mardi 14 décembre 2021

Une Semaine en Centrisme. 83% des Français sont attachés à la démocratie mais près de 50% veulent voter pour candidats qui la combattent!

Schizophrènes les Français?

On est en droit de poser la question lorsque l’on compare le sondage annuel d’Harris-Interactive pour le magazine Challenges (1) sur «le rapport des Français à la démocratie et les intentions de vote à la prochaine présidentielle et les intentions de vote de ces derniers.

Ainsi, 83% des sondés affirment être «attachés au régime démocratique» et 85% estiment que si, dans dix ans, «la France n’était plus une démocratie cela serait quelque chose de grave» alors que selon les derniers chiffres de l’agrégateur de sondages de Datapolitics sur la présidentielle de 2022, ils sont 48,61% à choisir un candidat qui combat la démocratie (ils étaient même 50,29% la semaine précédente).

Voilà qui ne manque pas de contradiction!

Bien entendu, on ne sera guère étonné de constater que ceux qui sont le plus attachés à la démocratie sont les sympathisants des partis de gauche, du centre et de droite avec respectivement 94%, 90% et 92% de réponses positives et qu’en regard on trouve ceux qui la rejettent principalement chez les partis extrémistes et les soi-disant «apolitiques».

Cela se confirme avec la question de savoir si la France est une démocratie.

82% des sondés répondent oui dont 89% des sympathisants de gauche (92% de ceux du PS), 91% de ceux du centre (97% de ceux de LaREM) et 87% de ceux de droite (92% de ceux de LR).

En revanche, ont trouve 26% des sympathisants d’extrême-gauche (et un même pourcentage de sympathisants de LFI) et 28% de ceux d’extrême-droite (avec 31% pour ceux du RN) qui affirment que le pays vit sous un régime autoritaire.

Evidemment, lorsqu’on demande si, en France, la démocratie fonctionne bien, les sympathisants des extrêmes se lâchent.

Ainsi, s’ils sont 37% à gauche (33% au PS), 27% au centre (14% au MoDem et à LaREM) et 41% à droite (36% à LR), à estimer qu’elle fonctionne mal, le pourcentage monte à 56% pour les sympathisants d’extrême-gauche (52% pour ceux de LFI) et 68% pour les sympathisants d’extrême-droite (70% pour ceux du RN).

Si on continue à dérouler le sondage, on s’aperçoit que les sympathisants des extrêmes sont fort nombreux à croire que les élections sont faussées (36% des sympathisants d’extrême-gauche dont 30% de ceux de LFI, 47% des sympathisants d’extrême-droite et du RN) alors qu’ils ne sont que  21% à gauche (dont 17% de ceux du PS), 15% au centre (dont 6% de ceux du MoDem et de LaREM) et 24% à droite (dont 19% de LR).

On ne sera donc guère étonné que c’est chez les sympathisants des extrêmes que l’on trouve le plus d’opinions positives à l’affirmation «qu’il est compréhensible que certains aient recours à des actes violents contre une décision du gouvernement ou d’élus».

53% des sympathisants d’extrême-gauche (et autant de sympathisants de LFI), 40% de sympathisants d’extrême-droite (38% de ceux du RN) répondent oui à celle-ci.

Ce sondage nous apprend aussi que les Français se disent favorables à des mesures pour «stimuler la démocratie» et que celles-ci concernant majoritairement  la démocratie directe avec parfois une dose de populisme.

C’est le cas avec la demande d’organiser plus souvent des référendums et surtout d’instituer des référendums d’initiative populaire qui recueillent de forts pourcentages d’approbation de même que cette mesure assez floue qui ne laisse pas d’interroger sur «La révocation des élus à mi-mandat s’ils n’ont pas tenu leurs engagements de campagne» dont on ne sait comment elle se ferait, quels seraient les critères à appliquer, qui serait en droit de le faire, pourquoi on pourrait juger des résultats de l’action d’un élu à mi-mandat mais qui arrivent pourtant en cinquième position avec 74% d’opinion favorables…

Une mesure ambigüe qui figure dans le top 5 de tous les groupes de sympathisants est celle de la reconnaissance du vote blanc.

Cette-ci serait certainement un bienfait pour la clarté des élections sachant qu’un citoyen qui se déplace à un bureau de vote pour mettre une enveloppe vide à l’intérieur de l’urne exprime une opinion, celle qu’il ne trouve pas de candidat qui puisse le représenter mais qu’il est attaché à la démocratie.

Dénier son vote n’est pas correct.

On comprend, en retour, l’inquiétude de certains si ce vote était reconnu quant à la légitimité démocratique de ceux qui seraient élus face à des bulletins blancs qui pourraient représenter un pourcentage très important de l’élection.

Nul doute que les adversaires de la démocratie en feraient un argument pour la décrédibiliser alors que la motivation de l’électeur n’est pas celle-ci.

Mais, l’item qui vient en tête, avec 79% d’opinions favorables, est qui faut mettre en place «un contrôle de la véracité de ce que publient les médias» et pose problème.

Car cette volonté peut être appréciée de deux manières.

