Macron et Starmer ont décidé de rapprocher les forces de frappe nucléaires de la France et du Royaume-Uni.
Voici leur communiqué commun:
«Le Président de la République
française et le Premier Ministre du Royaume-Uni réaffirment leur engagement
résolu et de longue date à la coopération nucléaire. Il n'y a pas de
démonstration plus forte de la solidité et de l'importance de notre relation
bilatérale que notre volonté de coopérer dans ce domaine des plus sensibles. À
cet égard nous saluons les progrès importants réalisés depuis 2010.
Nos armes nucléaires ont pour but de dissuader les menaces les plus
extrêmes contre la sécurité de nos deux nations et nos intérêts vitaux. Nos
forces nucléaires sont indépendantes mais peuvent être coordonnées et
contribuent significativement à la sécurité globale de l'Alliance, et à la paix
et la stabilité de la zone euro-atlantique.
Comme nous le déclarons explicitement depuis 1995, nous n'imaginons pas de
situation dans laquelle les intérêts vitaux de l'un de nos deux pays, la France
et le Royaume-Uni, pourraient être menacés sans que les intérêts vitaux de
l'autre ne le soient aussi. La France et le Royaume-Uni s'accordent sur le fait
qu'il n'existe pas de menace extrême contre l'Europe qui ne susciterait pas de
réponse de nos deux nations.
La France et le Royaume-Uni ont par conséquent décidé d'approfondir leur
coopération et coordination nucléaires. Un groupe de pilotage nucléaire
franco-britannique sera instauré afin d'assurer la coordination politique de ce
travail. Il sera dirigé par la Présidence de la République française et le
Cabinet du Premier Ministre britannique et jouera un rôle de
coordination dans les domaines stratégiques, capacitaires et
opérationnels.
Le Royaume-Uni et la France réaffirment leur plein soutien au Traité sur la
non-prolifération des armes nucléaires et à leurs obligations au titre de ce
traité. Nous nous coordonnerons de façon toujours plus étroite afin de
maintenir et renforcer l'architecture internationale de non prolifération.»
Emmanuel Macron a apporté des précisions sur ce communiqué:
«Sur le nucléaire, nous avons pris trois décisions importantes. La première
concerne notre doctrine. En 1995, à Chequers, nous avions affirmé que nous ne
voyions pas de situations où les intérêts vitaux de l’un soient affectés sans que
ceux de l’autre le soient aussi, Aujourd’hui, dans le contexte radicalement
différent qui est le notre et dans l’esprit de la dimension européenne que j’ai
déjà pu évoquer, nous allons plus loin. Nous reconnaissons que nous n’imaginons
pas de situation de menace extrême à l’Europe
qui ne susciterait pas une rapide réponse de notre part, quelle que soit la
nature de cette réponse.
La deuxième décision est que nous n’excluons pas la coordination de nous
dissuasions respectives. C’est un message que doivent entendre nos partenaires
et nos adversaires.
La troisième décision, c’est le choix d’approfondir encore notre coopération
dans le domaine de la dissuasion, que ce soit pour la politique, les capacités
ou les opérations.
Nous avons décidé pour cela d’établir une structure commune, le groupe de
supervision nucléaire qui sera chargé d’animer cette coopération.
Ce sont des décisions fondamentales que nous avons prises aujourd’hui dans l’accord
signé. Nos deux pays restent indépendants, souverains, mais nous nous donnons
les moyens, lorsque nécessaire, d’œuvrer ensemble à la mesure de l’environnement
nettement plus menaçant qui est devenu le notre.»
La veille, lors de son intervention devant les parlementaires
britanniques, il avait déclaré:
«Nos deux pays, les seuls États européens
dotés d’armes nucléaires, les principales forces armées du continent,
représentant ensemble 40 % des budgets militaires européens, s’engagent à
assumer pleinement la responsabilité en matière de sécurité européenne. Et nous
sommes confrontés à de nouvelles menaces, avec des puissances nucléaires
agressives, avec des alliances parfois hésitantes, et le retour d’un conflit
majeur sur notre continent. C’est pourquoi, aujourd’hui, notre sommet est si
important et l’annonce que nous avons préparée si historique.
Les capacités identifiées il y a 15 ans à Lancaster House doivent être
considérablement augmentées en proportion de la menace. Notre coopération
industrielle doit également passer à un niveau supérieur, et notre relation
avec l’Europe doit changer, même au cœur de la souveraineté. Il y a une attente
en Europe que la foi avec les voisins révisionnistes, nos deux pays, ait une
responsabilité particulière pour la sécurité du continent. Et il est temps de
l’articuler et de paraphraser la célèbre phrase de Pitt, ‘pour s’assurer que
non seulement nos deux pays se sauveront par leurs propres efforts, mais aussi
que nous sauverons l’Europe par notre exemple et notre solidarité.’ Mais nous
reviendrons sur ce point plus en détail lors du sommet de jeudi, mais très
clairement, en prenant l’engagement d’aller vers les 3,5% sur la défense dans
les années à venir, il ne s’agit pas seulement d’amasser de l’argent, mais
d’augmenter notre coopération tous ensemble, réduire nos dépendances, et
construire un pilier européen fort dans l’OTAN. Nous devons travailler ensemble
pour coopérer, comme nous l’avons fait il y a quelques années au Sahel, côte à
côte. Nous devons coopérer afin de construire un nouveau programme commun,
d’accroître la coopération de nos industries et de rendre l’Europe de la
défense plus indépendante et plus forte.»
Cet important tournant dans l’organisation d’une défense européenne incluant très concrètement les armes nucléaires pourrait ainsi être le socle d’une Europe puissance nucléaire capable enfin d’être l’acteur de sa propre sécurité et de faire entendre sa voix dans le monde.
Cette Europe de la Défense serait plus large que l’Union européenne, ce qui n’est pas un problème pour le fonctionnement de celle-ci et lui assurerait une protection salutaire pour son développement politique et économique.
La France et le Royaume-Uni ont aussi dans l’idée d’incorporer l’Allemagne dans la direction de cette Europe de la Défense qui inclurait tous les autres pays du continent au-delà même de l’UE.
Si cette initiative se concrétise vraiment, alors il s’agira d’un changement d’échelle pour les Européens depuis la fin de la Deuxième guerre mondiale et d’une nouvelle donne pour le monde.
[Retrouvez quotidiennement ce billet rédigé par l’équipe du CREC concernant l'actualité du jour]
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