lundi 2 janvier 2012

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Choisissons le «mieux» plutôt que le «plus»


Il y a quelques jours, revenant de faire les courses pour Noël, j’ai croisé sur le trottoir d’en face, un jeune garçon tenant dans sa main un rouleau de papier cadeau. En marchant, il s’amusait à en faire - comme je le faisais moi-même dans mon enfance-, tantôt un haut-parleur, tantôt une épée, tantôt une trompette, tantôt une batte de baseball, tantôt une rame de canoë, tantôt un club de golf, tantôt un fusil, tantôt un bâton de majorette…
Un bout de bois ou de plastique, un rouleau de papier ou de carton, voilà bien une invention géniale. C’est le jouet multifonction par excellence, pratiquement mieux que la console de jeux vidéo la plus sophistiquée, surtout beaucoup moins cher et indémodable.
Plus sérieusement, voilà une preuve, parmi d’autres, que nous n’avons pas besoin de dépenser «plus» pour être «mieux». Quand comprendrons-nous enfin que ce n’est pas ce «plus» qui nous apportera une vie heureuse mais bien ce «mieux»? Quand comprendrons-nous que le taux de croissance du PIB n’est pas l’indicateur absolu qui permet de juger s’il fait bon vivre et que le nombre de zéros sur une fiche de paie ne fait pas une vie bonne et accomplie?
Cela ne veut pas dire que le développement économique de ces derniers siècles ne nous ait pas apporté un «mieux». Ni même que des revenus en augmentation ne nous permettent pas de vivre mieux.
Cela ne veut pas dire que nous devons tous nous transformer en ascètes et que nous devons vivre frugalement.
Mais n’avons-nous pas trop sacrifié à cette idée qu’une quantité de «plus» était une sorte de synonyme d’une qualité par le «mieux»? Dès lors, avoir «plus» est considéré comme être «mieux». Et ce n’est pas vrai.
Aujourd’hui, où les pays avancés semblent à la croisée des chemins, frappés par une crise qui les oblige à se pencher sur leur modèle de développement, il serait bon que nous ouvrions réellement ce débat pour le bien de toute l’humanité.
Il serait stupide, voire irresponsable, de laisser passer cette chance de réfléchir sur le mode de vie que nous voulons et sur le type d’existence que nous désirons pour nous et celle que nous souhaitons pour nos enfants. Et il ne s’agit pas de dire qu’«avant, c’était meilleur» ou qu’il faut sacrifier notre «confort».
Si ce débat doit avoir un sens, il n’est pas question de parler de surplace (car, dans un monde où le mouvement est une manifestation de la vie, le surplace n’est qu’une régression), de refus du progrès (car celui-ci n’est ni négatif, ni positif, il est ce qu’en font les êtres humains) ou même de décroissance (qui n’a jamais sorti de la pauvreté les milliards de personnes qui en souffrent dans le monde) mais de donner aux mots «croissance», «progrès», «vie bonne» et quelques autres concepts des définitions qui ne ressortent pas ou pas seulement d’une valeur monétaire.
Non pas que l’argent soit l’ennemi (il n’est qu’un moyen qui nous permet d’échanger plus facilement que le troc) mais qu’il soit remis à sa place, celui d’un outil qui n’est pas capable de quantifier notre bonheur ou la réussite de notre vie.
L’année 2012, qui commence – et qui va voir de nombreuses élections aux quatre coins de la planète, notamment en France et aux Etats-Unis avec également un changement d’équipe dirigeante à la tête de la Chine -, pourrait être l’année zéro où l’Humanité ferait éclore une nouvelle vision de ce que doit être la richesse et le développement.
Le Centre en tant qu’humanisme portant des valeurs fortes comme le respect, la solidarité, la tolérance, la liberté, doit porter ce débat avec lucidité et responsabilité. Les centristes savent que l’accumulation effrénée de bien matériels n’a jamais été la solution miracle, d’autant que cette accumulation est sans fin pour ceux qui y voient le remède chimérique à leur mal vivre.
Parce que demain doit, à nouveau, rimer avec espoir d’une vie meilleure, prenons le temps de définir exactement ce que nous entendons par «vie meilleure».
Et inspirons-nous de tous ces enfants qui s’amusent souvent plus avec les rouleaux de papier cadeau qu’avec ce que celui-ci a enveloppé un temps…
Voilà mon vœu pour l’année qui vient.