dimanche 27 octobre 2019

Actualités du Centre. Selon Bayrou «le climat politique n’est pas sain»

François Bayrou
Pas encore collapsologue mais néanmoins à nouveau catastrophiste, François Bayrou est sorti de son silence pour s’alarmer et tenter de faire partager ses inquiétudes à ses compatriotes.
Ainsi, pour le président du Mouvement démocrate, la France est un pays qui ne vas pas bien, qui vit dans le malaise permanent de la division et dont «le climat politique n’est pas sain» mais plutôt «couvert et menaçant» excusez du peu.
Pourtant, dans une contradiction qu’il n’a pas l’air de réaliser, il estime qu’Emmanuel Macron fait tout pour «réconcilier» les Français.
Au cours de son intervention dans l’émission Questions politiques sur franceinfo et France Inter, le leader centriste s’est également prononcé pour un «plan B» à Paris, c'est-à-dire pour une autre candidature issue de la majorité présidentielle et qui ne soit pas celles de Benjamin Griveaux – investi officiellement par LaREM – et de Cédric Villani (il parait qu’il préfèrerait Agnès Buzyn ou… Jean-Louis Borloo!).

► Voici les principaux propos de son intervention:

- Le climat politique n'est pas sain, n'est pas clair, mais il mérite que l'on s'interroge et que l’on essaie de voir les lignes directrices à suivre. Au fond, les deux questions sont liées. Pourquoi le temps est-il couvert et menaçant ? Car les questions qui obsèdent le débat politique sont aujourd'hui des questions mal maîtrisées, mal posées, dangereuses dans leurs effets. On a l'impression que, perpétuellement, le jeu politique consiste à jeter de l'huile sur le feu pour que flambent des questions dont on peut penser assez souvent qu’elles ne sont pas les questions profondes du pays. Elles veulent dire quelque chose, il ne faut pas se tromper, on est devant des symptômes d'un malaise profond. C'est un malaise qui tient à l'identité du pays et à cette maladie dont nous sommes affligés depuis si longtemps et qui est pour moi si grave, qui est la rupture entre la base du pays et le sommet de la pyramide. C'est à cette rupture qu'a voulu s'attaquer l’élection de 2017, c'est une rupture que, l'on voit bien, le Président de la République a présente à l'esprit, ne serait-ce que dans sa visite à Mayotte et à La Réunion, mais c'est évidemment une question extrêmement centrale qu'un pays qui ne se sent pas bien avec lui-même et pas bien avec le système de gouvernement qui est le sien.
- Un pays qui va bien, c'est un pays qui se reconnaît dans le mouvement qu'il suit. C'est un pays qui sait où il va, qui voit bien qu’il y a des efforts à faire, qui consent à ces efforts, mais dont, au fond, qui ne cesse de se réunir pour trouver la réponse à ces questions. Or la France est un pays qui, depuis des décennies, ne cesse de se diviser sans trouver les réponses à ces questions. Ce malaise-là est, pour moi, la question principale du pays.
- C'est la définition même de la laïcité qui est mal perçue: qu'est-ce c'est la laïcité? Vous savez c'est moi qui ai interdit le voile dans les écoles. Par la circulaire de 1994 qui avait fait, à l'époque, du bruit. Pourquoi ? Parce que l'école, c'est le lieu où l'on doit tous former un pays, une nation, se souder, ne pas avoir des règles pour les uns et des règles pour les autres. C'est le creuset où le pays se forme, mais on perd de vue quelque chose de tout à fait essentiel. La laïcité, c'est la règle pour que l'on puisse vivre ensemble. C'est la règle pour que l'on se respecte dans nos différences et pour que triomphe le plus important qui est la compréhension mutuelle. Or, on s'aperçoit qu'assez souvent, la laïcité est utilisée, non pas pour vivre ensemble, mais pour vivre les uns contre les autres. Pour allumer des procès des uns contre les autres. (…) Il y a des forces partout dans la société qui vont dans ce sens-là.
- Dans l'école, comme dans tous les services publics, les signes religieux que j'avais nommés ostentatoires sont interdits parce qu'on est dans le cadre de l'action de l'État. Pour moi, ce sont des mères de famille, c'est aux directeurs des écoles, c'est aux responsables des écoles par circulaire de voir s'il y a prosélytisme ou si simplement c’est le quartier, l'habitude.
- Je ne regarde pas des compatriotes musulmans comme étrangers à la République.
- Ce n'est pas une personne voilée. Le voile intégral est interdit dans l'espace public français depuis une loi que j'ai d'ailleurs votée. Interdit pourquoi? Car nous avons dit: nous sommes la civilisation du visage découvert.
- Ceux qui s'intéressent à l’histoire savent qu'il y a eu un grand débat en 1905 où l'on voulait interdire les signes religieux dans l'espace public en France. Ce sont de très grands législateurs, notamment de gauche, qui ont dit: On ne peut pas aller dans ce sens-là car, comme on le sait depuis la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, on a le droit de manifester une conviction dans l'espace public pourvu qu'elle n'agresse personne. Et, de ce point de vue, il a bien fait. Si nous ne nous accordons pas sur des règles de droit assez solides, assez denses pour éviter que l'on aille faire n'importe quoi… Imaginez que nos compatriotes musulmans se sentent tout d'un coup discriminés par la puissance publique, par le mouvement de l'opinion, qu'est-ce qui en résulterait ? Vous croyez qu'il en résulterait un mouvement bienveillant de compréhension ? Pas du tout, il en résulterait un durcissement sur les positions les plus rigides et parfois les plus sectaires C'est exactement ce que nous devons éviter, ce n'est pas seulement une question de sentiment, c'est une question de souci de l'avenir du pays.
