mardi 3 septembre 2013

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La démocratie est un combat

Faut-il ou non intervenir en Syrie? Comment se comporter face à l’autocrate Poutine et au régime communiste chinois? Quelle est la meilleure façon de protéger la liberté?
Autant de questions qui se sont entrechoquées ces derniers mois que ce soit avec les combats en Syrie, les affrontements en Egypte, les fuites sur les pratiques de la NSA aux Etats-Unis, les provocations russes contre les gays et le soutien du régime aux dictateurs de tous poils sur fond de reprise en main intérieure, le tour de vis chinois depuis l’arrivée de Xi Jinping qui se réfère à Marx et, surtout, à Mao en lui rendant des hommages appuyés et répétés, souhaitant marcher dans ses pas.
Les démocraties sont donc, une fois de plus, devant des dilemmes importants.
Le président syrien, comme son père avant lui, tue ses concitoyens avec du gaz sarin, les Frères musulmans et l’armée égyptienne rivalisent d’intolérance, les écoutes américaines mettent en émoi une partie du monde qui place la liberté au-dessus de la sécurité, les agissements du président russe nous rappelle tous les jours qu’il a été formé par le KGB dont on pouvait comparer les pratiques lors de la guerre froide à la tristement célèbre Gestapo et les sombres prédictions des défenseurs chinois de la démocratie sur la personne du nouveau maître de l’Empire du milieu se révèlent malheureusement trop vraies.
Que faire?
Se faire tuer pour sauver des enfants syriens? Laisser une dictature quelle qu’elle soit se mettre en place en Egypte? Accepter de perdre de la liberté pour de la sécurité sans être sûr que le deal est exactement celui-là? Continuer à faire comme si Poutine et Xi étaient des gens charmants et fréquentables pendant que leurs opposants soient pourchassés et emprisonnés?
Les réponses ne sont pas simples et, surtout, ne doivent pas être simplistes.
Prenons l’exemple syrien. Se lancer dans une guerre totale avec le clan Assad tête baissée serait aussi stupide que de ne rien dire et faire en se lavant les mains de massacres horribles et inacceptables.
Pourquoi?
Parce que, dans le premier cas, intervenir alors que  la chute d’Assad aurait de grandes chances de permettre aux intégristes islamistes de mettre le pays sous leur coupe et à en faire une base de l’extrémisme et du terrorisme, faisant en quelque sorte d’avoir sauver les enfants syriens pour que nos enfants soient éventuellement tuer dans de futurs attentats.
Et, dans le deuxième cas, il est impossible pour toute communauté ayant une conscience de fermer les yeux en prétendant qu’un dictateur a le droit de tuer son peuple, notamment ses enfants, sans vergogne, sans devoir rendre des comptes mais aussi sans porter un coup à l’image de la démocratie, incapable de réagir face à des comportements qui la provoquent dans son essence même.
Ce dilemme est celui de Barack Obama aujourd’hui. Mais il est celui de toute la communauté internationale, en tout cas de celle qui revendique des valeurs humanistes.
Même cas de figure ou presque en Egypte où il faut se demander si une organisation, les Frères musulmans, qui s’est battue pendant des décennies contre les valeurs démocratiques et ne les a endossées que parce qu’elle a gagné les élections – et dont la pratique démocratique a laissé à désirer pendant son passage au pouvoir – vaut mieux qu’une armée qui n’a guère prouvé son attachement à ces mêmes valeurs.
Quant à savoir si nous devons adresser la parole à Poutine et à Xi, la realpolitik répond oui à coup sûr. Mais cela ne doit pas nous empêcher de dire ce que nous pensons de leurs agissements et de tenter toutes les pressions pour les mettre en échec? A voir certains responsables politiques occidentaux faire allégeance à ces deux hommes et à leurs régimes donnent parfois des nausées.
Comme le montre crûment les révélations d’Edward Snowden sur les pratiques de l’agence de renseignements américaine, la NSA, l’éminente question de savoir où se situe le curseur entre défense de la démocratie, défense des démocraties et intérêt des démocraties n’a pas de solution évidente.
Pour autant, les précédents devraient inciter à ne pas baisser la garde.
Ainsi, elle s’est déjà posée lors de la montée en puissance du fascisme et du nazisme entre les deux guerres mondiales puis lors de la guerre froide avec le bloc soviétique avec les résultats que l’on sait.
Le renoncement face à l’Allemagne nous a plongés dans une guerre à 50 millions de morts alors que l’on aurait pu agir contre Hitler quand il en était encore temps.
L’affrontement avec les Russes s’est révélé problématique jusqu’à l’implosion de l’URSS, exsangue par ses dépenses militaires démesurées et incapable d’apporter le bien-être à sa population.
Avec, à la clé, des camps de concentration dans les deux pays.
Le régime en place à Moscou – comme à Pékin d’ailleurs – est encore largement dominé par une idéologie qui diabolise la liberté qualifiée d’«occidentale».
Xi Jinping, le nouveau maître du Parti communiste chinois ne parle que de maoïsme, de renforcement de l’armée et des valeurs occidentales erronées et dangereuses mettant en avant un «rêve chinois» qui risque de devenir le cauchemar des démocraties.
Le ralentissement préoccupant de la croissance chinoise sur fond de corruption, de pollution catastrophique et de menaces de toutes sortes sur le régime va sans aucun doute renforcer, au moins dans un premier temps, les tendances autoritaires de celui-ci.
Les prisons sont à nouveau pleines d’opposants, internet est de plus en plus contrôlé et censuré, le peuple est invité à se faire moins critique et à suivre la ligne officielle.
Tout ceci nous amène à cette vérité basique, pure et dure: la démocratie a été, est et restera à jamais un combat quotidien contre des forces qui, de tous les côtés ainsi que de l’intérieur même, travaillent à la rogner, à la dénaturer et, in fine à l’abattre.
La démocratie américaine est née d’une guerre de libération. Ce sont des révolutions qui ont accouché des valeurs démocratiques françaises. Même le système démocratique britannique a nécessité après la Grande Charte de 1215, une lutte au cours des siècles pour s’établir.
Ceux qui renoncent à vouloir mener ce combat condamnent la démocratie, d’abord à s’affaiblir puis à disparaître.
Ils font le jeu des ennemis des valeurs et des principes démocratiques.
Peut-être que les peuples qui goûtent à un régime démocratique, certes imparfait mais envié par tous ceux qui en sont privés, ne veulent pas ou plus se battre pour le protéger et le faire exister.
Peut-être qu’ils préfèrent leur sécurité ou tout simplement leur confort quotidien à leur liberté.
Peut-être qu’ils préféreraient vivre esclaves que mourir libres.
Les sondages, généralement, disent le contraire.
Alors, mettons nos actes en accord avec nos paroles: défendons la démocratie avant qu’on nous défende de le faire.
Et nous, centristes, soyons au premier rang de ce combat.