mercredi 1 janvier 2014

L’année du Centrisme dans le monde. 2013, les centristes à la peine

- Les Etats-Unis cherchent leurs centres
Les mots centre, centriste, centrisme n’ont jamais été autant utilisés que cette année aux Etats-Unis face à des médias qui ont attaqué durement Barack Obama et face à la paralysie politique qui a touché une nouvelle fois le pays due en grande partie à l’attitude intransigeante de la droite du Parti républicain.
Pourtant, paradoxalement, on semble trouver de moins en moins de personnalités politiques qui se réclament du Centre.
Même Barack Obama, devant l’attitude extrémiste de la plupart des républicains (qui ont mis de l’eau dans leur vin, pour certains d’entre eux, en toute fin d’année) a «durci» son discours et parle plus de réduire les inégalités criantes du pays que de consensus et de gouvernement bipartisan.
Cela dit, à l’inverse de ce que prétendent les médias conservateurs et les stars de droite des talk-shows, il n’a pas modifié profondément ni son positionnement politique, ni sa vision de la politique.
Pragmatiquement, il a conclu qu’il se trouvait juste face à un mur du refus qu’il a essayé d’abord d’amadouer sans résultats, puis de contourner sans grandes réussites non plus et qu’il a décidé, désormais, d’affronter de face et d’essayer de le détruire, tout au moins de l’affaiblir au maximum.
Ajoutons que si la grande majorité des centristes se trouvent désormais au sein du Parti démocrate, il semble qu’un renouveau centriste, très timide pour l’instant, se dessine chez les républicains dont beaucoup de membres éminents ont enfin compris que la droitisation du pays les menait dans une impasse et une incapacité pour longtemps de remporter l’élection présidentielles.
On parle beaucoup de l’un d’entre eux, Chris Christie, le gouverneur républicain d’un Etat, le New Jersey, viscéralement démocrate qui vient d’être réélu triomphalement à son poste et qui serait une sorte de leader de ce renouveau ainsi que la chance la plus grande pour le Parti républicain de remporter la Maison blanche face au candidat démocrate qui devrait être, selon toutes probabilités, une candidate en la personne d’Hillary Clinton.
Reste que du temps glorieux des centristes républicains de la côte est, dans les années 1950 à 1970, Christie aurait été plutôt catalogué comme un homme bien à droite.
La cote de popularité de Barack Obama a nettement fléchie en cette année 2013, la première de son second mandat après avoir été réélu sans problème en novembre 2012 face au pâle Mitt Romney.
Et pourtant l’économie va nettement mieux ainsi que l’emploi avec une baisse sensible du chômage et, surtout, la création de très nombreux emplois.
Il faut dire que le climat politique n’a pas été très serein et les Américains le font payer à tous les politiques, le président y compris d’autant que celui-ci a connu quelques ratés dans la mise en place de sa réformer phare, celle de l’assurance santé qui est toujours vue négativement par une majorité de la population pour des motifs différents et qu’a éclaté l’affaire des écoutes de la NSA, l’agence de sécurité nationale, suite à la publication de documents secrets par Edward Snowden, la population étant partagée entre la nécessité d’être protégée efficacement contre les terroristes et celle de ne pas être surveillée et contrôlée par l’appareil étatique.
Néanmoins, force est de constater que les centristes démocrates ont encore de beaux jours devant eux, en témoigne le traditionnel sondage sur les personnalités les plus admirées qui sont encore, cette année, Barack Obama pour les hommes et Hillary Clinton pour les femmes, loin devant leurs poursuivants.
En outre, une étude très controversée publiée en fin d’année (et sur laquelle nous reviendrons) estime que 51% des Américains sont des centristes selon les critères retenus par l’institut de sondage Gallup. Même si ces résultats semblent mélanger un peu tout et n’importe quoi, ils démontrent, malgré tout, que l’espace central est de plus en plus une recherche et un positionnement, à la fois, des citoyens, des hommes politiques et des analystes, ce qui traduit une envie du corps social de sortir d’un affrontement idéologique malsain où les extrémistes de droite du Tea party sont les principaux meneurs.
Dernière indication: les deux favoris de la prochaine présidentielle sont actuellement deux centristes, Chris Christie (républicain) et Hillary Clinton (démocrate).

