mardi 6 mars 2018

Actualités du Centre. Etats-Unis – Confusion autour du «centrisme» à l’ère de Trump

Le site internet Vice a récemment interrogé cinq personnes venues d’univers et de bords politiques difféérents qui se disent centristes et veulent renouveler le paysage politique américain à l’époque de Donald Trump.
On y trouve un ancien républicain (Robert Levine, responsable du site The moderate voice), un démocrate (Jonathan Cowan, président de Third Way) et trois «independents» (Neal Simon, homme d'affaires candidat au Sénat du Maryland, Nick Troiano, directeur exécutif du Centrist project, Charles Wheelan, auteur de «The Centrist Manifesto») qui ne se disent affiliés à aucun des deux grands partis.

Si Jonathan Conwan veut faire en sorte que le Parti démocrate s’ancre définitivement au centre et au centre gauche, Charles Wheelan, qui souhaitait auparavant créer un troisième parti centriste, s’est dorénavant rallié à l’idée de Nick Troiano de trouver et de soutenir partout dans le pays des candidats «independents».

Robert Levine, lui, veut promouvoir les idées centristes et les candidats «independents» que Neal Simon veut représenter dans son combat politique local, mais il souhaite aussi la création d’un troisième parti situé au centre.

Leurs propos – dans les entretiens à Vice –semblent plutôt vouloir se démarquer des deux grands partis – à part Jonathan Conwan –, qu’ils renvoient d’une manière un peu simpliste dos à dos (alors que c’est le Parti républicain qui s’est largement déporté sur sa droite et qui a bloqué le système politique pour des raisons uniquement idéologiques) que de définir un vrai centrisme.

Leurs principaux points communs sont la modération et le constat que le système politique américain est bloqué.

Néanmoins, chez Conwan et Troiano, il y a une réflexion plus large sur ce que doit être le centrisme.

Quand on demande aux trois «independents» de définir ce qu’ils entendent par être centriste, Neal Simon explique qu’il se «considère comme un indépendant modéré» puis ajoute, «je suis dans le grand milieu du pays, sur le plan politique, où beaucoup de gens se sentent sans abri parce qu'ils ont l'impression que les dirigeants des deux partis les ont poussés à l'extrême.»

Une sorte de centrisme ad minima.

En revanche, Nick Troiano, lui, affirme «je me considère comme un centriste parce que je suis prêt à prendre les meilleures idées, peu importe d'où elles viennent. Souvent, le centrisme est confondu avec être au milieu, ou diviser la différence entre les deux côtés. Le centrisme consiste à utiliser la raison, la logique et le bon sens pour évaluer la politique telle qu'elle est et pour déterminer ce qui est pragmatiquement la solution à un problème donné.»

Quant à Charles Wheelan, lui, estime qu’«être un centriste signifie que je ne rentre pas dans le camp politique actuel. Le mot centriste n'est pas génial, j'espère que nous en avons eu un autre. Ce n'est pas parce que je me trouve directement entre les deux partis, c'est parce que je suis beaucoup plus attiré par certaines idées des Républicains, et beaucoup plus par les Démocrates.»

En cela, il se rapproche de Jonathan Conwan qui estime que «notre idéologie (ndlr: celle de son organisation Third way) est un très bon mélange des deux derniers présidents démocrates, Bill Clinton et Barack Obama. Ils étaient des centristes démocrates, même s'ils traitaient de différentes questions de toute évidence parce qu'ils étaient présidents à des décennies d'intervalle.»

Mais il précise que, «comme avec le libéralisme et le conservatisme, il y a beaucoup de différents courants et marques de centrisme. Nous sommes des démocrates centristes, ce qui est très différent des autres courants du centrisme.»

Enfin, Robert Levine rappelle qu’il a été «un républicain de la Nouvelle-Angleterre, mais le Parti républicain a été pris par le Texas et le Sud profond et ils ne respectent plus mes normes de la façon dont ils veulent que le gouvernement fonctionne. Les démocrates ne semblent pas avoir de leadership, et je pense qu'un nouveau parti qui n'est pas fasciné par les lobbyistes et les intérêts spéciaux pourrait vraiment avoir beaucoup de succès. Le système bipartite, qu'on appelle le duopole, ne fonctionne vraiment pas.»

Et il poursuit: «Les centristes, ou modérés, sont vraiment des gens qui sont prêts à faire des compromis. Ce sont des pragmatistes, des gens sensés que vous ne trouvez pas à droite et à gauche. Une partie du problème c’est que seuls les républicains actifs et les démocrates actifs participent au système des primaires (ndlr qui désignent les candidats de chaque grand parti pour toutes les élections), et ce sont eux qui sélectionnent les candidats au poste. Donc, les gens les plus extrêmes des deux côtés ont une longueur d'avance en termes de candidature. Lorsque les décisions sont prises, les politiciens essaient d'apaiser leurs bases, et leurs bases sont les extrémistes des deux partis. Même lors des élections ordinaires, seuls 60% des électeurs inscrits votent aux élections présidentielles et, lors des élections annuelles, seuls 40% votent. C'est terrible. Les gens ne veulent pas voter parce qu'ils estiment que leurs votes n'ont aucun sens et qu'il n'y a pas de candidats qui les représentent.»



(Le CREC publiera dans les semaines qui viennent un ouvrage d’Alexandre Vatimbella, Le Centrisme Américain)