dimanche 20 août 2017

Une Semaine en Centrisme. Pourquoi Macron a gagné et Clinton a perdu

Hillary Clinton & Emmanuel Macron
Alors qu’Hillary Clinton met en ce moment la touche finale à un livre consacré à sa défaite lors de la présidentielle américaine de 2016, penchons-nous sur celle-ci et, à l’opposé, sur la victoire d’Emmanuel Macron afin de tenter d’analyser ce qui a permis à l’un de se faire élire et pas à l’autre, pourtant tous deux centristes face à des contextes qui, sur bien des points, avaient de fortes similitudes.
Bien sûr, la première remarque est d’enfoncer une porte ouverte: les Etats-Unis ne sont pas la France.

Ayant dit cela, il convient, néanmoins de constater que lors de l’élection présidentielle française, les mêmes problématiques se sont posées à Emmanuel Macron que celles qu’avaient à résoudre Hillary Clinton face à Bernie Sanders lors de la primaire démocrate puis face à Donald Trump lors de l’élection générale.

Et que, malgré tout, dans un cas, il y a eu victoire, dans l’autre, défaite.

Faisons immédiatement une précision d’importance qui auraient du rendre cette comparaison bien moins utile mais, toutefois, pas sans intérêt: si les règles de l’élection présidentielle américaines avaient été les mêmes que la française, alors, aujourd’hui, Hillary Clinton serait à la Maison blanche.

Cette réalité est largement occultée aux Etats-Unis parce que cela remet en cause le fonctionnement de la démocratie américaine, surtout, les règles posées par les Pères fondateurs, véritable sacrilège.

De même, cela voudrait dire que les Américains n’ont pas le meilleur système démocratique, ce qui est impossible à avouer pour eux, même à conceptualiser…

On le voit tous les jours dans les médias où le comportement de Trump est largement critiqué mais jamais le système qui l’a installé à la Maison blanche.

Et puis Hillary Clinton, comme tous les candidats à la présidentielle américaine, connaissaient les règles et les ont incluses dans leurs stratégies et tactiques électorales.

De ce point de vue, il y a donc une pertinence à confronter les éléments de sa défaite avec ceux de la victoire de Macron.

Voyons donc les similitudes des deux candidatures et de leurs contextes ainsi que la manière dont les deux candidats ont répondu aux attaques et aux controverses qui les ont touchées mais aussi ce qui a, indépendamment de leurs réponses, provoquer des conséquences diamétralement opposées dans leurs destinées.



- Une candidature centriste

Hillary Clinton et Emmanuel Macron étaient sans conteste deux candidats centristes.

Mais alors que la première a du faire des concessions sur sa gauche pour ramener vers elle les électeurs «liberals» puis ceux plus à gauche qui avaient voté Bernie Sanders lors de la primaire en tentant également de ne pas mécontenter les républicains modérés, Emmanuel Macron n’a pas eu besoin de se déporter uniquement d’un côté, ni de devoir rassurer l’autre, vu la faiblesse de la candidature de Benoit Hamon et la catastrophe François Fillon.

Du coup, Macron est demeuré un centriste «droit dans ses bottes» alors qu’Hillary Clinton a parfois brouillé son positionnement politique, ce qui n’est jamais bon lors d’une élection.



- Le populisme démagogique des candidats des extrêmes

Face à leurs candidatures, Clinton et Macron avaient celles de populistes démagogiques de gauche et de droite.

Pour Hillary Clinton, c’était Trump à droite et Sanders à gauche.

Pour Emmanuel Macron, c’était Le Pen à droite et Mélenchon à gauche.

Le problème pour Clinton était que Sanders – même s’il n’était pas démocrate – a concouru contre elle lors de primaires, obligeant celle-ci à se positionner face à son projet largement socialiste.

Ensuite, elle a du faire face à une problématique bien originale puisque Trump l’a attaquée en utilisant les arguments populistes de Sanders auxquels elle a du répondre afin de ne pas se couper de la gauche du Parti démocrate.

Un comble lorsque l’on voit les accointances de Trump avec les nazis et les suprémacistes blancs.

Macron, lui, a pu, sans aucun frein, critiquer les projets démagogiques et dangereux de Mélenchon et Le Pen.



- La large hostilité des médias

Les médias ont largement conduit des campagnes hostiles contre Hillary Clinton et Emmanuel Macron.

Mais si Hillary Clinton a l’habitude d’avoir la majorité des journalistes contre elle depuis son entrée en politique dans les années 1990, où elle est attaquée, critiquée et souvent salie sur tout et n’importe quoi, Emmanuel Macron a découvert que l’on pouvait être sous le feu des critiques notamment où l’on vous reproche tout à la fois d’être un centriste et un populiste démagogue!

