jeudi 16 avril 2020

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Municipales: responsable mais aussi fautif, monsieur Macron


Dans un entretien à l’hebdomadaire Le Point, Emmanuel Macron revient sur l’organisation des élections municipales en pleine épidémie du covid19. Il déclare ainsi «assumer totalement» le maintien du premier tour du 15 mars.
Il ajoute que «si le Conseil scientifique m'avait dit que les maintenir mettrait la santé des Français en danger, je ne les aurais pas maintenues» et que par son choix, il ne voulait pas que «le pays pense qu'il y avait une manipulation, que les gens puissent se dire que j'avais trouvé là un prétexte pour ne pas les organiser»

D’ailleurs, poursuit-il, «le Premier ministre a consulté toutes les forces politiques et personne n'a pensé qu'il fallait les reporter. Il en est de même lorsque je consulte Richard Ferrand et Gérard Larcher».

Enfin, il a cette phrase stupéfiante: «les gens ont sans doute été davantage contaminés ces jours-là dans les bars ou les sorties en plein air que dans les bureaux de vote»!

Reprenons, monsieur Macron.

D’abord, c’est bien que vous preniez l’entière responsabilité de cette décision et que vous sembliez l’assumer totalement.

Pourtant, vous vous retranchez immédiatement derrière l’avis du Conseil scientifique que vous n’aviez aucune obligation de suivre et dont on se demande par ailleurs comment il a pu vous donner carte blanche alors même que la très grande majorité du corps médical estimait que c’était une erreur d’organiser ce premier tour.

Sans doute que l’irresponsabilité de ce conseil lui a permis de s’engager à la légère sachant que c’est vous qui seriez, in fine, le responsable.

Ce qui, soit dit en passant, n’est pas très reluisant pour ses membres…

Puis, vous vous retranchez derrière la volonté de toutes les forces politiques de vouloir organiser ces élections.

Mais il ne suffit pas que des politiciens qui voyaient d’abord leur intérêt et celui de leurs partis respectifs, appellent à cette organisation pour que vous le fassiez de peur qu’ils tentent d’instrumentaliser votre refus.

De même, vous vous retranchez derrière les «gens» qui, selon vous, auraient pu penser à une manipulation.

Mais de quels «gens» parlez-vous?

Des populistes et des extrémistes qui vous insultent toute la journée et, avec vous, la démocratie républicaine?

Parce que, moi, voyez-vous, je n’aurais pas parlé de manipulation et je suis sûr que je n’étais pas le seul dans ce cas.

Mais, ce qu’il y a de plus choquant dans vos propos, monsieur le président, c’est quand vous dites qu’il y a certainement eu plus de personnes infectées le jour des municipales dans les bars et dans les parcs que dans les bureaux de vote.

C’est indécent!

Car, quand bien même ce serait vrai, cela vous donnait-il le droit d’infecter, ne serait-ce qu’une seule personne par votre décision?!

En tant que responsable politique et premier d’entre eux, vous avez comme premier devoir de protéger les Français.

Dans ce cadre, éviter qu’un seul cas de covid19 ait lieu en plus en reportant ce premier tour des élections municipales était une décision d’un chef d’Etat.

Les organiser était la décision d’un simple homme politique qui avait peur des conséquences pour sa carrière et son image.

C’est inqualifiable et c’est une faute.

Cette faute n’est sans doute pas pénale, ni même civile, mais elle politique.

Vous avez préféré mettre la vie de vos concitoyens en jeu dans une sorte d’utilitarisme politicien à la Bentham que de vous inspirer de l’humanisme kantien (j’emprunte ici cette distinction à l’excellent article de Claire Chartier dans le magazine l’Expresse, «le déconfinement, une rude question de morale»).

Et il aurait été bon que vous acceptiez d’avoir fait une faute au lieu de justifier votre décision par des scientifiques, des politiciens et des «gens» irresponsables.

Parce que vous pouvez avoir quelques circonstances atténuantes dans le cadre d’une crise épidémique qui a fait commettre des erreurs et des fautes à tous les dirigeants de la planète, qui a fait dire tout et n’importe quoi aux experts (les vrais, pas les pantins médiatiques) et dont on ne sait pas encore comment elle va évoluer et se terminer et quelles seront ses conséquences (aussi importantes que prévues, plus graves, moins cataclysmiques?).

Mais vous préférez vous enfermer dans votre logique où personne ne voulait, selon vous, reporter ces élections.

Eh bien moi, je vous ai trouvé quelqu’un: moi!

Moi qui vais voter systématiquement mais qui a considéré qu’en remplissant son devoir civique, il pouvait contracter un virus dont la virulence pouvait mettre en danger ses proches et que donc sa responsabilité l’enjoignait de rester chez lui.


Moi qui ai du choisir entre mon droit de vote et la santé de ma famille à cause de votre décision et qui considère que c’est indigne de m’avoir obligé à ce choix et qu’il s’agit, ni plus, ni moins, d’un déni de démocratie puisque je n’ai pu voter pour élire le maire de ma ville fin de protéger les miens.
Et qui, lorsque l’on a annoncé que des personnes avaient été contaminées dans les bureaux de vote ne s’est pas réjoui en disant «je vous l’avais bien dit» mais s’est désolé d’une décision incompréhensible et s’est félicité d’être rester chez lui.
Parce que voici ce que j’écrivais avant ce scrutin:

«Oui, en vous rendant demain dans un bureau de vote, vous avez bien un risque d’être en contact avec le virus et de tomber malade, c’est une évidence, et malgré toutes les précautions que prendront les municipalités pour organiser le scrutin pour qu’il soit le plus sûr sanitairement parlant.

La question essentielle, ici, est: cela en vaut-il la peine?

Si nous ne votons pas demain, est-ce que notre vie est en danger?

Est-ce que la démocratie est en danger?

Est-ce que le pays va être désorganisé ou en danger?

A ces trois questions, la réponse est non, toujours non.

Reporter les élections municipales ne créera, non seulement, aucun danger, ni même aucun dysfonctionnement démocratique.

Alors pourquoi prendre le risque d’envoyer des électeurs dans des bureaux de vote quand on peut faire différemment.»

Malgré vos explications, votre réponse n’est toujours pas justifiée.