La positive, celle que nous défendons depuis toujours au CREC est de permette aux citoyens d’être informés correctement afin d’être maître de leur existence et de prendre les décisions la concernant en toute connaissance de cause.

Cela implique de lutter contre les fake news et la propagande, les faits alternatifs, les théories élucubrationistes (complotistes) et tout ce qui veut tromper sciemment la population.

La négative, c’est ce contrôle sur ce que publie un média qui a le droit, s’il a prévenu ceux qui le consultent, d’avoir une opinion.

Comment dès lors apprécier la «véracité» si cette opinion n’est qu’une appréciation d’un fait exact qui n’a pas été déformé.

Ici on touche à l’essentiel débat démocratique.

Sans doute faut-il des médias de service public qui ne soient pas dans l’opinion mais dans l’information.

De même, il faut lutter contre les mensonges quand ils sont érigés en vérité et ne reposant sur aucun fait réel.

En revanche, l’existence de médias d’opinion ne peut être remise en cause dans un régime démocratique et un contrôle de leurs points de vue serait une atteinte à leur liberté.

Pour répondre à l’interrogation sur le paradoxe de se sentir attaché à la démocratie et de voter pour des candidats qui la remettent en cause, il y a certainement une distance entre ce que signifient les valeurs, les principes et les règles démocratiques et l’idée que s’en font une partie importante de la population.

Tout cela sur fond d’autonomie irresponsable de l’individu, de communautarisme parfois exacerbé, de défense d’intérêts particuliers que l’on associe faussement à ce qu’est ou devrait être la démocratie, d’esprit partisan qui n’accepte que son point de vue comme réellement démocratique, etc.

D’où cette nécessité que l’individu soit formé et informé correctement sur ce qu’est la citoyenneté sous un régime démocratique.

Et celle qu’il ne faut pas trop se féliciter des résultats du sondage d’Harris-Interactive tout en considérant qu’il est malgré globalement positif pour les défenseurs de la démocratie.

Pour finir, notons que les sympathisants centristes sont très attachés à la démocratie et à son fonctionnement.

Outre les chiffres déjà cités, on peut y ajouter que 89% d’entre eux estiment que ce serait grave si la France n’était plus une démocratie dans dix ans (94% pour ceux du MoDem et de LaREM) et que 82% – le plus fort pourcentage avec les sympathisants PS – estiment que le pays serait encore sous régime démocratique dans une décennie.

En outre, les cinq mesures qu’ils voudraient voir adopter en premier sont la mise en place d’un contrôle de la véracité de ce que publient les médias (86%), la mise en place d’un vote électronique (80%), la mise en place d’un vote par correspondance (77%), la comptabilisation du vote blanc (76%), le recours plus fréquent aux référendums (63%).

 

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

 

(1) Sondage Harris-Interactive réalisé par internet 21 au 29 octobre 2021 auprès d’un échantillon de 10320 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus / Méthode des quotas / Marge d’erreur selon l’institut entre 0,4 et 1 point.

 

La quotidienne centriste du 13 décembre 2021. La percée de Pécresse est une bonne nouvelle pour la démocratie

Le fait que la candidate désignée par LR ait fait une percée dans les sondages et que ceux-ci indiquent qu’elle est capable de se qualifier pour le second tour où, pour l’instant, elle se retrouverait opposée à Emmanuel Macron, est une très bonne nouvelle pour la démocratie.

Car, mécaniquement, cela implique l’élimination au premier tour des candidats des extrêmes comme Marine Le Pen, Eric Zemmour et Jean-Luc Mélenchon qui remettent en cause l’existence même de la démocratie républicaine libérale.

Et il ne s’agit pas ici du «retour» de la «vieille politique», non, seulement la reprise salvatrice d’une «normalité démocratique» qui fait que le choix de diriger une démocratie se fait entre deux personnalités politiques qui représentent des courants de pensée qui la défendent.

Cela ne signifie pas un débat lénifiant et sans aspérités, que les projets et programmes soient identiques et qu’il n’y ait pas un véritable choix à faire entre deux visions.

En revanche, cela se fait dans le cadre où l’Etat de droit ainsi que les valeurs humanistes ne sont pas remises en cause.

Bien évidemment, il y a d’autres candidats de l’arc démocratique qui concourent à la prochaine présidentielle comme Yannick Jadot ou Anne Hidalgo.

Si, eux aussi, étaient capables de se qualifier pour le second tour comme Macron et Pécresse, alors nous serions en pleine revitalisation démocratique.

 

[Retrouvez quotidiennement ce billet rédigé par l’équipe du CREC concernant l'actualité du jour]

 

 

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Quand monsieur Poutine réhabilite sans surprise le scélérat Staline

L’histoire officielle – mais pas seulement elle – est une construction idéologique qui a pour but d’offrir un roman national au peuple d’un pays et une explication du monde dont se servent leurs dirigeants.

Dès lors, elle est souvent dans la simplification, la continuité artificielle, l’oubli et la réécriture.

Cette dernière arrive tôt ou tard.

Elle pose problème quand il s’agit de glorifier ou d’oublier un passé peu ragoûtant voire criminel.

