jeudi 17 avril 2008

Actualités du Centre. Etats-Unis Présidentielle 2008 Barack Obama toujours en difficulté après ses propos sur les ouvriers «amers»

Dans un climat de plus en plus conflictuel entre les deux candidats à l'investiture démocrate, Hillary Clinton et Barack Obama se retrouvaient mercredi face à face à Philadelphie. La sénatrice de New York comptait sur ce nouveau débat télévisé pour rester dans la course à moins d'une semaine de la primaire de Pennsylvanie. La campagne de Barack Obama vient de connaître un léger passage à vide: le sénateur de l'Illinois a passé ces derniers jours à s'expliquer sur ses propos sur l'amertume des électeurs de la classe ouvrière de Pennsylvanie, qui "s'accrochent aux armes à feu ou à la religion" pour exprimer leurs frustrations face à la situation économique. Mais cela n'empêche pas Barack Obama, qui a reçu mercredi le soutien du "boss" Bruce Springsteen, de devancer de huit points la sénatrice de New York, à 50% contre 42%, dans un sondage réalisé au niveau national et publié mercredi par Gallup. Et surtout, il garde une solide avance sur son adversaire dans le décompte des délégués démocrates pour la convention du mois d'août qui désignera le candidat du parti de l'âne pour la présidentielle de novembre. Le sénateur noir compte 1.640 délégués contre 1.504 pour l'ex-First Lady. Après la primaire du 22 avril en Pennsylvanie, le plus important des Etats encore en jeu, il ne restera plus que dix primaires ou caucus. Une victoire nette dans cet Etat stratégique permettra à Hillary Clinton de poursuivre sa campagne, à défaut de refaire son retard.
Cette saison des primaires qui s'éternise inquiète évidemment dans le camp démocrate. Beaucoup craignent que les attaques de plus en plus violentes entre les deux candidats ne ruinent les chances de battre le républicain John McCain en novembre. Il faut dire que le climat s'est encore tendu ces derniers jours entre les deux adversaires démocrates. Hillary Clinton a accusé Barack Obama d'élitisme après ses remarques sur l'électorat populaire frustré par les difficultés économiques et la chute du niveau de vie. Le sénateur de l'Illinois a riposté aussitôt en l'accusant de flatter bassement l'électorat de Pennsylvanie en buvant un verre de whisky devant les caméras ou en racontant comment elle a appris à tirer quand elle haute comme trois pommes. Juste avant le débat, les deux candidats se sont attaqués mutuellement via leurs derniers clips de campagne: celui de Hillary Clinton montre, façon micro-trottoir, des électeurs de Pennsylvanie qui expliquent avoir été choqués par les propos du sénateur. Dans le même esprit, celui de Barack Obama montre Hillary Clinton brièvement huée après avoir critiqué son adversaire lundi lors d'une réunion de l'Alliance pour l'industrie américaine.
Un sondage du Franklin & Marshal College publié mercredi donnait Hillary Clinton en tête chez les électeurs de Pennsylvanie, avec 46% contre 40% pour Barack Obama. Mais son avance s'est rétrécie par rapport au mois de mars, quand elle menait de 16 points. La marge d'erreur était toutefois de plus de cinq points. Avant le débat, Barack Obama a reçu plusieurs soutiens de poids. Le plus grand journal de Pittsburg, la "Pittsburgh Post-Gazette" estimait mercredi qu'il apporte "une excitation et une électricité à la politique américaine qu'on n'avait pas vu depuis l'époque de John F. Kennedy". Et le chanteur Bruce Springsteen a estimé sur son site Internet qu'il "s'adresse à l'Amérique que j'imagine dans ma musique depuis 35 ans". La rock-star le considère comme le meilleur candidat pour "réparer les terribles dégâts causés ces huit dernières années".
Hillary Clinton a dû elle affronter les résultats d'un sondage national qui montre que les Américains n'ont jamais eu une opinion aussi négative d'elle depuis 1992, quand son mari Bill a été élu pour la première à la Maison Blanche. Selon ce sondage réalisé pour le "Washington Post" et ABC News, 54% des Américains ont une opinion défavorable de la candidate, contre 40% début janvier. La cote de Barack Obama chute aussi, mais il reste au-dessus des 50% de bonnes opinions. Enfin, Barney Frank, membre de la Chambre des représentants qui est aussi "super-délégué", juge que le candidat qui est à la traîne dans les sondages doit abandonner la course avant le 3 juin, même si ce sera "probablement plus tôt".