- En quoi le modèle français issu de 1905 est-il en danger? C'est extrêmement simple. À partir du moment où l’on n'accepte plus cette règle simple qui est : la loi protège la foi, mais la foi ne fait pas la loi. Vos convictions personnelles, que vous croyez à quelque chose ou que vous n'y croyez pas, vous avez votre place dans ce pays et c'est parce qu'on a cette protection-là que l'on peut ensemble construire un pays uni, premièrement, mais, je le répète, la foi ne fait pas la loi. Ce n'est pas parce que vous avez une conviction que vous devez à toute force imposer cette conviction aux autres par la pression, par l'intimidation. Et le modèle français, c'est cela. Or vous voyez bien que c'est doublement mis en cause. C'est mis en cause d'un côté par ceux qui veulent que la loi ne protège plus la conviction et que l'on interdise un certain nombre d'attitudes, de convictions au nom de sa propre opinion et, de l’autre, il y a en effet des mouvements que l'on appelle communautaristes qui sont des mouvements qui veulent qu'une conviction notamment religieuse s'impose la société.
- Le débat démocratique devrait consister non pas à imaginer que, parce que vous êtes majoritaire, vous pouvez imposer votre loi aux autres. La démocratie, c'est aussi la protection des minorités. On est là chacun pour défendre une opinion, mais pour souhaiter que cette opinion puisse entrer en symphonie, si je pouvais faire de la musique, avec d'autres opinions. Nous sommes une société pluraliste. Il est bon que nous le soyons et, ce qui est inacceptable aujourd'hui, c'est qu'en effet on a l'impression que le pluralisme n'a plus sa place et qu'il faut à tout prix forcer les autres à obéir à ce que vous voulez. Ce n'est pas cela mon idéal en tout cas pour un pays.
- C'est normal que l'on veuille transmettre aux générations qui viennent la société que nous avons aimée. Je pense que c'est un droit de l’homme que de pouvoir transmettre et un certain nombre de nos compatriotes ont le sentiment que, par des déstabilisations diverses et variées, ils ne pourront plus transmettre la société qu'ils ont reçue, ils ne pourront plus transmettre nos manières de vivre, ils ne pourront plus transmettre nos paysages, ils ne pourront plus transmettre notre culture. Et il est normal qu'on les aide et qu'on les défende de ce point de vue. En revanche, ce qui n'est pas normal, c'est de faire croire que nous sommes au bord du précipice et que, parce qu’il y a une vague d'influence ou d'inspiration musulmane qui est en train de nous envahir, alors on ne pourra… Ce n'est pas vrai, ce n'est pas réel, ce n'est pas la société dans laquelle nous vivons.
- Lorsque le Président de la République dit vigilance, il a raison, c'est son travail sa responsabilité, c'est sa mission. En revanche, vigilance, cela ne s'applique pas à d'autres. Je considère, moi, que nos compatriotes musulmans sont aussi nos concitoyens ou autant nos concitoyens que nos compatriotes catholiques, protestants, juifs ou athées, il n’y a pas de différence à mes yeux. (…) En tout cas, de ce point de vue, notre responsabilité, elle est simple, elle est de faire vivre les gens ensemble dans la compréhension mutuelle sans laisser aucune dérive prendre le pas sur nos principes.
- Je suis le responsable d'un mouvement politique. J'en ai la charge. Je l'ai fait naître et même peut-être sauvé au moment où les choses n'étaient pas faciles et, ce mouvement  politique, ce courant politique et moi-même, nous devons peser par nous-mêmes, pas du tout en essayant d'être courtisans, ralliés, mais rien de tout cela. Nous devons peser par nous-mêmes par la justesse de nos propositions et par la ligne politique que nous portons.
-Je ne crois donc pas que cette élection [municipale] doive être politisée au sens des étiquettes de partis politiques. C'est une élection qui doit être politisée au sens des personnalités, des valeurs que celles-ci défendent, de leur capacité à faire parler de leur ville ou à parler eux-mêmes à cette ville et son avenir.
- Le Président de la République a pris une responsabilité considérable, celle de réconcilier un pays tout entier avec la vie politique qui est la sienne. Les Français étaient désabusés et désespérés de la vie politique qu'ils avaient. Ils ont écarté les deux forces principales qui exerçaient le monopole du pouvoir à deux, l'une après l'autre: «Si ce n'est pas toi, ce sera moi». Comme vous le savez, c'est un combat que j'ai mené en pensant qu'il était central. Ils ont constitué une majorité centrale pour le pays. Maintenant, il revient au Président de la République de donner à chaque Français la lecture des enjeux que nous avons devant nous et des lignes directrices qui doivent être les nôtres. C'est une responsabilité qui n'est pas facile, mais il l'a admirablement fait au moment des gilets jaunes. Au plus dur de la tourmente, au plus agité, au plus dangereux, il a pris cette responsabilité et, les yeux dans les yeux, il est allé parler pendant des dizaines d'heures avec des milliers de Français pour que tout le monde comprenne simplement qu'il était en phase avec l'inquiétude du pays. De ce point de vue, j'ai trouvé cela courageux et juste. Maintenant, il faut entrer dans un nouvel axe.