samedi 3 juin 2017

Une Semaine en Centrisme. La victoire de Macron profite-t-elle aux partis centristes?

Comme nous l’avons dit à de multiples reprises, Emmanuel Macron s’il ne se présente pas comme centriste en est quasiment un et que le macronisme est un centrisme.
Et que même s’il l’on veut discuter ces termes, il est d’une évidence flagrante que Macron, son projet et son programme sont centro-compatibles.
Dès lors, poser la question de savoir si la victoire à la présidentielle d’Emmanuel Macron est une victoire qui profite aux partis centristes semble paradoxale.
En réalité, elle ne l’est pas autant que cela.
D’abord parce que les centristes sont divisés entre ceux qui soutiennent le nouveau président de la république et ceux qui le combattent.
Ainsi, on trouve dans la nouvelle majorité présidentielle, le Mouvement démocrate et l’Alliance centriste (ex-membre de la confédération UDI) de même qu’un certain nombre de centristes qui viennent en partie de l’UDI, en partie de LR et en partie du PRG, en partie de la mouvance écologiste, en partie du PS, sans oublier des centristes indépendants.
A l’opposé, on trouve dans les adversaires de cette majorité, l’UDI ainsi que la majorité des centristes encore à LR et des centristes présents dans le PS et au PRG.
Ensuite, parce qu’Emmanuel Macron n’était pas le candidat des partis centristes mais d’un mouvement, En marche! qui, même s’il est largement centriste ne se présente pas comme tel et ne se confond pas avec les formations qui se situent déjà au centre.
Mais puisque l’évidence, à laquelle les médias se sont ralliés, est que la victoire de Macron est une victoire centriste alors il est intéressant de voir si les partis qui sont situés au centre de l’échiquier politique peuvent directement (MoDem et Alliance centriste) ou par ricochet (UDI), en profiter.
Voyons ce qu’il en est.

- Cotes de popularité des partis centristes:
Deux sondages qui viennent d’être publiés nous disent que les Français demeurent assez circonspects à propos des partis centristes.
Selon celui de l’institut BVA pour Orange et La Tribune, le MoDem et l’UDI, sont bien placés puisque le premier nommé est en seconde position et de le deuxième se retrouve en quatrième position.
Mais si le Mouvement démocrate obtient 38% de bonnes opinions, il y a tout de même 59% des Français qui ont une mauvaise opinion de la formation de François Bayrou.
Concernant l’UDI, si 34% des Français ont une bonne opinion de la confédération centriste, ils sont 63% à en avoir une mauvaise.
Quant à celui de Kantar-Sofres pour Le Figaro magazine, il indique des gains pour le MoDem et l’UDI mais pas de réel changement d’opinion des Français.
Ainsi, alors que le Mouvement démocrate était en deuxième position pour BVA, pour Kantar-Sofres, il n’est qu’en quatrième position avec 30% de bonnes opinions contre 48% de mauvaises opinions (22% de «sans opinion»).
Et l’UDI n’est plus en quatrième position mais en septième avec seulement 20% de bonnes opinions comme le FN et Debout la France et 46% de mauvaises opinions (34% de «sans opinion»).
A noter que La République en marche est en première position pour BVA et Kantar-Sofres et est la seule formation a recueillir plus de bonnes opinions de que mauvaises dans les deux sondages.

- Cotes de popularité des leaders des partis centristes:
Si la cote de popularité des partis centristes n’est que peu impactée par la victoire d’Emmanuel Macron, il semble, en revanche, que celle des leaders de ces partis en bénéficient nettement plus.
Ainsi, dans le baromètre Kantar-Sofres, François Bayrou gagne 9 points et se retrouve en 3° position (à 35%), Hervé Morin et Jean-Christophe Lagarde gagnent 3 points et se retrouvent 32° et 39° positions (à 11% et 8%).
Cependant, il faut minimiser cette embellie car si l’on prend les nouveaux sondés centristes, Sylvie Goulard et Marielle de Sarnez, elles ne se classent que respectivement 32° et 36° (à 11% et 10%) alors que Nicolas Hulot entre directement à la première place à 62%!

- Potentiels électoraux des partis centristes:
Le sondage Ispos pour le Cevipof (centre d’étude de la vie politique de Sciences Po Paris) et Le Monde indique un potentiel électoral pour les différents partis calculés sur la probabilité de pouvoir voter pour un de leurs candidats.
Concernant les partis centristes, le MoDem se place en septième position (avec 12% de sondés qui pourraient voter pour un de ses candidats) et l’UDI en neuvième et avant-dernière position devant le PC (avec 9% de sondés qui pourraient voter pour un de ses candidats).
C’est le potentiel de La République en marche qui est le plus haut (32%), seule formation qui est en-dessous de 50% dans la catégorie «par probable» (37%) alors que le MoDem y obtient 55% et l’UDI 61%.
Bien sûr, il faut relativiser ce potentiel pour ces législatives puisque les partis centristes se présentent dans des coalitions où l’autodiscipline des électeurs veut qu’ils votent pour le candidat de cette coalition même s’il n’est pas de leur parti préféré.
Reste que les chiffres des partis centristes montrent le peu d’appétence des Français pour leurs candidats.

- Nombre d’élus dans la prochaine Assemblée nationale
Si le Mouvement démocrate devrait avoir sans difficulté plus de députés dans la prochaine assemblée que dans la précédente où elle en avait à la fin de la mandature zéro (!), il est assez difficile de faire des projections.
Selon certains analystes, et le MoDem, et l’UDI devraient pouvoir former un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale (15 députés) ce qui ne sera pas le cas pour l’Alliance centriste qui devrait avoir qu’entre un et cinq députés.
Mais il se pourrait que les grands espoirs des partis centristes soient déçus.
Ce sera certainement le cas de l’UDI qui pensait, lors de son alliance avec LR, pouvoir faire élire une quarantaine de députés et qui devra sans doute se contenter d’une vingtaine.
Mais cela pourrait aussi être le cas du Mouvement démocrate qui se voyait déjà pourvu d’une trentaine de députés et qui pourrait n’en avoir qu’autour de vingt, voire moins.

Pour conclure, on peut estimer que la victoire d’Emmanuel Macron a eu un petit effet sur les partis centristes (on n’inclut évidemment pas ici la présence des cinq ministres centristes dans le gouvernement dirigé par Edouard Philippe) mais qu’il s’agit avant tout de la victoire d’un homme et de son mouvement, En marche!
On pourrait à cet effet dire que c’est sans doute la victoire d’un «nouveau» Centre que Macron et La République en marche incarnent ce qui, par contrecoup, ne donne que peu de gains à l’«ancien» Centre.
Mais ces observations devront être complétées dans les semaines qui viennent au vu des résultats des élections législatives et des sondages sur les cotes de popularité.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

(Sondage BVA réalisé les 22 et 23 mai 2017 par internet auprès d’un échantillon de 1011 personnes âgées de plus de 18 ans et représentatives de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points // Sondage Ipsos réalisé du 27 au 30 mai 2017 par internet auprès d’un échantillon de 14958 personnes âgées de plus de 18 ans et représentatives de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points // Sondage Kantar-Sofres réalisé du 24 au 29 mai 2017 par internet auprès d’un échantillon de 1000 personnes âgées de plus de 18 ans et représentatives de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points)