Par Jean-François Borrou et Nicolas Levé
Jouer contre son camp pour ses ambitions personnelles n’a jamais été très glorieux
Mais, en plus, ça ne rapporte pas toujours.
Même Nicolas Sarkozy qui a «tué le père» Jacques Chirac n’a pas osé demander son départ de l’Elysée.
Pourtant c’est ce que fait Edouard Philippe à propos d’Emmanuel Macron.
De plus, il menace, par le vote de ses partisans à l’Assemblée, de faire tomber le gouvernement Lecornu en ne votant pas les budgets de l’Etat et de la Sécurité sociale.
Ce qui créerait évidemment une crise politique avec une éventuelle dissolution de l’Assemblée et, espère-t-il, une démission d’Emmanuel Macron même si ce dernier a annoncé qu’il resterait en poste jusqu’à la fin de son mandat.
Que son parti, Horizons, le fasse ou non, on peut dire que, quoi qu’il arrive, il a déjà franchi la ligne rouge.
Le but de ce position politicien: son ambition présidentielle.
Sa radicalisation anti-Macron – au-delà de l’inimitié qu’il lui porte depuis son départ de Matignon – vient d’une stratégie de droitisation pour récupérer l’électorat LR, voire celui de l’UDR de Ciotti, actuellement allié avec le RN de Le Pen, tout en estimant que l’électorat du camp présidentiel lui est déjà acquis en partie au premier tour et en totalité au second.
Une analyse sans doute portée par les sondages mais qui ne prend guère en compte deux éléments.
Le premier est que l’électorat centriste, en particulier celui de centre-gauche ne partage pas nombre de ses prises de position droitière et ses clins d’œil à la droite radicale.
Des électeurs qui pourraient lui faire défaut au premier tour en se reportant sur un candidat centriste ou même socialiste, ce qui enlèverait les voix nécessaires pour être présent au second tour.
Le deuxième est que cet électorat centriste et plus particulièrement celui qui est fidèle à Emmanuel Macron, ne pourrait voter pour celui qu’il considère déjà comme un traitre.
Ce pourrait être toujours ces voix qui lui feront défaut pour être au second tour.
Ce qu’Edouard Philippe espère c’est qu’il parviendra tout de même à être en finale face à un candidat d’extrême-droite et que la peur de la victoire de Bardella ou de Le Pen ramèneront à lui tous ces électeurs et qu’une sorte de front républicain pourra encore exister alors.
Sans doute qu’alors les centristes et les macronistes iront mettre un bulletin à son nom dans l’urne afin d’éviter la catastrophe.
Mais beaucoup le feront certainement à contre-cœur.
Sans oublier que s’il est élu, des législatives suivront et, là, les voix centristes ne seront sans doute pas au rendez-vous.
Mais, la stratégie d’Edouard Philippe sera alors de s’appuyer sur une alliance des droites pour avoir une majorité au Palais Bourbon et les centristes en seront pour leur frais…
[Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées
centristes.
Nicolas Levé est directeur des études du CREC]