vendredi 6 février 2015

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Les partis centristes doivent porter la clarification du paysage politique

Les débats enfiévrés à l’UMP sur le front républicain ou le «ni, ni»; la joie de nombre de socialistes lors de la victoire de la coalition d’extrême-gauche Syriza en Grèce pendant que d’autres veulent libérer l’économie de ses carcans étatistes et corporatistes; la montée du populisme et des démagogues tant au Front national qu’au Front de gauche mais aussi dans les franges radicales du PS et de l’UMP; les tensions internationales dues aux régimes autoritaires que Front de gauche et Front national défendent et aux organisations terroristes; les tentations de repliement sur soi des Français face à un monde qui ne nous attendra pas: tout cela impose une indispensable clarification du paysage politique qui doit aboutir le plus rapidement possible à la création d’une large coalition regroupant dans une force centrale tous les réformistes en France, un schéma qui doit s’appliquer également dans nombre d’autres pays démocratiques.
En réalité, il s’agirait surtout de concrétiser un nouveau découpage politique qui existe déjà de fait où les ailes libérales de la gauche et de la droite ont avec le Centre des points de convergence beaucoup plus nombreux que ces mêmes ailes avec leurs pendants radicales.
Que partagent vraiment aujourd’hui un Manuel Valls et un Benoit Hamon, un Emmanuel Macron et une Marie-José Lienemann au PS? Un Jean-Pierre Raffarin et un Thierry Mariani, un Laurent Wauquiez et un Dominique Busseraud, un Nicolas Sarkozy et un Alain Juppé à l’UMP?
N’y a-t-il pas plus de points communs entre Alain Juppé, Manuel Valls, Jean-Christophe Lagarde et François Bayrou? Entre Thierry Mariani et Marine Le Pen? Entre Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon?
Ces constats ne datent pas d’hier, tout comme l’illogisme de cohabitations forcées dans un même parti de courants politiques qui n’ont plus grand-chose de commun ensemble et qui demeurent souvent associés par les nécessités électorales dues au mode de scrutin adopté par la V° République.
Mais, aujourd’hui beaucoup plus qu’hier, où s’affrontaient déjà un Rocard et un Chevènement au PS, un Chaban-Delmas et un Peyrefitte à l’UDR, ces incongruités pourrissent le débat politique et font souvent faire du surplace à la France.
Il est donc grand temps d’y mettre fin, ce qui sera un bien pour la démocratie et la république.
Cette situation n’est, en outre, pas diamétralement différente dans nombre de pays étrangers.
Ainsi, aux Etats-Unis il existe également, de fait, un axe central divisé entre les modérés du Parti républicain et les centristes du Parti démocrate, flanqués à ses bords de la droite radicale du Tea Party avec les évangélistes réactionnaires et de la gauche radicale, les «liberals» avec les soutiens gauchistes au mouvement Occupy Wall Street.
En Grèce, les modérés (Nouvelle démocratie à droite, Potami au centre, Pasok à gauche) sont désormais coincés entre Syriza (extrême-gauche) et Aube dorée (extrême-droite).
En Allemagne, la grande coalition entre sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens est concurrencée par Die Linke à gauche et par le nouveau parti très conservateur, l’AfD (Alternative pour l’Allemagne) à droite.
Cette clarification politique doit être portée en Europe et notamment en France par les partis centristes avec courage et responsabilité.
Eux seuls peuvent être à la fois des ponts et des rassembleurs.
Ponts entre les libéraux réformistes à droite et les sociaux-libéraux à gauche.
Rassembleurs car ils sont à même de pouvoir faire une synthèse politique autour d’un projet politique et d’un programme électoral.
Cette nouvelle force politique dédiée à l’axe central n’est pas seulement celle qui fera la meilleure politique face aux défis à relever mais celle qui défendra le mieux les valeurs de la démocratie républicaine, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays au moment où celle-ci est particulièrement attaquée.
Quand on parle d’axe central, sa structuration peut-être multiforme.
Il ne s’agit pas de créer une usine à gaz ressemblant à des partis «attrape-tout» de type PS ou UMP.
Rien n’oblige, en effet, à ce que les différents courants se retrouvent dans une formation politique unique. L’important ici est l’alliance électorale et le contrat de gouvernement qui sont passés entre eux sur la base d’un projet et d’un programme communs.
De la même manière, la gauche et la droite radicales ne seront pas obligées de se fondre avec leurs extrêmes, ni même de nouer des alliances avec elles car les différences peuvent être importantes entre les deux pôles à droite et à gauche, en particulier sur la défense des valeurs de la démocratie et de la république.
Cette nouvelle architecture politique aurait plusieurs avantages.
D’abord, de proposer des projets et des programmes politiques d’une plus grande clarté aux électeurs.
Au lieu de vouloir rapprocher l’irréconciliable et de gérer des tensions sans fin, les différents regroupements nés de cette reconfiguration auraient chacun leur cohérence idéologique.
De celle-ci sortirait une cohérence dans la pratique du pouvoir et une moindre déperdition des objectifs affichés par chaque camp qui serait plus homogène.
Du coup, l’efficacité de la gouvernance politique serait nettement améliorée par ceux qui occuperaient le pouvoir, nonobstant la nécessité d’alliances pour former une majorité.
Les citoyens auraient, de même, une meilleure compréhension des choix qui leur seraient proposés avec des discours politiques qui ne devraient pas être alambiqués et malaxés pour plaire aux différents courants qui ne s’entendent guère que sur une envie de victoire et non sur un vrai projet politique.
Sachant où le pays irait, les forces économiques et sociales seraient mieux à même de se positionner vis-à-vis d’un gouvernement, ce qui améliorerait l’efficacité de la machine économique et permettrait de mieux réformer.
Cette clarification gagnerait à être mise en œuvre avant que des événements dramatiques contraignent de le faire.
Reste qu’il ne sera pas aisé de casser les vieux réflexes et les vieilles habitudes même si ceux-ci et celles-ci recèlent bien des dangers et des handicaps pour notre avenir.
Mais l’approche pragmatiste des centristes peut être, ici, un atout non-négligeable.