mercredi 20 juillet 2016

Regards Centristes. 7 – Le Centrisme, l’égalité et la justice

Regards Centristes est une série d’études du CREC qui se penchent sur une question politique, économique, sociale ou sociétale sous le prisme d’une vision centriste. Septième numéro consacré à la réponse du Centrisme aux questions essentielles de la justice et de l’injustice, de l’égalité et de l’inégalité, de la ressemblance et de la différence.

- Le Centrisme est pour l’égalité politique mais pour la justice et non l’égalité sociale et économique, c’est-à-dire pour une égalité d’opportunité mais non de condition.
Tout être humain est en effet égal à un autre nonobstant leurs différences ontologiques qui créent leur exceptionnalisme.
En revanche, si chacun a le droit à une égalité d’opportunité, il ne serait question, pour le Centre que cela se transforme en égalité sociale et économique, au nom même de la différence mais aussi, tout simplement, de l’efficacité d’une société où les plus capables et les plus travailleurs méritent d’être récompensés plus que les autres qui, eux, ne doivent pas, au nom de la solidarité, être à la merci de difficultés matérielles et psychiques.
En cela, le Centrisme prône une méritocratie solidaire.
Pour atteindre cet état d’égalité politique et d’égalité d’opportunité, le Centrisme compte sur le principe de juste équilibre.
Le Centrisme n’est donc pas un égalitarisme mais un «méritocratisme».

- Les trois égalités et le Centre
On distingue trois égalités: l’égalité naturelle, l’égalité ontologique et l’égalité sociale.
La première, l’égalité naturelle n’existe pas et n’existera jamais.
On peut même dire que l’on est, dans ce cadre, dans une a-égalité qui aboutit à une a-justice mais qui sont à la base de ce qui est le plus cher à chaque être humain, sa différence ontologique, le fait qu’il est unique.
C’est même pourquoi il faut souhaiter qu’elle n’existe jamais.
La deuxième est l’égalité ontologique, l’égalité de condition humaine, qui est primordiale (que certains libéraux appellent faussement la liberté naturelle en ce qu’elle préexiste à la naissance même de l’individu, ce qui est vrai, mais qui n’est garantie que par la vie en société, société qui, elle, est le contraire de la nature ou, en tout cas, son prolongement organisé).
C’est celle qui fait que tout être humain est égal à un autre, que la société dans laquelle il vit doit lui garantir, au nom de cette égalité ontologique, l’accès aux mêmes droits que les autres et aux mêmes opportunités que les autres de réussir dans sa vie.
Bien entendu, cela signifie qu’il est assujetti également aux mêmes devoirs.
Sans cette égalité ontologique, pas de respect, pas de démocratie républicaine.
C’est, en outre, pour les centristes, cette égalité qui est indispensable pour que tout individu inséré dans une société dispose du statut de personne.
Cette égalité est aussi égalité politique ou l’égalité de condition (que Tocqueville regroupe en deux sortes d’égalité, l’égalité des statuts juridiques et l’égalité des droits politiques).
La troisième est l’égalité sociale ou l’égalité des besoins (que Tocqueville appelle égalité des conditions de l’existence matérielle), là où est le terrain de prédilection de l’idéologie de l’égalitarisme.
Elle n’est pas donnée et pas souhaitable parce que la condition sociale d’une personne dépend du mérite, c’est-à-dire de la mise en œuvre effective des qualités de chacun grâce à son travail.
Et ceci est également primordial pour l’avancée de la société, le progrès de toute la communauté.
Car c’est parce que cette égalité se mérite et que la liberté est la règle en la matière que le progrès a été possible au cours des âges.
C’est ici que se place une des critiques de l’égalitarisme.
L’autre se trouve dans la différence entre les «droits de» et les «droits à».
L’égalitarisme qui voudrait que tout le monde puisse faire la même chose au nom des «droits à» est souvent catastrophique si elle est mise en pratique.
Reste qu’évidemment la société doit apporter des correctifs à cette inégalité sociale en mettant en œuvre des mécanismes pour garantir au mieux à tous ses membres l'accès aux besoins de base (nourriture, boisson, logement, accès au savoir et à la santé, possibilité de trouver un travail, etc.).

