revanche, il n’y a aucune légitimité à une grève politique dans une démocratie républicaine où la rue et les organisations syndicales ou autres ne peuvent contester un pouvoir élu et qui n’agit pas contre la démocratie ou qui n’a pas mis en place un régime de corruption.
Rappelons en passant que la réforme des retraites faisait bien partie du programme d’Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle de 2017 et que les Français l’ont élu pour réaliser celui-ci.
Maintenant, si l’on rentre dans le fond de l’affaire, il est essentiel depuis des années de procéder à une réforme des retraites que tous les gouvernements précédents n’ont pas eu le courage de faire car ils savaient qu’elle serait impopulaire.
D’ailleurs, le gouvernement actuel a déjà reculé par rapport à la réforme qu’il était nécessaire de mettre en place pour désamorcer un mouvement dur et violent.
Reste qu’il a tout de même garder les fondamentaux.
Et il doit absolument tenir cette ligne afin que la réforme ait un sens car nous savons très bien que si nous ne faisons rien, tout le système des retraites va imploser à plus ou moins moyen terme et que cela aura des répercussions désastreuses sur l’économie mais aussi toute l’architecture sociale du pays.
Aujourd’hui, nous ne pouvons plus garder un système qu’il n’est pas possible d’équilibrer pour de multiples raisons (croissance économique faible, baisse des naissances, allongement de la durée de la vie, etc.).
Ce serait donc irresponsable de ne rien faire.
Tous ceux qui ont en vue le bien de chacun et de la communauté, dont les centristes, doivent espérer que le 5 décembre les Français, au lieu de croire faussement que les grévistes les représentent, seront capables de comprendre qu’il faut réformer les retraites.
Non pas par civisme (ce n’est guère l’époque pour cela…) mais uniquement parce qu’elle sert l’intérêt personnel de chacun d’eux.

Jean-François Borrou



Vues du Centre. Oui, il faut une défense européenne forte et autonome


Par Aris de Hesselin

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.

La présidence de Donald Trump, qu’on le veuille ou non, que l’on se mette des œillères ou non, nous a appris une chose: il est possible que les Etats-Unis sous le gouvernement d’un incapable fainéant, populiste et démagogue ne viennent pas au secours de l’Europe en cas d’agression.
Le systématisme qui présidait jusqu’alors est mort avec lui car même s’il est contenu dans le traité de l’Otan, on sait avec quel cynisme ce président américain s’assoit, non seulement, sur la loi mais sur les engagements de son pays, les Kurdes en savent quelque chose!
Et rien ne dit, qu’à l’avenir, un autre président du même acabit que Trump ne sera pas en charge des Etats-Unis (Trump, déjà, s’il est réélu en 2020).
C’est une révolution pour les Européens dans la façon dont ils envisagent leur défense.
Là où Trump n’a pas totalement faux, c’est que certains pays européens – dont les pays du nord mais aussi et surtout l’Allemagne et quelques autres – se reposent sur l’Otan et la puissance de l’armée américaine pour refuser de prendre leurs responsabilités en matière militaire, en particulier au niveau sonnant et trébuchant, en consacrant si peu de leur budget à leurs forces armées.
Leurs excuses sont qu’ils sont pacifistes (on voit ce que cela a donné pour la Belgique lors des deux conflits mondiaux de se dire neutre…) et qu’à l’ère nucléaire dépenser pour des tanks ou des porte-avions ne sert à rien.
Sans oublier, pour l’Allemagne le traumatisme de deux régimes militaires qui les ont entrainés dans la guerre, celui du kaiser Guillaume et celui de Hitler.
Mais ces excuses ne tiennent pas la route en ce troisième millénaire face à la réalité du monde et, surtout, sont avancées pour continuer à investir leur argent ailleurs de manière plus rentable.
Les «miracles» allemands et japonais de l’après-Deuxième guerre mondiale sont dus en grande partie à ce que ces deux perdants du conflit n’avaient pas à investir dans leur défense.
Ainsi, depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale, à part la France et à un moindre degré le Royaume Uni, les Européens bradent leur défense allègrement.
Jusqu’à présent, comme on l’a dit, ils comptaient sur leur oncle d’Amérique pour venir les sauver.
Mais cet automatisme n’est plus une certitude.
Dès lors, il n’est plus possible de tenir des discours lénifiants sur l’Otan et son parapluie.
De ce point de vue, Emmanuel Macron a eu raison de signifier par une phrase un peu provocatrice que l’Otan est en état de mort cérébral.
Mais, ce qu’oublient de dire tous ceux qui critiquent cette formule, c’est le reste de ses propos qui, eux, n’étaient pas dans la provocation mais dans la proposition, dans la responsabilité et la lucidité.
Car le but du président français est bien de construire enfin cette défense européenne qui nous assurera la sécurité mais aussi le statut de puissance qui permet, non pas d’imposer des diktats, mais de pouvoir défendre ses intérêts et ses valeurs avec toute l’efficacité nécessaire.
Cela ne signifie évidemment pas que l’Europe doit en finir avec son alliance avec les Etats-Unis.
Ce serait une erreur et une stupidité monstrueuse parce que la «défense du monde libre» quoi qu’en pense des irresponsables notoires est malheureusement toujours d’actualité.
Mais quand on voit le président américain actuel encensé à longueur de journée les régimes non-démocratiques ainsi que les autocrates et les dictateurs qui les dirigent, aucun responsable politique européen lucide ne peut se dire qu’il n’y a aucun problème et que tout peut continuer comme avant.
C’est impossible.
De même, face à la menace terroriste, qui est une guerre n’en déplaise à ceux qui veulent jouer avec les concepts, l’Europe a besoin de se défendre en pouvant intervenir sur des théâtres d’opération extérieurs avant que ladite menace ne touche notre sol.
Cette défense européenne souhaitée par Emmanuel Macron et d’autres (dont on rappelle que ce fut d’abord une idée française dans les années 1950… que les députés français torpillèrent ensuite!) fera évidemment partie d’une alliance avec les Etats-Unis et d’autres pays (mais pourquoi avec la Turquie, par exemple?).
Avoir une défense solide et performante, ce n’est pas être va-t-en-guerre, c’est, pour les démocraties, le meilleur moyen de protéger leur trésor: la liberté, l’égalité et la fraternité et toutes les valeurs humanistes que portent ces trois mots qu’ils valent bien qu’on les défende.

Aris de Hesselin