Une Semaine en Centrisme. Etats-Unis. La machine à se faire battre des Démocrates est-elle en marche ?

Les Démocrates étaient tellement sûrs de remporter l’élection présidentielle qu’ils se sont payé le luxe de devoir choisir entre une femme et un noir, tous deux brillants politiques, comme candidat mais qui représentaient, au-delà de la nouveauté, un risque de perdre des voix d’Américains qui ne peuvent imaginer une femme ou un noir à le tête du pays. Et ne voilà-t-il pas, en plus, que le candidat Républicain, John McCain est en tête des sondages… D’autant que John McCain est un très bon candidat pour le Parti républicain. C’est un centriste conservateur capable de rassembler les Républicains modérés, les Indépendants et les Démocrates conservateurs. Et même s’il risque de perdre la frange la plus ultra des conservateurs religieux (et encore ce ne sera peut-être pas le cas), il va être redoutable pour le candidat démocrate d’autant qu’il ne fera pas un mauvais Président des Etats-Unis.
Si John McCain était élu le 4 novembre prochain, il faudrait bien se poser la question sur cette machine à se faire battre qu’est devenu au fil des ans le Parti démocrate avec des candidats qui sont souvent brillants mais incapables de représenter l’Amérique profonde, celle qui fait la différence même si elle n’est plus la plus nombreuse.
Au jour d’aujourd’hui, Barack Obama semble être celui qui sera le candidat du Parti démocrate malgré le baroud d’honneur d’Hillary Clinton et le fait, partagé par certains observateurs, qu’elle serait plus capable de battre John McCain d’autant qu’elle est plus populaire dans les « Key States », les Etats-clés qui feront la victoire en novembre. Barack Obama est un personnage extrêmement brillant, intelligent et charismatique qui possède quelques casseroles (son révérend noir raciste et aux propos anti-américains, ses amitiés noires extrémistes, sa méconnaissance totale du blanc moyen et du redneck sudiste et une grande inexpérience politique mais si ce dernier point n’a pas empêché des Kennedy et des Bush de se faire élire à la présidence…) et une haute (trop haute ?) opinion de lui-même. De même ses slogans simplistes mais efficaces ne font pas un programme surtout en période de récession économique. Et puis, bien évidemment, il est noir ce qui signifie simplement mais fortement que de nombreux électeurs démocrates ou indépendants ne voteront pas pour lui pour cette unique raison. Dire le contraire ce serait, d’un coup, balayé l’histoire des Etats-Unis. On peut d’ailleurs dire la même chose pour Hillary Clinton où de nombreux électeurs ne voteraient pas pour une femme.
D’où, cette question sur la machine à se faire battre des Démocrates. Car, dans l’euphorie d’une fin de présidence Bush catastrophique, ils ont pensé que même s’ils présentaient un singe ou un âne (leur emblème…), ils gagneraient haut la main. Une confiance qui risque de leur coûter extrêmement cher. Evidemment les jeux ne sont pas donnés, loin de là. Les bêtises de Bush et son jusqu’au-boutisme absolu peuvent encore permettre au Démocrates de remporter l’élection tout comme les bourdes et les incompétences (notamment en économie) de McCain. En revanche, si les Républicains la jouent intelligemment –et ils ont quelques stratèges compétents pour y parvenir-, les Démocrates ont toutes les raisons d’avoir peur, très peur… Et aux défaites des brillants Dukakis, Mondale, Kerry, McGovern et Gore, on ajoutera celle de Hillary ou Barack. Et l’on en conclura qu’ils ont perdu une élection imperdable.
Reste que les Démocrates peuvent se rappeler les précédents Kennedy, Carter et Bill Clinton, un dandy et deux inconnus donnés perdants et qui surent jouer de leur caractère ingénu et nouveau pour rallier les suffrages des électeurs. Tout n’est donc pas perdu pour les Démocrates mais ce sera loin d’être une simple partie de campagne.
Jean Gripari
Chef du département Etats-Unis du CREC