- En démocratie républicaine, il y a une évidence politique: tous les nouveaux nés naissent égaux en droits.
Mais il y a une autre évidence, sociale celle-là: tous les nouveaux nés, avant même d’être dans un quelconque environnement social spécifique, n’ont pas la même chance de réussir dans la vie.
De même, tous les enfants n’ont pas la chance de se retrouver dans un environnement où ils peuvent s’épanouir et être à même de réussir leur vie.
Reste que l’idée du Centrisme n’est pas de prendre la chance de certains pour la donner aux autres, encore moins de jouer le statu quo au nom d’une réalité inchangeable, mais bien d’augmenter les chances des enfants vivant dans les familles les plus démunies pour qu’elles soient de plus en plus proches des enfants vivant dans les familles les plus aisées sans pour autant diminuer les chances de ces derniers.
Car l’important n’est pas de nier la méritocratie, c’est-à-dire la possibilité pour les plus méritants de réussir mieux que les autres mais de donner à chacun la même opportunité qu’à tous les autres de pouvoir réussir.
Si chacun a réellement et concrètement sa chance, alors, en tant qu’adultes, tous les individus doivent s’assumer même s’ils doivent être aidés par la société en cas d’accidents de la vie.
Bien sûr, l’égalité des opportunités, c’est-à-dire de réussir grâce à son mérite, cela pose la question de savoir si ce sont les familles que l’on doit aider ou les individus.
Car un enfant vit dans une famille et en faisant en sorte qu’il possède une chance de réussite, on agit sur le milieu familial.
Pour autant, pour les centristes, il s’agit d’aider l’enfant en premier lieu et la famille seulement par ricochet.
Mais que l’enfant puisse développer toutes ses potentialités passe évidemment par un environnement le meilleur possible et le premier et indispensable cercle qui est fondamental dans le plein exercice de ses capacités est la famille.
Dès lors, à côté d’une politique exclusivement dédiée à l’enfant, il faut également une politique familiale qui assure le socle nécessaire à l’épanouissement de l’enfant.

- Ne pas confondre inégalité et injustice ainsi que l’égalité des chances avec l’égalité de résultat.
Ce n’est pas l’inégalité sociale le problème principal mais bien l’injustice sociale.
Ainsi, s’il est important que chaque individu soit égal à un autre, qu’il naisse égal et que la méritocratie lui permette de se faire la place qu’il mérite dans la société tout en lui permettant de vivre ses différences, c’est bien le juste que la société doit permettre et non l’égal.
La justice est bien plus importante socialement parlant que l’égalité qui demeure prégnante en matière politique.
C’est l’ordre juste et non l’égalitarisme qui est important, tout autant par une vision humaniste qu’utilitarisme, c’est-à-dire d’efficacité de la société dans ce qu’elle doit permettre, la réalisation du maximum des potentialités de chacun afin que non seulement celui lui permette de vivre sa vie harmonieusement mais que sa réussite personnelle permette à la société d’être plus équilibrée et plus harmonieuse.
En revanche, l’égalité de condition est la base à une justice sociale qui n’est pas synonyme d’égalité sociale.
Car la justice est de donner à chacun selon son mérite.
Par exemple, il est juste que celui qui veut travailler ait un revenu supérieur à celui qui ne veut pas travailler.
C’est une simple question d’équité.
En revanche, celui qui peut travailler ne peut pas se prévaloir de cette aptitude pour refuser à celui qui ne peut pas travailler d’obtenir une aide de la société.
Mais, dans l’un ou l’autre cas, c’est de justice sociale qu’il s’agit et non d’égalité sociale.
Tout cela découle de l’absence d’égalité naturelle qui est la conséquence de l’a-justice du monde.
Une a-justice qui, si elle induit des inégalités naturelles dommageables, est à la base de notre différence qui fonde notre bien le plus précieux, notre individualité, le fait que nous sommes, chacun de nous, uniques.
De même, si la société doit assurer l’égalité des chances, elle ne peut être comptable de l’inégalité des résultats.

