jeudi 22 décembre 2016

Vues du Centre – Jean-François Borrou. Le voyou Poutine et ses compères centristes

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.



Vladimir Poutine & François Fillon
Dressons d’abord le tableau.

D’un côté, on a un personnage, autocrate, qui fait la guerre à l’Ukraine, qui a annexé une partie du territoire de cette dernière, la Crimée, et qui a abattu un avion civil rempli d’hommes, de femmes et d’enfants innocents, dont la plupart partaient en vacances, sans le moindre regret ou remord officiels.

Ce même personnage vient de faire bombarder la ville d’Alep en Syrie, tuant encore des hommes, des femmes et des enfants innocents, s’alliant à un des pires bouchers de la planète, Assad, et avec les milices chiites les plus violentes au nom de valeurs «chrétiennes» qui font penser que la traduction du Nouveau testament en russe est bien différente de celles des autres langues du monde entier…

Un personnage qui vient de tenter avec une certaine réussite de pirater et fausser les élections américaines avec l’objectif de faire battre Hillary Clinton, surtout de mettre Donald Trump à la tête de ce qui était considéré jusqu’à présent comme la première et plus importante démocratie du monde.

Un personnage que ce même populiste démagogue qu’est Trump admire et estime plus que Barack Obama.

Un personnage qui tue sans vergogne ses opposants dans son propre pays et qui a été à l’origine de nombre de massacres de populations civiles comme en Tchétchénie.

Un personnage qui menace constamment ses voisins, de la Pologne à l’Estonie en passant par la Lituanie tout en cherchant des alliances chez les pires régimes autoritaires et dictatoriaux, de la Chine de Xi Jinping à la Turquie d’Erdogan.

Un personnage qui est un des hommes politiques les plus corrompus du monde, avec une fortune estimée à 80 milliards de dollars, uniquement amassée en tant que président de la Russise.

Ce personnage, bien évidemment, c’est Vladimir Poutine.

De l’autre côté, on a une bande de bras cassés centristes français qui s’est fait une spécialité avec leurs amis de la droite radicale et de l’extrême-droite, de défendre ce personnage nauséabond comme s’il était le messie de la civilisation occidentale alors qu’il est un des fossoyeurs en chef des valeurs de la démocratie républicaine.

Tel ce sénateur qui s’est affiché en Crimée occupée par l’armée russe avec un t-shirt insultant Barack Obama ou cet autre membre du Sénat qui était allé rendre visite au grand allié de Poutine, le président syrien, au moment où celui-ci assassinait avec la même absence d’humanité que son père, ses populations civiles.

Sans commentaire.

Ou plutôt si, celui de la spécialiste de la Russie, Cécile Vaissié qui a publié récemment un ouvrage fort à-propos sur «Les réseaux du Kremlin en France» qui estime, dans un entretien au Monde, que, dans notre pays, «Moscou a développé plus qu’un soft power, une politique d’influence ciblant les cercles politiques et économiques».

Un point de vue relayé et complété par celui de la politologue Marie Mendras, également experte de la Russie qui expliquait, toujours dans Le Monde qu’«En France, il existe un terreau favorable. Les discours souverainistes qui revendiquent une France prospère et protégée des étrangers si elle est libérée de la prétendue soumission à Berlin, Bruxelles ou Washington, font le lit d’un poutinisme français qui dispose de puissants réseaux».

Et à l’intérieur de ceux-ci se trouvent, aux côtés de représentants de la droite radicale et de l’extrême-droite, un certain nombre de centristes ou plutôt de soi-disant centristes qui affirment que l’alliance avec Poutine va nous sauver du déclin et du terrorisme – ce qu’elle n’est même pas capable de faire chez elle – et remettre l’Occident sur les bons rails.

D’autres, plus «réalistes» mais tout aussi complices, estiment que se rapprocher de Poutine est une nécessité en ces temps troubles où la politique du bâton du chef du Kremlin est bien meilleure que la politique plus équilibrée de l’hôte de la Maison blanche jusqu’en janvier prochain, Barack Obama.

Un peu comme si on s’alliait avec le diable pour sauver Dieu!

Comme le dit Cécile Vaissié, «Ne pas aimer l’influence américaine est une chose mais a-t-on envie de la remplacer par une dépendance à un autre Etat, par ailleurs en pleine dérive autoritaire, qui inquiète ses voisins et se révèle incapable de bâtir une économie solide?».

Et Marie Mendras de surenchérir: «Vladimir Poutine concentre en sa personne tous les pouvoirs et dispose du feu nucléaire, mais il affaiblit son pays et sa population, le déclin est inexorable», précisant que l’autocrate «ne réussit pas à mettre en œuvre ses politiques» et que «le régime se sent de plus en plus assiégé, il es donc prêt à toutes les fuites en avant».

Mais sans doute qu’aucun de ces fans poutiniens n’a jamais réfléchi sur ce qu’une politique étrangère d’inspiration centriste devait être en ce début de XXI° siècle.

Si l’on veut parler d’une vision centriste des relations internationales, il vaut mieux aller chercher ses références chez Aristide Briand, Robert Schuman ou Hillary Clinton que chez François Fillon ou Marine Le Pen.

Les trois personnalités centristes précitées, lors de leur passage à la tête de la diplomatie de leurs pays, ont été des humanistes attachées à la démocratie et recherchant la paix et le rapprochement des peuples dans une communauté mondiale unie et non tiraillée et en conflit perpétuel.

Leur action a été guidée par une propension au compromis, plus grand chez Briand et Schuman, et une défense des valeurs humanistes, plus agressive chez Clinton, tout en voulant établir le consensus le plus large possible entre les Etats.

Chez tous les trois, il y avait, d’un côté, une haine farouche des régimes autoritaires, autocratiques et dictatoriaux, et de l’autre, une volonté sans faille de défendre sans relâche des sociétés démocratiques et républicaines ouvertes.

Ils n’ont jamais été dans le renoncement et la faiblesse.

En revanche, ils ont développé une vision où le cynisme et l’absence de règles n’avaient pas leur place.

Voilà ce que devraient méditer tous les centristes poutiniens, si tant est que ces deux mots puissent se suivre, au moment où le gouvernement russe vient de publier un décret dans lequel il accuse les occidentaux de mener une politique conduisant «à une plus grande instabilité dans les relations internationales et au renforcement des turbulences globales».

Bien le bonjour au retour de la propagande soviétique!



Jean-François Bourrou