jeudi 1 février 2007

Une Semaine en Centrisme. Présidentielles 2007 - De l’urgence d’un programme centriste


François Bayrou, le candidat de l’UDF à l’élection présidentielle, a réussi à susciter un certain intérêt dans l’électorat, et même un intérêt certain, ce qui lui permet de se hisser au-dessus de la barre des 10 % d’intentions de vote et de disputer à Jean-Marie Le Pen le rôle de troisième homme. A l’entendre, ce n’est d’ailleurs pas ce rôle qu’il veut jouer mais celui de candidat présent au second tour et même de possible vainqueur.
Et c’est vrai que, paradoxalement, François Bayrou est un candidat de deuxième tour. En effet, s’il se retrouvait contre Nicolas Sarkozy, l’électorat de la gauche ne manquerait pas de voter pour lui pour faire barrage au candidat UMP haï par une grande partie de ces électeurs. De même, s’il se retrouvait face à Ségolène Royal, beaucoup d’électeurs de droite seraient susceptibles de glisser dans l’urne un bulletin à son nom pour éviter un quinquennat de Ségolène Royal.
Cependant, le hic, car il y a un hic, c’est que François Bayrou ne sera sans doute pas un bon candidat de premier tour malgré son embellie dans les sondages et ceci pour au moins quatre raisons :
- La première raison est le faible pourcentage des personnes qui, déclarant qu’elles vont voter pour lui, sont sûres de le faire. Alors que Jean-marie Le Pen est traditionnellement très haut, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal dépassent également largement la barre des 50 %. François Bayrou, lui, est à seulement 32 %, c’est-à-dire que la grande majorité des personnes qui déclarent qu’ils vont voter pour lui, les deux tiers, n’en sont pas encore tout à fait sûrs. Un spécialiste des sondages a calculé que si l’on s’en tenait à ces 32 %, son score avoisinerait les 6 %... comme celui de 2002 !
- La deuxième c’est qu’il existe actuellement un vase communiquant entre les scores de Jean-Marie Le Pen et de François Bayrou (plus qu’entre ce dernier et Ségolène Royal). Ainsi, chaque fois que Jean-Marie Le Pen monte dans les sondages, François Bayrou descend et inversement, à moins qu’ils ne se retrouvent à égalité. Ceci signifie que le vote protestataire se porte bien sur François Bayrou, ce qu’il espérait d’ailleurs en axant son début de campagne dans la dénonciation des médias, des grands partis et des « puissants ». Mais les politologues sont dubitatifs sur sa capacité à capitaliser cet électorat qui, en général, se porte in fine sur son candidat « naturel », Jean-Marie Le Pen, le « héraut anti-système » par définition.
- La troisième est que Bayrou est sans aucun doute le meilleur candidat de « deuxième choix », c’est-à-dire que la plupart des personnes voteraient pour lui si elles ne votaient pas pour leur candidat favori. Ceci est intéressant comme positionnement politique mais ne fait pas gagner une élection puisqu’en général on vote pour le candidat que l’on préfère…
- La quatrième est son faible score lorsque l’on parle de ses capacités à gouverner et des personnes qui pensent qu’il peut gagner. Le président de l’UDF est largement au-dessous des 50 % quand ce n’est pas au-dessous des 20 %.
Alors, pour tenter de convaincre les Français et les intéresser, on le voit, François Bayrou aura besoin d’autre chose. Et cet autre chose s’appelle un programme (et non un projet comme il désire le faire). Car, demeurer dans le flou, proposer des grandes lignes d’action ne sera pas suffisant, on le voit actuellement avec les difficultés de Ségolène Royal mais aussi avec la difficulté d’identifier le positionnement politique de François Bayrou chez les électeurs.
Dès lors, il semble important que le candidat qui se réclame du centrisme s’engage clairement et concrètement et fasse le plus rapidement possible état de son programme et des mesures concrètes qu’il compte mettre en route. Et il faut que ce programme soit crédible. Il doit dépasser les effets d’annonce sur un changement de constitution qui ne semble pas être la préoccupation majeure des Français et dire comment il fera pour réduire le déficit de la France qu’il dénonce sans arrêt tout en garantissant le modèle social, c’est-à-dire les protections sociales, comme il l’a promis. Il doit dire, au-delà d’une aide spécifique aux PME (avec un loi leur réservant une partie substantielle des commandes publiques comme c’est déjà le cas aux Etats-Unis avec la « Small business act ») comment il compte dynamiser l’économie, faire baisser le chômage (une des mesures intéressantes qu’il préconise étant d’exonérer de charges deux nouveaux emplois dans les entreprises) et comment il compte concrètement permettre aux entreprises d’être encore plus innovantes et de retrouver de la compétitivité internationale. Le tout en ayant signé le pacte de Nicolas Hulot en faveur de l’environnement dont beaucoup de propositions vont à l’encontre d’un développement économique à forte croissance qui seul pourrait vaincre le chômage et redynamiser l’économie (même si les problèmes d’environnement sont importants et si le secteur de l’environnement pourrait devenir un vrai secteur d’avenir à forte croissance et employant une main d’œuvre de plus en plus importante). De même, il doit dire comment on peut garder le modèle social français en revenant, comme il le souhaite, sur les 35 heures. Il doit expliquer comment se fera son obligation de travailler pour la collectivité pour des personnes touchant les minimas sociaux sans que ceux-ci ne soient exploités et puissent toujours sur le marché du travail.
De bonnes idées ont été lancées par le président de l’UDF mais il faut que, maintenant, il explique comment elles vont s’insérer dans un véritable programme pour la France. C’est à ce prix qu’il pourra continuer son ascension dans les sondages. Si tel n’était pas le cas, il pourrait bien rapidement perdre tout ce qu’il vient d’amasser. Ce qui serait dommage pour le Centrisme français.