dimanche 20 décembre 2015

Présidentielle 2017. Bernard Tapie, le Donald Trump français?

Bernard Tapie & Donald Trump
Dans une interview au JDD, Bernard Tapie vient d’annoncer son retour en politique.
On se rappelle que dans les années 1990, il avait été député des Bouches-du-Rhône ainsi que ministre de la Ville de François Mitterrand et qu’il avait voulu briguer la mairie de Marseille avant d’être déclaré inéligible.
Si son objectif est de faire à nouveau barrage au Front national en se dressant sur la route de Marine Le Pen comme il l’avait fait pour le père de celle-ci avec un certain succès ainsi que de proposer un plan anti-chômage des jeunes en se targuant de sa réussite dans les affaires, il laisse la porte ouverte à un avenir autrement plus grand avec la possibilité de se présenter à la prochaine présidentielle en 2017.
Cette annonce ainsi que le profil de Bernard Tapie font tout de suite penser à un autre homme d’affaires… l’Américain Donald Trump.
Tous les deux sont des hommes forts en gueule, narcissiques et qui sont dans des challenges constants.
Même si Bernard Tapie a tâté de la politique avant que Trump ne s’y lance vraiment (mais à chaque élection présidentielle américaine passée, ce dernier déclarait qu’il allait être candidat), c’est bien aujourd’hui en «Trump français» qu’il faut présenter l’ancien président de l’Olympique de Marseille, d’autant qu’on ne peut pas écarter que son choix de revenir dans l’arène publique n’a pas été confortée par le parcours actuel du promoteur newyorkais en tête dans les sondages pour la primaire républicaine qui doit désigner le candidat du parti pour 2016.
Voyons quelles sont les similitudes et les différences entre les deux hommes.
1) Les similitudes
- Forts en gueule et disent ce qu’ils pensent: Bernard Tapie et Donald Trump ont l’image médiatique de ceux qui parlent haut et fort, sans tabous, et qui disent ce qu’ils pensent.
En outre, ce sont des bêtes médiatiques avec une capacité évidente de maîtriser l’outil télévisuel à leur profit.
Même si la sincérité de leurs propos peut parfois être mise en doute avec leur propension au populisme et à la démagogie, il s’agit, malgré tout, de la vision que le grand public a des deux hommes.
- Hommes d’affaires qui ont fait plusieurs fois faillites et qui ont réussi plusieurs fois: si Donald Trump est l’héritier d’un riche promoteur et Bernard Tapie est l’homme qui vient du peuple, tous les deux ont cultivé l’image de celui qui a réussi grâce à ses efforts et ses qualités.
De même, tous les deux sont vus comme des personnes qui prennent des risques.
Tout comme Bernard Tapie (qui risque une nouvelle faillite), Donald Trump a connu des revers de fortune (il a fait plusieurs fois faillite) et a rebondi à chaque fois. Cette capacité de rebond est d’ailleurs une de leurs caractéristiques qui les rendent populaires.
- Nomades politiques de la Droite à la Gauche en passant par le Centre: les deux hommes ont des parcours politiques pour le moins éclectiques pour ne pas dire opportunistes.
Donald Trump a été démocrate (soutenant Bill Clinton), il est désormais républicain mais menace de se présenter comme «independent».
Son programme emprunte tant à la Droite, à la droite de la Droite et à la Gauche qu’à la gauche de la Gauche, ce qui lui permet de ratisser large même si ses opposants montrent que celui-ci n’a en réalité ni queue, ni tête.
Tapie a été ministre du socialiste François Mitterrand en 1992 et 1993, a soutenu le droitiste Nicolas Sarkozy pour la présidentielle de 2007 et a été à la tête d’une liste de centre-gauche aux européennes de 1994.
Sans oublier que son avocat personnel a été pendant des années Jean-Louis Borloo, le fondateur du parti de centre-droit, l’UDI.
- Ils sont des hommes en dehors du système: Même si Bernard Tapie a fait de la politique il a été rejeté globalement par le monde politique tout comme l’est Donald Trump actuellement.
Ainsi, de la Droite à la Gauche, ils suscitent la même hostilité, ce qui leur donne du crédit auprès d’une partie non-négligeable de la population.
- Ils ont plus des fans que des soutiens politiques: tant Bernard Tapie que Donald Trump sont l’objet d’un puissant rejet ou d’une tout aussi puissante sympathie qui ressemble fort à celle d’un fan plutôt que celle suscitée par une adhésion à leur vision ou leur programme politiques.
- Ils sont de la même génération: Bernard Tapie, né en 1943, est l’aîné de trois ans de Donald Trump, né en 1946.
Ils font partie de cette génération des «baby boomers» et leur parcours épouse tous les succès mais aussi tous les problèmes et les contradictions qu’ont connus les sociétés occidentales au cours de l’après-guerre jusqu’à nos jours.
2) Les différences
- Bernard Tapie n’a plus l’aura d’il y a quelques années alors que Donald Trump a le vent en poupe: mais cette situation pourrait changer avec l’annonce de Tapie de revenir en politique.
De même, Donald Trump pourrait demain disparaitre totalement de la scène politique américaine, aussi vite qu’il est monté dans les sondages.
- Bernard Tapie a déjà occupé des fonctions politiques pas Donald Trump: cette différence entre les deux hommes pourrait permettre au Français d’éviter des gaffes que l’Américain a déjà commises même si elles ne lui ont pas encore coûté sa crédibilité auprès de ses fans.
- Bernard Tapie a l’air moins dangereux que Donald Trump: si, dans les années 1990, on s’est toujours posé la question de savoir ce que ferait vraiment Bernard Tapie s’il parvenait au pouvoir, il semble malgré tout bien moins dangereux que Donald Trump.
Si tous deux, comme on l’a dit, ont la fibre populiste et une propension démagogique, Bernard Tapie l’a mise au service, jusqu’à présent d’une vision politique plutôt «centriste» alors que Donald Trump flirte beaucoup avec la droite radicale, voire l’extrême-droite.
Si, dans les mois qui viennent, les deux hommes parviennent à relever leurs défis, les paysages politiques tant français qu’étasunien pourraient bien être bouleversés en profondeur.
On en est, malgré tout, encore loin.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