Mais la nouveauté qu’il représentait n’a pas permis aux médias une campagne aussi structurée que celle qui a poursuivie Hillary Clinton.

Aujourd’hui, l’hostilité des médias vis-à-vis de Macron montre que s’il se représente en 2022, il n’aura plus l’avantage d’être un «inconnu» et qu’il devra mettre sur pied une stratégie pour la contrer ce que n’a jamais réussi à faire la candidate démocrate aux Etats-Unis.



- L’accusation d’être le(a) candidat(e) de la finance

Venue de leurs opposants ou de médias, les deux candidats ont été accusés d’être les candidats de la finance, de Wall Street pour la première, de la finance mondiale pour le second (qui avait travaillé dans une banque d’affaire auparavant).

De nombreux articles ont tenté de démontrer la véracité de ces accusations sans pouvoir néanmoins parvenir à instaurer un doute certain dans l’esprit d’une majorité d’électeurs.

Cependant, Clinton en a certainement plus pâti que Macron alors même que les Etats-Unis sont considérés le pays de la finance et la France comme une nation rétive à tout ce qui touche à l’argent!



- L’accusation de comportements malhonnêtes

Plus pour Clinton que pour Macron, les accusations de malhonnêteté ont été déversées sans répit, sans nuance et sans pudeur sur les deux candidats.

Comme pour d’autres attaques, elles ont mieux marché contre Clinton comme cette incroyable campagne vis-à-vis de son compte e-mail alors même que toutes les accusations vraies contre Trump n’ont pas tenu, la plupart du temps parce que les médias, dans cette volonté incompréhensible de traiter également les deux candidats quoi qu’il arrive, évoquaient un soi-disant scandale du côté de Clinton pour rééquilibrer la situation, ce qui faisait du tort à cette dernière et permettait au milliardaire américain de s’en tirer sans grands dommages.



- L’accusation de n’avoir que des convictions de façade

L’opportunisme des convictions d’Hillary Clinton et d’Emmanuel Macron ont été des arguments récurrents.

Il est à noter que cette accusation touche souvent les centristes comme si le fait de se positionner sur le consensus, le juste équilibre et la compromis était une marque d’absence de convictions face aux thèses et propos extrémistes, populistes et démagogiques que l’on trouve chez les autres candidats.



- La volonté des Russes de torpiller leurs candidatures

La Russie a voulu la défaite des deux candidats et a largement employé son appareil de propagande et ses hackers à cet effet.

Grâce à la complicité de Donald Trump et de son équipe ainsi que la haine bien plus grande de Poutine pour Clinton que pour Macron, cette volonté a donné de biens meilleurs résultats aux Etats-Unis même si les grandes manœuvres russes ont échoué à décrédibiliser le système politique et électoral américain, nonobstant ce qui a été indiqué plus haut et qui permet à un candidat ayant moins de voix qu’un autre de remporter l’élection présidentielle.



Des facteurs différents pour les deux candidats ont bien évidemment existé, comme le fait qu’Hillary Clinton était une femme.

Mais l’on retiendra surtout, in fine, qu’Emmanuel Macron était un nouveau venu et qu’Hillary Clinton, elle, représentait l’establishment politique.

De même, il avait un discours plus populiste que l’américaine.

Pas de la nature de celui de Trump mais plutôt de celui d’Obama en 2008.

On peut estimer que le fait qu’il était nouveau et qu’il avait un discours de celui qui vient du dehors (outsider) et qui critique ceux du dedans (insiders) ont joué un rôle essentiel dans la victoire de Macron.

A l’inverse, la présence de Clinton depuis le début des années 1990 dans le monde politico-médiatique ainsi que sa volonté de ne pas tomber dans la démagogie ont plombé sa candidature et sont pour beaucoup dans sa défaite.

Cependant, c’est bien aussi dans la capacité de Macron à se sortir à son avantage des coups tordus évoqués plus haut qui ont fait la différence avec Clinton.

Celle-ci a semblé souvent pétrifiée et tétanisée pour répondre aux mensonges et aux insultes de Donald Trump.

Elle espérait sans doute que les Américains feraient eux-mêmes la part des choses le plus souvent mais elle pensait également que de se confronter directement au populiste démagogue lui donnerait l’image d’une personne de l’establishment déconnectée du peuple, ce qui a été de toute façon le cas…

A l’opposé, Emmanuel Macron a adopté, dès le départ, un ton et un style dynamiques et offensifs où c’est lui qui a fait du rentre-dedans et a fragilisé ses opposants plutôt que le contraire.

Et quand ceux-ci ont voulu répondre à cette stratégie, il était déjà trop tard.



Alexandre Vatimbella

Directeur du CREC

Jean-Louis Pommery

Directeur des études du CREC