- Actuellement, dans les démocraties républicaines, les sociétés montrent leur incapacité à être juste en donnant un revenu décent à tout le monde et à récompenser mieux la méritocratie et moins le capital.
Pour autant, quelle importance s’il y a des richissimes et de fortes inégalités de revenus s’il n’y a plus de pauvres et moins d’injustices sociales qui ne se conçoivent pas comme des inégalités.
Ensuite, le problème de l’inégalité se pose mais seulement après.
D’ailleurs, les Français ne sont pas contre l’inégalité mais contre l’injustice

- L’injustice sociale, c’est l’inégalité de condition et des chances à la naissance mais ce n’est pas l’inégalité sociale qui, elle, est, si les deux premières n’existent pas, la résultante de la méritocratie par rapport au travail que l’on a fourni grâce à cette inégalité naturelle qui est la condition même de notre différence, base de notre individualité irréductible.
De ce point de vue, on peut opposer injustice et inégalité dans le domaine social sachant qu’il faut lutter contre les injustices sociales mais qu’il faut encourager l’inégalité sociale issue de la méritocratie et de l’unicité de chaque individualité.

- L’ordre juste qui qualifie l’injustice sociale est celui qui permet à tous d’avoir les mêmes chances au départ et qui permet aussi à chacun de pouvoir réussir par rapport à ses mérites et à tous de pouvoir vivre dans leurs différences.

- Le Centrisme s’il rejette l’égalitarisme de la Gauche radicale, rejette également cette idée défendue par la Droite radicale selon laquelle c’est en donnant aux plus riches (grâce aux mécanismes de l’impôt) que la croissance économique sera boostée ce qui permettra à toute la société d’en profiter avec la création de richesses et d’emplois dans une sorte de redistribution a posteriori.
Cette thèse encore professée aujourd’hui a été totalement contredite par la réalité avec, ces dernières décennies, une augmentation indécente de la fortune des plus riches et un appauvrissement du reste de la population, des classes défavorisées aux classes moyennes.
Ainsi, en même temps qu’il veut donner l’égalité et permettre aux énergies de se libérer, le Centrisme veut également dans le même temps de faire en sorte d’instituer une solidarité dans la communauté et non que celle-ci ne tombe du ciel, voire du bon vouloir des plus riches.

- Pour que l’égalité d’opportunité existe vraiment, faut-il qu’il y ait un continuel réajustement des conditions et doit-on mettre en place un revenu universel?
En ce qui concerne le premier point qui est défendu par le philosophe américain John Rawls, il est évident que les individus ne sont pas égaux socialement à la naissance et que leur attribuer les mêmes droits à la réussite est une mission de la société.
Pour autant, on voit bien que l’existence de ces droits sociaux plus ou moins automatiques, pus ou moins personnalisés, peut conduire à une dérive qui s’est déjà manifestée par le passé.
Néanmoins, tout autant que par justice que par efficacité sociale et économique, permettre à tous de réaliser leurs potentialités permet sans aucun doute à une communauté de vivre mieux et en meilleure sécurité.
Reste à trouver cette alchimie si difficile à constituer qui ferait que ce réajustement des conditions sociales et la dynamique économique fonctionnent ensemble pour le bien de tous.
En ce qui concerne le second point, le revenu universel, c’est-à-dire une allocation versée à tous les citoyens, il est défendu par des penseurs autant de droite que de gauche.
Devant le chômage de masse que connaissent nos sociétés postindustrielles et la montée en puissance de la robotisation dans les entreprises, il semble que les traditionnels emplois rémunérés sont de plus en plus en voie de disparition.
Dès lors, sur cette richesse à disposition et par rapport à la difficulté de fournir un emploi à tout le monde, donner un revenu de base permettrait à chacun de se prendre en charge et de développer des projets professionnels qui seraient bénéfiques à toute la société.
On est ici en plein dans l’égalité des opportunités.
Sans oublier que ce pouvoir d’achat nouveau doperait la consommation et donc la croissance.
De même, les diverses allocations qui sont versées aujourd’hui seraient supprimées pour la grande majorité, ce qui fait que ce revenu ne coûterait pas aussi cher qu’on le pense et pourrait rapporter gros.
Les modèles développés semblent montrer l’intérêt d’un tel revenu mais si cette idée devait être mise en pratique, il faudrait sans aucun doute des expérimentations et un large débat dans la société.

Etude du CREC sous la direction d’Alexandre Vatimbella

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