J’ai souvent pensé, dit et écrit, qu’un jour Adolf Hitler serait célébré dans l’histoire allemande et ses méfaits seraient ramenés à de simples péripéties malheureuses ou, en tout cas, seraient mis en perspective en regard des prétendus bienfaits pour le pays de son règne dont le retour de la puissance militaire qui compte tant dans les récits historiques nationaux (en revanche, contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas lui le «père» du réseau autoroutier allemand mais la république de Weimar)..

On le rappelle, Napoléon est mis sur un piédestal pour ses victoires guerrières alors même qu’il était un dictateur et qu’il a été vaincu…

Mais si je pensais d’abord à Hitler parce qu’il représente le mal absolu, j’estimais qu’il en irait de même pour tous les dictateurs sanglants d’hier et d’aujourd’hui de notre histoire contemporaine.

Dont, bien entendu, Joseph Staline, le pendant criminel russe au monstre allemand.

Eh bien, nous n’avons eu qu’à attendre moins de soixante-dix ans après sa mort en mars 1953 – et alors que nous fêterons le 26 décembre tout juste les vingt ans de la disparition de l’Union soviétique – pour que sa dictature soit considérée par les autorités russes comme positive grâce à Vladimir Poutine – l’ami de Mélenchon, Le Pen et Zemmour – et à sa clique qui est au pouvoir à Moscou.

Les dizaines de millions de morts (on s’écharpe encore sur le nombre exact!) dus à cet assassin et à ses complices sont donc relégués à une péripétie pour celui qui a su redonner sa place au pays dans le concert des nations étant en cela le digne héritier des tsars et le prestigieux devancier de Poutine qui rêverait d’endosser son costume…

On comprend tout l’intérêt pour le maître actuel de Kremlin qui se rêve en nouveau petit père du peuple tout en remplissant ses poches de milliards de dollars volés à ses compatriotes – voir le palais qu’il s’est fait construire –, de cette réhabilitation si rapide.

Ses dérives autoritaires et maintenant totalitaires font que Staline devient évidemment une référence pour son régime.

Bien sûr, on ne sait pas vraiment ce qu’en pense le peuple russe mais même si souvent les peuples qui écrivent l’Histoire ce ne sont pas eux qui écrivent les livres qui la relate.

Quand on sait que nombre d’écoliers et de lycéens allemands ne savent même pas qui est Hitler et ce qu’il a fait, on se dit que la manipulation de l’Histoire ne pose guère de difficultés à qui veut la faire coller à ses ambitions même les plus criminelles.

En France, les tentatives réhabilitation de Pétain par Eric Zemmour procèdent de la même perspective, absoudre des scélérats de leurs crimes les plus ignobles au nom de leur contribution à l’histoire nationale.

Et lorsque certains s’émouvront dans les décennies et les siècles à venir de la place faite à ces anciens tyrans bouchers dans les livres d’Histoire, parions que l’on entendra cette petite musique lénifiante si souvent utilisée: c’était une autre époque et l’on ne peut la juger avec les yeux de la contemporaine.

Une façon bien connue de relativiser les valeurs humanistes et d’excuser toutes les infamies commises.

Mais n’était-ce pas Jésus qui disait il y a plus de deux mille ans, «Aimez-vous les uns, les autres».

Et cinq cents ans avant lui, n’était-ce pas Confucius qui expliquait que «tous les hommes sont frères» et qui, lorsqu’on lui demandait s’il y avait un précepte qui pouvait guider toute l’action d’une vie, répondait, «Aimer».

Et encore avant eux, c’est Zoroastre qui déclarait: «Maudis ceux qui détruisent la vie».

Je finis avec Bouddha: «Il y a quatre pensées illimitées : l’amour, la compassion, la joie et l’égalité d’âme.»

Autre époque, oui, autre valeurs, non.

Allez, une dernière citation spécialement destinée à monsieur Poutine qui nous vient d’un de ses plus célèbres compatriotes, Léon Tolstoï.

Il écrivait à Gandhi:
«Tout homme sent et reconnait au fond de lui-même (on le voit très bien chez les enfants), que l’amour, c’est-à-dire l’aspiration des âmes à l’union et le comportement qui en résulte, est l’unique et suprême loi de la vie; il le sait tant qu’il n’a pas été fourvoyé par les faux enseignements du monde. Cette loi a été proclamée par tous les sages de l’univers, romains, grecs, juifs, chinois, hindous. Je pense que la plus claire formulation en a été donnée par le Christ, qui a même affirmé qu’elle résumait la Loi et les Prophètes. Bien plus, prévoyant les déformations qu’on pourrait faire subir à cette loi, il a indiqué que le danger pouvait venir des hommes trop attachés aux choses d’ici-bas, danger de voir certains s’autoriser la violence pour défendre leurs intérêts, c’est-à-dire, rendre coup pour coup, reprendre par la force ce qu’on vous a pris, etc. Tout homme raisonnable sait que la pratique de la violence est incompatible avec l’amour, règle de vie fondamentale, et que, dès lors qu’on admet la violence dans certains cas, on reconnait l’insuffisance de la loi d’amour, et partant de là on la nie.»