dimanche 13 mai 2018

Actualités du Centre. Bayrou tente encore de déborder Macron sur sa gauche

Bayrou, à gauche de Macron...
On le savait et malgré ses dires, François Bayrou roule pour lui-même, comme il l’a toujours fait.
Ce qui, en politique, n’est pas un reproche mais une constatation.
Et au moment de l’anniversaire de l’accession de son «allié», Emmanuel Macron, à l’Elysée en 2017, il vient de donner une interview au quotidien Le Parisien, dont le titre de Une est «Macron président de droite», afin de donner son sentiment sur la première année de pouvoir de celui-ci.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que, tout en défendant le bilan du Président de la république, il critique, entre les lignes, l’absence, selon lui, «d’un projet social assumé et cohérent» qui est son «obsession», s’en prenant même à l’expression «Premiers de cordée» utilisée par Macron pour définir ceux qui font avancer la société.
Le président du MoDem, par ailleurs, qu’à côté d’un «impératif ‘efficacité’», il doit y avoir l’ «impératif ‘perspective sociale’».
Cependant, il serait bien difficile de dire ce qu’il représente concrètement puisque, dans le même temps, il explique que le modèle social français est à bout de souffle et que l’Etat n’a plus d’argent pour la redistribution.
Reste quelques mesures qui ne sont pas fondamentalement différentes de la philosophie du Gouvernement en la matière.
On comprend dès lors que la volonté de Bayrou est de se différencier de Macron sur un sujet où ce dernier a une mauvaise image de marque dans les sondages.
Ces nouvelles critiques sur la politique sociale du pouvoir en place viennent après celles sur la réformes des institutions où le Mouvement démocrate compte monter au créneau pour défendre son point de vue, différent de celui du texte proposé par le Gouvernement d’Edouard Philippe, lors des discussions au Parlement.
A noter, enfin, qu’à la question de savoir si Macron est un président de droite, il ne répond pas qu’il est centriste mais qu’«il n’est pas un président partisan».
Toute cette agitation relance les spéculations sur un soutien plus critique de Bayrou à Macron dans les mois à venir et sur sa fiabilité en tant qu’allié que de nombreux politiques ont mis en doute au cours de ces dernières années.
Voici les principaux extraits de cette interview.
- Emmanuel Macron est-il un président de droite?
Non, il n’est pas un président partisan. C’est un président qui a une équation comme aucun de ses prédécesseurs depuis 20 ans. Il a su défendre une vision, faire preuve de caractère, donner un élan à des réformes qui étaient enlisées depuis longtemps et une nouvelle jeunesse à l’idéal européen. C’est cet impact personnel qui permettra de tenir la promesse de l’élection: rendre de la souplesse et de la vitalité à notre pays, particulièrement à l’économie, et «en même temps» veiller à le faire au bénéfice de tous. Et particulièrement de ceux qui ne sont pas nés «du bon côté». Cet équilibre est notre engagement. Et mon obsession.
- Les sondages montrent que les Français estiment que l’action du président va dans le mauvais sens pour réduire les inégalités. Qu’est ce qui n’a pas marché?
Il y a eu beaucoup d’avancées : la hausse du minimum vieillesse, la hausse de l’allocation adulte handicapé, la suppression progressive de la taxe d’habitation… Ce sont de fortes décisions, et elles ont été réellement prises. Mais elles n’ont pas été mises en valeur dans le cadre d’un projet social assumé et cohérent. Ce qui a percuté c’est l’autre volet, l’ISF et la baisse inopportune des APL.
- Bercy et Matignon, tenus par des ministres de droite, contribuent à ce déséquilibre?
Le gouvernement a été voulu avec cet équilibre-là: pour réaliser enfin les réformes nécessaires, donner à la France une nouvelle image, sortir de la caricature de pays bloqué qui nous collait à la peau. Mais dans le visage de la France et dans son attractivité, il y a d’autres traits, tout aussi essentiels, le besoin de justice et de solidarité. Je sais qu’Emmanuel Macron a une conscience aiguë des fractures de la société. Je l’ai entendu devant les étudiants allemands expliquer que sans solidarité, l’échec était certain.
- Mais ce qui a été perçu c’est la suppression de l’ «exit tax» annoncée au magazine Forbes. Une erreur?
