mercredi 5 décembre 2018

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Faillite de Macron ou de la société française?

75.000 manifestants (juste un peu plus de 0,1% de la population), quelques milliers de casseurs extrêmement violents (voyous, militants de groupuscules extrémistes, sympathisants de Le Pen et Mélenchon), une campagne de presse indécente contre le pouvoir en place, des politiciens irresponsables prêts à jouer la carte du désordre pour booster leur carrière, quelques mauvais sondages et des Français «solidaires» de revendications réclamant le beurre et l’argent du beurre, ont fait reculer Emmanuel Macron.
Mais est-ce une capitulation de sa part ou ce que l’on vent de décrire n’est-il pas plutôt la preuve de la faillite de la société française?
En réalité, la situation actuelle se caractérise plutôt comme une possible mais pas encore inéluctable défaite du pari macronien sur la rénovation et la dynamisation d’une société française proche de la déconfiture.
A l’évidence, on est dans une trajectoire perdant-perdant.
Le Président de la république n’a jamais caché que son programme était une réponse pour contrer la montée qui semble inexorable des populismes et des extrémismes dans des sociétés démocratiques occidentales bloquées pour toute une série de raisons avec, au bout de ce processus, la décomposition de l’ordre démocratique et le déclassement économique et social.
Il n’a jamais été dupe des chiffres: ses 66% de voix au second tour de la présidentielle venaient après un premier tour où les candidats populistes et extrémistes, la plupart remettant en cause la démocratie républicaine libérale, avaient obtenu 49,64% des voix.
Cependant, le seule manière de repousser les forces qui se sont installées aux Etats-Unis, en Italie, en Autriche, en Hongrie ou en Grèce, était de mettre en place des réformes profondes au plus vite, d’espérer qu’elles donnent des résultats rapides et qu’elles permettent de rééquilibrer une société largement fracturée, divisée, victime de nombreuses inégalités et doutant d’elle-même.
Sa «révolution» «progressiste» et son «en même temps» ne sont pas autre chose que de réconcilier les Français avec la démocratie républicaine libérale et de faire de la France un pays prêt à affronter ce XXI° siècle qui s’annonce très dur pour les plus faibles et les plus pusillanimes, ceux qui n’auront pas choisi de se moderniser quand il en est encore temps.
Or, c’est bien l’impossibilité de faire en un temps court (qui est la norme aujourd’hui de peuples qui veulent tout, tout de suite) ce qui ne peut être réalisé généralement qu’en un temps long qui est bien au cœur de la défaite actuelle de son pari qui, ne l’oublions pas, devait donner ses pleins résultats en une décennie et qui, lors de son premier quinquennat, se décomposait en deux phases, une mise à niveau économique pendant un peu plus de deux ans puis, ensuite, une rénovation du système de protection sociale, dans ce fameux juste équilibre centriste.
Cette impossibilité n’est pas une faute d’Emmanuel Macron, ce n’est même pas une erreur d’appréciation, c’est bien la perte d’un pari que certains estimaient utopique face à l’impatience de la population.
Pour autant, quelles sont les vraies alternatives face aux menaces qui sont à nos portes et ont déjà pénétré dans nombre de pays, face au déclassement du pays qui aura des conséquences négatives sans communes mesures avec ce que vivent les Français aujourd’hui (qui, comme leurs coreligionnaires des autres pays développés, ont oublié qu’ils sont très majoritairement des privilégiés)?
Aucune.
Faut-il rappeler que c’est parce que les Grecs ont refusé pendant des années de voir la réalité en face avec une classe politique complice qui ne se maintenait au pouvoir que par un clientélisme éhonté et en grugeant l’Union européenne comme une vulgaire mafia que le pays s’est retrouvé au fond du trou.
Faut-il rappeler que la crise espagnole est venue des mêmes comportements, de même que la crise larvée qui frappe l’Italie depuis des décennies et qui risque de s’approfondir avec la venue au pouvoir des populistes et des admirateurs du fascisme.
Faut-il rappeler que le monde n’attendra pas la France si elle ne fait pas les efforts nécessaires et qu’il ne lui fera aucun cadeau si elle se trouve en difficulté.
Faut-il rappeler, enfin, que les réformes engagées ont pour but de faire enfin sortir la France d’un déclin sans celles-ci inéluctable et de permettre à ses citoyens, après les efforts indispensables et obligatoires, de retrouver l’espoir en un avenir meilleur (qui passera nécessairement par du «mieux» et pas toujours du «plus»).
Alors, sans doute, la société française, engoncée dans ses blocages, son clientélisme, le mensonge d’une partie de sa classe politique et incapable d’une lucidité salvatrice, est en faillite.
Et la possible défaite finale du pari d’Emmanuel Macron, qui n’est pour l’instant que circonstanciel mais qui s’annonce avec les reculs annoncés (ce qui démontre qu'il n'a peut-être pas les reins assez solides face pour son ambitieux dessein), en sera une nouvelle preuve mais aussi le début de temps encore plus difficiles et, peut-être, de désolation.
Une défaite qui ne se matérialisera évidemment pas dans le départ du Président de la république, n’en déplaise aux fantasmes indécents des ennemis de la démocratie et aux politiciens en déshérence, mais par une gestion du déclin du pays, comme le firent ses prédécesseurs.
Et les Français qui soutiennent majoritairement des revendications irréalisables (comme celles portées par les gilets jaunes), comme, par exemple, payer moins d’impôt tout en ayant plus de protection et d’aide de la part de l’Etat ou lutter contre le réchauffement climatique sans aucun sacrifice à faire, n’auront qu’à s’en prendre à eux-mêmes.
Gageons que, même là, ils trouveront les boucs émissaires de leur propre irresponsabilité…