dimanche 22 décembre 2019

Une Semaine en Centrisme. Les stratégies à haut risque des partis centristes pour les municipales

Comment remporter le plus de villes, avoir le plus d’élus locaux tout en se présentant comme le meilleur défenseur du Centre et le plus unitaire possible tout en gardant sa spécificité, voilà le challenge qui se propose aux partis centristes pour les municipales de mars prochain et qui a des allures de quadrature du cercle.
Le point de départ n’est pas le même pour ces formations et le rapport de force semble disproportionné, pas toujours dans le sens où on le pense.
La situation présente est que LaREM n’a encore jamais été confrontée à une élection municipale au cours de sa jeune existence et part donc avec pratiquement zéro mairie et conseiller municipal dans sa besace (même si certains membres du parti avait un mandat municipal lors de sa création quand d’autres, dans le même cas, l’ont rejoint depuis).
Ce n’est pas le cas du Mouvement démocrate (et du Mouvement radical) qui possède quelques mairies et élus municipaux et, surtout, l’UDI qui en possède le plus chez les centristes.
Voilà qui ne manque pas de piquant parce que le poids politique de chaque formation citée est inversement proportionnel à leurs élus municipaux…
Ainsi, à part le Mouvement radical, l’UDI est celle qui est le moins lotie en députés et qui représente le plus petit nombre d’électeurs au niveau national, suivi du MoDem et de LaREM qui, dans ce domaine, est hégémonique.
Mais cette force électorale nationale ne joue pas forcément en faveur du plus puissant, en l’occurrence LaREM.
Le parti présidentiel n’a effectivement pas l’ancrage local (il n’a pas participé non plus à des élections départementales ou régionales) et un tissu d’élus et de relais pour être toujours en position de force, loin de là.
En revanche, c’est le cas de l’UDI, plus que du MoDem.
Sauf que…
Pour garder leurs fiefs municipaux et leurs élus, l’UDI et le MoDem sont obligés à des alliances car ils ne peuvent, ni l’un, ni l’autre, prétendre à gagner seuls.
Lors des précédentes élections municipales, l’UDI était l’alliée de feue l’UMP (aujourd’hui LR) et le MoDem avait joué la carte «girouette», c'est-à-dire d’avoir des alliances tout azimut, de la droite à la gauche de l’échiquier politique.
Si ces deux formations tentent de refaire cette même stratégie qui leur a plutôt réussie (il ne faut pas oublier, quand même, que lors des municipales de 2014, le PS alors le parti le plus puissant avait connu une véritable gifle qui avait profité à tous ses concurrents, ce qui ne sera pas le cas en 2020), elles se heurtent à des impasses pour le MoDem (comment faire partie d’une majorité présidentielle tout en s’alliant avec des adversaires de celle-ci!) et à la faiblesse de l’ancien partenaire (LR pour l’UDI).
Cela aurait pu profiter à LaREM si cette dernière avait été unie et avec une stratégie claire.
Or ce n’est pas le cas.
Nombre de ses membres ont décidé d’aller à cette élection non-investis par celui-ci, voire en dissidents ou, mieux encore, en opposants!
Le cas de Cédric Villani, député LaREM, candidat à Paris contre le candidat officiellement investi, Benjamin Griveaux, après une procédure qu’il avait pourtant accepté et aujourd’hui allié avec EELV, une des formations les plus critiques de la majorité, est emblématique des problèmes que rencontre le parti présidentiel avec ses investitures.
Parce qu’il faut immédiatement ajouter que LaREM n’est pas une formation «normale».
Tout le monde peut y adhérer, sans payer une cotisation et venir d’où bon lui semble politiquement.
Ce qui favorise, évidemment, les opportunismes lors de victoires, les départs lors de difficultés et la possibilité de se désolidariser du parti quand on a des ambitions personnelles que celui-ci ne vous offre pas tout en profitant de son passage.
Reste que cela n’est pas la seule explication de ses problèmes.
LaREM a également des difficultés à trouver des candidats de poids dans certaines villes et est obligée d’investir ou de soutenir  des candidats dont on ne sait pas trop s’ils seront ou non proches du pouvoir après l’élection (notamment s’ils gagnent), ce qui rend ce rendez-vous de mars assez énigmatique et épineux pour les troupes d’Emmanuel Macron.
D’autant qu’elles se retrouvent également sous la pression peu amicale de François Bayrou et des siens qui veulent, à la fois, se façonner une identité dans une «indépendance» souvent de façade, mais aussi garder leurs alliances contradictoires et improbables au nom de leur «liberté» du même acabit.
Le cas de Paris évoqué plus haut est là aussi emblématique puisque Bayrou ne veut pas soutenir Griveaux et ce dernier ayant des sondages peu reluisants, LaREM n’a pas les moyens, pour l’instant, de contrecarrer efficacement la fronde du leader du MoDem qui pourtant n’a pas les moyens de la mener jusqu’au bout...
Paradoxalement, le meilleur allié de LaREM pour ces municipales semble être l’UDI alors même que son président, Jean-Christophe Lagarde, considère son parti comme étant toujours dans une «opposition constructive» même si les rapprochements entre les deux formations sont évidentes ainsi qu’une approbation de plus en plus claire de la part de Lagarde de la politique de Macron.
Pour l’UDI, au-delà d’une proximité politique, il s’agit évidemment de trouver un partenaire plus solide que LR (même si des alliances avec ce dernier perdureront) et de (re)trouver une place dans le débat politique après la déculottée des élections européennes de juin dernier (2,5% des voix), voire de toujours exister après mars prochain.
Du coup, elle devient une concurrente pour le MoDem qui voit sa «relation privilégiée» avec LaREM, tellement vantée par Bayrou, possiblement s’affaiblir, ce qui serait un désastre pour ce parti qui n’existe nationalement que part la grâce des cadeaux que Macron lui a fait pour les législatives.
Nous sommes donc dans un cas de figure que certains pourraient qualifier d’ubuesque: des partis centristes globalement alliés mais concurrents déterminés à faire valoir leur bout de gras et leur pré carré au risque d’aller chercher des alliances chez les autres.
Le tout, alors même qu’ils devront faire face à une opposition de toutes les autres forces politiques, même s’ils seront parfois des allés de certaines d’entre elles!
Les trois mois qui restent avant les municipales ne seront pas de trop pour clarifier cette situation qui rappelle un peu trop le vaudeville.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC