dimanche 10 avril 2016

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Axe central: ni racolage, ni unanimisme, ni auberge espagnole

L’axe central est une potentialité qui n’est pas encore une réalité politique.
Il résulte d’une constatation, à la fois, auprès des Français et auprès des courants politiques.
Celle-ci montre une convergence de vues et d’opinions entre des deux courants situés à gauche, la social-libéralisme et le social-réformisme, un courant situé à droite, le gaullo-réformisme ou la «centralité» (du nom que lui donnent Alain Juppé et ses amis) et le courant centriste qui est un libéralisme social.
Cet axe est central parce qu’il fait face à deux radicalismes à chacun de ses bords, celui de droite avec l’extrême-droite, la droite conservatrice, la droite radicale et la droite populiste, et celui de gauche, avec l’extrême-gauche, la gauche radicale et la gauche populiste.
Son existence est devenue de plus en plus évidente face à la montée en puissance des discours contre la démocratie républicaine, libérale et représentative, contre une société ouverte et tolérante, contre l’Union européenne et sa place dans la mondialisation.
S’est en effet dégagé alors un courant central, majoritaire dans le pays, tout au moins dans les sondages, qui défend les valeurs de la démocratie républicaine et l’ouverture au monde.
De déclarations en prises de position, nombre d’hommes et de femmes politiques se sont d’eux-mêmes inclus dans ce mouvement encore informel à l’heure actuelle.
On y trouve, pêle-mêle Alain Juppé, Emmanuel Macron, François Bayrou, Manuel Valls, Jean-Christophe Lagarde, Jean-Pierre Raffarin, Christine Lagarde, Jean-Louis Borloo, Jean-Vincent Placé, Hervé Morin, Laurent Hénart, Alain Madelin, Pierre Méhaignerie, François de Rugy, entre autres.
Mais si cet axe central est porteur d’espoirs et de capacités en vue de réformer le pays afin de l’installer vraiment dans le XXI° siècle avant qu’il ne passe à côté de sa modernisation et de son adaptation essentielles s’il vaut demeurer un lieu d’épanouissement pour sa population et une puissance qui compte dans le monde, il ne doit surtout pas devenir un lieu de racolage, d’unanimisme de façade ou un fourre-tout pour tous les politiciens opportunistes en mal de «destin national».
Or, récemment certains propos, certaines postures ont pu inquiéter.
Par exemple, en matière de racolage, les appels de centristes comme Morin ou Lagarde à Macron pour qu’il rejoigne l’UDI centristes ou la déclaration de Raffarin sur la possibilité qu’il soit le premier ministre d’un Juppé président sont aussi politiciens que les propos de ceux qui se servent du ministre de l’Economie afin d’attirer des centristes vers les socialistes ou que les tentatives de diviser le PS en y semant la zizanie d’une partie de la Droite en le complimentant sans cesse, tout en l’invita   nt à changer de bord.
De même, la création d’«En-marche» par Macron est ambigüe. Ses dires sur un positionnement hypothétique ni à droite, ni à gauche, ni au centre, pourraient indiquer que l’axe central n’est en définitive qu’une manière de racoler le plus d’électeurs possibles, tout comme la «centralité» de Juppé, une sorte de positionnement «au centre» qui est le fait le plus souvent d’opportunistes voulant ratisser large tout en se réservant d’évoluer là où se trouvera l’opinion publique du moment.
Mais si l’axe central n’est pas du racolage de personnalités politiques et/ou d’électeurs, il n’est pas, non plus, un unanimisme, une sorte d’union nationale qui ne dirait pas son nom ou de tentative de créer un parti politique unique.
Ainsi, quand Bayrou y voit une justification de son positionnement «gaullien» ou quand, pire, Morin prétend y voir un prochain parti uni allant de Nicolas Sarkozy à François Hollande en passant par François Bayrou, ils tentent évidemment d’avancer leurs pions personnels mais, ce faisant, ils dénaturent complètement ce qu’est et doit demeurer l’axe central.
Celui-ci ne prétend pas que Juppé et Macron, Valls et Bayrou, Raffarin et Placé, c’est blanc bonnet et bonnet blanc, qu’ils partagent tous les mêmes points de vue sur tout et qu’ils peuvent se fondre tous ensemble dès aujourd’hui dans une grande formation.
Non, l’axe central est un concept de coalition et doit le rester, tout au moins tant que les différences partisanes demeureront entre tous ses acteurs.
Ces derniers partagent une volonté réformatrice et sont attachés aux mêmes valeurs de la démocratie et de la république.
Mais ils ne partagent pas toujours une vision identique sur tous les sujets et ils viennent de traditions politiques différentes.
C’est d’ailleurs ce qui fera la force de cet axe, être pluraliste tout en poursuivant  le but crucial de réformer la France.
Pour autant, l’axe central n’est pas non plus une auberge espagnole où toutes les ambitions tenteraient de se l’accaparer avec des discours sur mesure au temps présent d’une montée du populisme, de la démagogie et d’un retour au peuple aussi stupide qu’improbable, à moins de changer de système, c’est-à-dire de tourner le dos à la démocratie républicaine, libérale et représentative, ce mélange instable de concepts d’abord concurrent voire adversaires (démocratie et république, libéralisme et représentativité, démocratie et libéralisme, démocratie et représentativité, république et libéralisme) qui assure le seul système où la liberté et l’égalité peuvent travailler ensemble.
De même, il n’est pas une auberge espagnole où le sésame pour en faire partie serait de proposer des réformes quelles qu’elles soient.
Celles-ci doivent être portées par la liberté, la méritocratie, la justice, la responsabilité, le respect et l’humanisme.
Ainsi, s’il s’avérait, in fine, que l’axe central, dans l’esprit de ceux qui s’y sont installés n’est que racolage et/ou unanimisme et/ou auberge espagnole, il se dégonflera alors comme un vulgaire ballon de baudruche au grand dam de tous les Français qui croient de plus en plus en lui et espèrent qu’il sera enfin celui d’un grand élan qui se fait tant attendre.
Et alors c’est la démocratie républicaine qui sera une nouvelle fois cocue.
Et il ne faudra pas s’étonner que le populisme et la démagogie en profitent, eux qui sont à l’affût dès à présent.