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Actualités du Centre. Le PS propose une «alliance populaire» allant des centristes aux communistes!

Cambadélis et Valls
Par la voie de son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, le Parti socialiste propose une vaste «alliance populaire» allant des centristes aux communistes!
Dans une interview à la presse européenne, il déclare ainsi que cette alliance «est le regroupement autour du PS de tous ceux qui se reconnaissent dans la défense de la république mais aussi dans l’Europe, dans une vision ouverte de la France.»
A la question sur la volonté de Manuel Valls d’organiser un rassemblement des républicains des deux bords, ceux de la droite modérée, ceux de la gauche modérée, il ne répond pas directement en estimant que cette volonté du premier ministre «est le produit de la crise à droite. Il y a cette crise à droite mais il faut que le centre se détache de la droite. Pour le moment, il ne l’a pas fait. Il ne peut le faire que s’il y a une dynamique à gauche: moderne, européenne, écologique et sociale pour la République, si ce processus là se construit, s’il est visible, s’il rassemble des gens qui dépassent le Parti socialiste, tel qu’il a été jusqu’à présent. Et en fonction de la ligne droitière de la droite, des secteurs du centre viendront».
Et il précise que ce ralliement centriste se fera «à partir d’une gauche renouvelée. Mais je ne crois pas à une gauche réduite à l’état de trace dans un conglomérat à hégémonie centriste. Ma stratégie c’est celle des poupées russes. On commence par le PS, on fait une alliance avec des citoyens et les partenaires les plus proches, on discute avec les écologistes voire les communistes, on s’ouvre aux centristes, aux républicains qui voudront venir. Nous voulons être le centre de gravité! Construire un bloc républicain contre un bloc réactionnaire. C’est l’enjeu. Sinon la gauche sera à l’image de notre situation en Provence – Alpes – Côte-d’Azur, des supplétifs d’une droite plus ou moins centrée dans le combat contre le Front national».
Si l’on comprend bien les propos du premier secrétaire du PS, il souhaite une union entre les centristes et les communistes alors que la signature du programme commun de gouvernement entre le PS et le PC en 1972 avait décidé le Centre de rejoindre définitivement la Droite sauf pour une petite partie du Parti radical qui était devenue le PRG (Parti radical de gauche).
En réalité cette proposition d’«alliance populaire» vise surtout à contrecarrer les plans de Manuel Valls qui tente depuis plusieurs années et surtout depuis qu’il est premier ministre de recentrer les socialistes dans une alliance entre les sociaux-libéraux et les libéraux-sociaux.
Ainsi, il existe trois voies pour une ouverture du PS, celle de Manuel Valls qui privilégie l’ouverture au centre, celle de Jean-Christophe Cambadélis qui veut un vaste rassemblement informe de tendances qui sont d’accord sur pratiquement rien et celle des frondeurs qui souhaitent un rapprochement avec le Front de gauche et la gauche de la Gauche exclusivement.