lundi 8 octobre 2018

Actualités du Centre. Richard Ferrand veut que «protéger et unir» soit le «nouveau souffle» de l’«an II» du quinquennat

Richard Ferrand
Après une tribune publiée dans Le Monde, le président de l’Assemblée nationale fraîchement élu à ce poste, a accordé un entretien au JDD.
Dans les colonnes du Monde, Richard Ferrand, plaidait pour un «républicanisme rénové» à l’occasion des soixante ans de la Constitution de la V° République.
Dans celles du JDD, il souhaite un «an II» du quinquennat qui soit celui de «la république contractuelle», tout en rappelant qu’«il faut faut rester fidèle au projet initial» qui est de «libérer, protéger et unir», mais il considère qu’il faut un «nouveau souffle».

- Extrait de l’interview accordée au JDD
(…)
Qu'attendez-vous de ce remaniement (du gouvernement)?
Il y a eu l'an I du quinquennat, l'année du consulat, elle s'est déroulée à un rythme très soutenu. Les fondations, les masses de granit ont été posées. Nous allons désormais entamer l'an II du quinquennat, celui de la République contractuelle. Emmanuel Macron l'a évoqué dès son discours au Congrès, avec un «pacte girondin». Le Président veut, et je l'accompagnerai sur ce chemin, poursuivre l'intensité des réformes et fédérer davantage.
N'y a-t-il pas eu un rendez-vous raté avec la France rurale et les élus locaux?
Il y a eu beaucoup de malentendus, à nous de nous réconcilier avec les territoires. Sans doute qu'il y a eu des insuffisances. Je suis pour des initiatives fortes. Cela peut se traduire par une place plus visible de ces enjeux dans le prochain remaniement. C'est ce que j'attends de l'exécutif.
Les syndicats aussi ont pu se sentir maltraités…
Sur les dossiers qui sont devant nous, il faut laisser la plus grande place possible à la négociation, dès lors qu'elle est sincère. Sur le terrain, aux partenaires sociaux de se saisir de ce que la loi permet! À eux de s'activer!
La première année a-t-elle été trop «jupitérienne»?
La première phase a été d'une grande verticalité mais elle était nécessaire. Aujourd'hui, nous devons davantage nous appuyer sur toutes les forces de progrès et de transformation. Seuls, on va plus vite, mais ensemble, on va plus loin.
L'an II, comme vous l'appelez, doit-il s'accompagner d'une inflexion de la ligne politique?
Il faut rester fidèle au projet initial, mais il faut un nouveau souffle. Nous devons libérer, protéger et unir. La phase «libérer» ne s'est pas éteinte comme en témoigne la loi Pacte, en cours d'examen. Nous continuons, nous allons mettre l'accélérateur sur «protéger et unir». Des partenaires de la société civile ont eu le sentiment qu'il y avait une noblesse de robe qui s'adressait au tiers état. Rien n'est plus faux. Mais le gouvernement doit respecter ce ressenti. Le Président et moi y sommes très sensibles.
Reconnaissez-vous un manque d'expérience de la part de ce gouvernement?
S'agissant de Gérard Collomb ou de Nicolas Hulot, il serait malvenu de parler d'inexpérience. En revanche, des ministres moins expérimentés politiquement, comme Muriel Pénicaud, Jean-Michel Blanquer ou Agnès Buzyn, se sont révélés aux yeux du grand public et des députés. Il fallait et il faut encore innover et faire confiance à des personnes qui n'ont pas derrière elles des années de vie politique. Au sein de ce gouvernement, il faut de l'expérience politique et en même temps de l'engagement novateur.
Quel profil serait le profil idéal pour remplacer Gérard Collomb?
Il faudrait un Jean-Michel Blanquer de l'Intérieur.
(…)
Faut-il rééquilibrer le gouvernement avec des personnalités de gauche?
Ne réfléchissons pas en termes d'étiquettes mais de capacités à agir.
S'il y a un large remaniement, le Premier ministre doit-il présenter sa démission pour aller vers un nouveau vote de confiance?
Si le Président décide d'un remaniement ample et profond, c'est d'évidence qu'il faudra que le nouveau gouvernement demande la confiance. C'est une indispensable marque de respect due à la représentation nationale.