Je comprends qu’il soit important de rendre la France attractive pour les investisseurs. Mais il faut aussi la rendre attractive pour les Français. C’est-à-dire juste, créative, compréhensive et même bienveillante pour ceux qui la forment.
- La bienveillance n’est pas au rendez-vous?
Le besoin de bienveillance, c’était une des intuitions les plus fortes d’Emmanuel Macron dans sa campagne. Et qui équilibrait toutes les autres. Les Français avaient besoin d’autorité, il y a de l’autorité. Ils avaient besoin d’incarnation dans la fonction présidentielle, il y a de l’incarnation. Besoin d’aller enfin au bout de certaines réformes, on y va. Mais au moins autant que d’efficacité, ils ont besoin d’attention, de reconnaissance et de justice.
- Le président doit se débarrasser de cette image de président des riches? Comment?
En étant à la fois le président entraînant, inspirant et le président juste, garant de la justice dans la société.
- Est-ce ce que veulent aussi les plus favorisés, les «premiers de cordée»?
«Premiers de cordée», je ne me suis jamais retrouvé dans cette expression. Les créateurs, les entrepreneurs, ceux qui inventent, qui risquent et réussissent pour le bénéfice du pays, ceux-là méritent qu’on les reconnaisse. Mais il y a bien d’autres premiers de cordée dans toute la société, bien d’autres réussites que la réussite matérielle, ceux qui se distinguent par le dévouement, ou le courage, ou les qualités morales. Et qui méritent autant d’honneur, et autant de soutien.
- Il faut un temps deux du quinquennat?
Ce n’est pas nécessaire: il faut et il suffit que soit prise en charge la vision qui a donné à Emmanuel Macron la confiance des Français. La vision résumée dans le «en même temps»: il y a deux impératifs, aussi importants l’un que l’autre. L’impératif efficacité-souplesse-réactivité qui imposera de grands changements, y compris, on l’oublie trop souvent, dans l’Etat. Et l’autre impératif, la perspective sociale. Tout le monde doit avoir sa chance et tout le monde a des droits. C’est cela qui doit être le nouveau modèle français, et c’est la clé de ce mandat.
- Un nouveau modèle français, que voulez-vous dire, un nouveau modèle social?
Un projet global pour la société française qui soit aussi une proposition française pour le monde. Car le mouvement du monde, c’est le creusement continu et qui paraît inexorable des inégalités. Par la loi de ce système, ceux qui ont le plus ont toujours plus. Ceux qui ont moins sont de plus en plus relégués. Or il n’y a pas d’avenir possible pour la société si on accepte cette fracture, si on ne prend pas en compte le besoin profond d’égalité des chances et des droits.
- En quoi ce modèle social est-il nouveau?
Pendant des décennies, quand on parlait du modèle social, on parlait d’allocations. L’État distribuait de l’argent public à des catégories de populations. Ce modèle est épuisé. D’abord parce qu’il n’y a plus autant d’argent public. Et surtout parce que cette politique d’allocations n’a pas libéré les gens, ne leur a pas permis de progresser. Cela ne leur a offert ni travail, ni fierté, ni reconnaissance. Le nouveau modèle social, c’est celui qui apportera à chacun les moyens et la motivation pour s’en sortir et se réaliser par lui-même. Alors on voit ce qu’il faut faire: il faut mettre le paquet sur l’Education. Il faut avoir l’obsession non seulement de la première chance, mais s’il le faut d’une deuxième, d’une troisième chance. Faciliter au plus près du terrain la création d’activité et d’entreprise. L’Etat providence n’a pas répondu à cette attente. On a besoin d’une nouvelle pensée, qui soit moins centrée sur l’État et qui diffuse la confiance.
- Mais que proposez-vous pour l’immédiat ?
Deux orientations peuvent être prises sans attendre : d’abord la participation dans l’entreprise. Il faut que les salariés bénéficient d’une partie des résultats, mais aussi puissent participer à la réflexion stratégique sur l’avenir de l’entreprise. Cela permet de responsabiliser tous les acteurs. Il y a ensuite le dossier des heures supplémentaires: que l’effort consenti pour un travail supplémentaire apporte un revenu substantiel, amélioré par la défiscalisation ou la suppression des charges sociales. Ces deux décisions iront dans le sens de la reconnaissance et de l’autonomie.