jeudi 18 octobre 2018

Une Semaine en Centrisme. Bayrou surjoue-t-il son soutien à Macron?

François Bayrou & Emmanuel Macron en 2017
François Bayrou semble agacé que, lors de ses dernières interviews, les journalistes lui demandent systématiquement s’il soutient vraiment Emmanuel Macron, s’il a composer largement le nouveau gouvernement et s’il est devenu l’homme fort de la majorité présidentielle surfant sur les difficultés du Président de la république.
Il faut dire que sa tactique de «soutien critique» qu’il a développé ces derniers mois et qu’il semble avoir abandonné pour un soutien plus clair du Président de la république a donné du grain à moudre aux médias.

Une tactique qui semble avoir été gagnante et qui l’est pratiquement toujours en matière politique pour que le plus faible d’une majorité puisse, à un moment donné, se présenter en position de force face au plus fort pour obtenir des gains et des concessions.

Il suffisait d’attendre les inexorables et incontournables difficultés du président et de son gouvernement pour être la soupape qui leur donne un peu d’air tout en permettant d’être mieux servi.

Mais, une fois cette carte mise sur la table, on ne peut pas la réutiliser immédiatement sous peine de perdre toute crédibilité et tout moyen de pression pour les prochains trous d’air qui seront tout aussi inexorables et incontournables.

Dès lors, on peut se poser la question de savoir si, aujourd’hui, il ne surjoue pas trop son soutien.

Car, beaucoup de ses griefs, personnels et politiques, n’ont pas disparu puisqu’Emmanuel Macron n’a pas changé de politique et qu’il a déclaré qu’il n’en changerait pas.

De même, François Bayrou n’a pas été servi (il assure qu’il ne veut rien…) et son parti, même s’il a des ministres plus en vue, n’a pas une position beaucoup plus importante dans le gouvernement d’Edouard Philippe.

Alors, oui, les propos de fidélité, d’adhésion sans aucun état d’âme à la politique mise en place, les félicitations pour l’homme Macron et son action, jusque dans les justifications du comportement de ce dernier face aux attaques de l’opposition et des médias, même des «défauts» que Bayrou pointait lui-même il y a peu, cela fait beaucoup, trop sans doute pour être tout à fait crédible.

Si on replace le nouvel état d’esprit du président du Mouvement démocrate uniquement là où il doit être, la stratégie politique (portée en partie par le projet politique du MoDem), l’évidence de se repaître d’une phase particulièrement positive est évidente comme l’est la volonté de la faire fructifier le plus longtemps possible avant de repartir en tête-à-tête voir face-à-face avec Emmanuel Macron.

Car il en va de la survie politique de François Bayrou et du Mouvement démocrate sur le moyen et long terme.

En effet, et contrairement à ce que veux faire croire l’éphémère ministre de la Justice et numéro deux du premier gouvernement d’Edouard Philippe, il n’a pas fait gagné Emmanuel Macron en 2017, ni par son soutien, ni par les voix qu’il a apporté lorsqu’il a fait «alliance» avec lui (voix du MoDem qui étaient déjà largement acquises au candidat d’En marche et qui l’auraient été encore plus, plus le scrutin aurait approché) et, plus important, son parti est encore vivant aujourd’hui parce que le Président de la république l’a bien voulu en lui permettant d’avoir une quarantaine de députés à l’Assemblée nationale pour le remercier de ce soutien plus symbolique que sonnant et trébuchant.

Du coup, Bayrou doit absolument faire en sorte que cette manne inespérée (puisque le candidat de la droite – qui était majoritaire dans le pays – était le favori de la présidentielle de 2017 et que son nom était François Fillon) ne soit pas éphémère et que ce coup de chance soit le moyen de bâtir un parti pérenne avec nombre d’élus mais aussi une nouvelle dynamique pour son destin personnel qui, malgré ses dénégations, est encore sa principale priorité.

Cette volonté est évidemment éminemment légitime pour le responsable de parti qu’il est et pour quelqu’un qui a une ambition politique nationale.

Aujourd’hui, il peut savourer, malgré les anicroches, le chemin parcourut depuis janvier 2017 (et son ralliement à Macron).

D’homme du passé en déclin inexorable à la tête d’un parti vide et criblé de dettes, il est revenu sur le devant de la scène.

De quoi penser fortement à l’avenir et à ses opportunités mais aussi à surjouer un soutien à Emmanuel Macron car les gains de cette manœuvre à double-détente (soutien critique/soutien inconditionnel) peut encore lui rapporter gros.



Alexandre Vatimbella

Directeur du CREC