- Extraits de la tribune publiée dans Le Monde
A un moment où la France célèbre le soixantième anniversaire de la Constitution, promulguée le 4  octobre 1958, il faut saluer cette V° République qui a su restaurer la puissance exécutive dans un cadre demeurant profondément démocratique.
(…)
L'élection du Président de la république au suffrage universel direct, instituée en 1962, a changé la nature du pouvoir exécutif: le chef de l'Etat qui, dans la vision gaullienne, devait «servir d'arbitre au-dessus des contingences politiques», est devenu l'inspirateur d'un projet que la majorité parlementaire, qui se réclame de lui, s'efforce de mettre en œuvre.
Par l'alchimie du suffrage populaire, il reste le président de tous les Français, chef des armées, signataire des traités, tout en insufflant les réformes qu'il juge nécessaires à la bonne santé du pays. Telle est la conception réaffirmée par Emmanuel Macron dans son discours de Versailles, le 9 juillet, lui dont l'engagement politique et moral va de pair avec ce rôle de «garant de l'indépendance nationale» que décrit l'article 5 de la Constitution: à l'évidence, son arbitrage n'a rien de passif ni de désincarné, il exprime des choix politiques déterminants.
(…)
Le Parlement s'en trouve-t-il affaibli? Son rôle demeure : écrire la loi, voter le budget, contrôler et évaluer l'action du gouvernement. Sa responsabilité est immense, puisqu'il doit exercer ses pouvoirs dans la mise en œuvre législative et budgétaire d'un projet présidentiel approuvé par la majorité des citoyens. Mais cette mise en œuvre ne se résume pas à une simple transcription ou exécution: elle est interprétation, dans un échange nourri avec l'exécutif, lequel ne peut imposer ses vues au pouvoir législatif.
(…)
Quant à l'opposition, dont les droits sont et doivent toujours être scrupuleusement respectés, elle joue un rôle d'aiguillon tout à fait salutaire, qui contraint le pouvoir à l'excellence. C'est pourquoi toutes les familles de pensée devront être justement représentées au Parlement, grâce à l'introduction d'une dose de proportionnelle. En outre, la saisine du Conseil constitutionnel devra être ouverte à seulement quarante députés ou quarante sénateurs, au lieu de soixante actuellement, quand le nombre de sièges aura diminué.
Attendue par l'opinion, cette réduction du nombre des parlementaires est indispensable pour renouer le lien de confiance entre les citoyens et leurs élus. C'est pourquoi j'appelle de mes vœux cette réforme qui ne signifie en rien l'affaiblissement du Parlement: moins nombreux, députés et sénateurs disposeront individuellement de moyens d'investigation plus conséquents. En tant que président de l'Assemblée nationale, je compte moderniser l'institution pour que le contrôle et l'évaluation ne demeurent pas les parents pauvres du parlementarisme. Accroître le nombre des commissions permanentes pour qu'elles puissent se spécialiser davantage, recourir plus souvent à des missions d'information ou à des études indépendante : ce sont des mesures simples qui fortifieraient l'Assemblée nationale.
Il ne suffit pas de voter des lois, il faut savoir comment elles sont appliquées et quels en sont les effets concrets. La création d'une structure d'évaluation renforcera donc l'expertise des assemblées, pour faire de nos parlementaires les vigies de la République. Au reste, l'attribution de nouvelles compétences aux régions et aux métropoles devrait à terme réduire la masse des textes soumis au Parlement et redonner l'initiative aux territoires, comme de nouvelles latitudes aux administrations déconcentrées.
(…)
La France a cette chance de pouvoir combiner présidence forte et démocratie vraie. Soyons donc des gaullistes mitterrandiens, capables de conserver ce que la Constitution nous procure de cohésion et de stabilité tout en renforçant ce qu'elle a toujours préservé: des contre-pouvoirs solides, au premier rang desquels le Parlement. L'Assemblée nationale, élue au suffrage universel direct, peut légitimement coopérer avec l'exécutif pour réformer le pays tout en prenant en compte les réalités du terrain.
Les Français ne veulent ni immobilisme ni césarisme, mais un républicanisme rénové qui traduise leurs votes en actes: un président à l'initiative, assisté d'un gouvernement agissant, d'un Etat puissant, sous le contrôle d'un Parlement renforcé, avec un nouvel élan de la décentralisation. Révisée en ce sens, notre Constitution sera une sexagénaire flamboyante, parée pour donner une nouvelle jeunesse à la France.