- L’Allemagne sans centristes mais avec une grande coalition
La situation allemande est sans doute atypique. Voilà un pays qui n’a plus de centre politique réellement défini depuis que les Libéraux se sont transporté à la droite des Chrétiens démocrates (eux-mêmes ayant laissé largement vacant, depuis quelques années, l’espace du centre-droit dont ils sont pourtant issus) et que le SPD a glissé un peu plus à gauche suite à sa défaite électorale de 2009.
Néanmoins, cela n’a pas empêché la mise en place d’une grande coalition droite-gauche après les dernières législatives du 22 septembre 2013 pourtant gagnées facilement par la chancelière CDU sortante Angela Merkel avec 41,55% des voix mais pas la majorité aboslue et ne pouvant plus compter sur les libéraux laminés.
Celle-ci a voulu se montrer forte et droite dans ses bottes avec un discours ferme sur la politique économique et sociale à suivre qui fait la part belle aux entreprises et peu aux salariés.
Néanmoins, ses déclarations de fin de campagne électorale ont été plutôt centristes afin de rassurer les Allemands qui ont été contraints de faire des efforts ces dernières années sans en voir des résultats positifs pour leur vie quotidienne.
Cette attitude d’Angela Merkel s’est prolongée dans les négociations avec les sociaux-démocrates du SPD et elle a accepté ce que la droite allemande avait toujours refusé de faire, l’établissement d’un salaire minimum, condition sine qua non de la participation du SPD à la grande coalition, lui qui se rappelle douloureusement que cette alliance avec la CDU entre 2005 et 2009, déjà sous la direction de Merkel, ne lui a guère sourit.

- La Grande Bretagne et son centre en péril
Les Libéraux-démocrates (LibDem) qui occcupent l’espace centriste sont toujours en grand danger d’existence dans les années à venir mais ont obtenu un répit en 2013 faute d’élections nationales. Néanmoins, les européennes qui se dérouleront l’année prochaine risquent d’être périlleuses pour les troupes de Nick Clegg, le vice-premier ministre du pays et allié du conservateur David Cameron au sein de la coalition entre la Droite et le Centre actuellement aux affaires.
Néanmoins, les bons résultats économiques du pays cette année pourraient peut-être jouer en faveur des LibDem lors des prochaines élections générales qui se dérouleront au plus tard en mai 2015.

- Berlusconi out et le centre-gauche au pouvoir en Italie
Après les élections législatives de février 2013, le pays s’est retrouvé dans un blocage politique très préoccupant. Car, même si le Parti démocrate (centre-gauche) avait remporté les élections, il ne pouvait gouverner seul et il avait promis de ne pas s’allier avec Berlusconi.
La seule solution était de se tourner vers les nombreux élus populistes menés par l’ancien comique Beppe Grillo mais celui-ci refusait toute alliance avec un parti traditionnel.
En fin de compte, c’est une grande coalition qui a été mise en place.
Néanmoins, la situation s’est détériorée au moment où Silvio Berlusconi a été une nouvelle fois évincé du pouvoir en Italie, perdant son siège de sénateur suite à ses multiples condamnations judiciaires.
Est-ce la fin du «Cavaliere»? Aucun analyste sérieux ne peut l’affirmer ce qui en dit long sur les problèmes au sein de la classe politique transalpine…
Toujours est-il que Berlusconi a menacé de bloquer la coalition, ce qu’il n’est pas parvenu à faire in fine, perdant une grande partie de ses alliés.
C’est donc le centre-gauche qui est actuellement au pouvoir avec aux commandes Enrico Letta du Parti démocrate qui dirige cette grande coalition.
Un gouvernement qui a, désormais, les mains un peu plus libres que précédemment lorsque Berlusconi lui faisait continuellement du chantage.
Reste qu’il est difficile de savoir ce qui va se passer dans les mois qui viennent, en Italie tout allant très vite, les gouvernements forts d’hier sont souvent les gouvernements renversés de demain.

- Le Japon à droite toute
L’échec de l’expérience centriste au Japon a ramené au pouvoir la droite dure d’autant plus que les Japonais sont très inquiets des menaces chinoises et du nationalisme agressif de Pékin à leur encontre.
Shinzo Abe, le nouveau premier ministre a décidé de remettre le Japon sur les rails, ce qui en soi n’est pas mauvais au vu de la situation du pays, mais son discours est très équivoque notamment sur ses références au passé glorieux du pays.
Ces dernières font-elles allusion au Japon démocratique des années d’après-guerre qui est devenu la deuxième puissance mondiale avant d’être détrônée récemment par la Chine ou aux années de l’entre-deux guerres où le Japon impérial, frustré de ne pas être reconnu par la communauté internationale et les Etats-Unis déclencha un conflit avec ces derniers?
Les explications d’Abe ne sont pas très claires alors que ses paroles fortes, elles, font mouche auprès d’une population vieillissante et qui regarde la situation en Asie devenir explosive.
Les centristes du Parti démocrate japonais (PDJ) sont en partie responsables de cette situation, eux qui ont géré le pays ces dernières années, accompagnant son déclin plutôt qu’en inversant le cours de l’histoire et faisant, au passage, de nombreuses bourdes, à la fois en matière de politique intérieure (après le passage du tsunami) et de politique extérieure (tension avec les Etats-Unis).
Surtout, les dissensions internes, les scandales et les démissions ont miné le parti positionné plutôt au centre-gauche.
Après s’être installé au pouvoir en 2009, le PDJ a gouverné pendant trois ans avec trois premiers ministres différents dont, le dernier, Yoshihiko Noda, a subi une défaite cinglante en novembre 2012 puisque son parti n’a remporté que 57 députés contre 294 au Parti libéral-démocrate d’Abe!

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery

Directeur des études du CREC