lundi 17 octobre 2011

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Le Centre peut-il gouverner avec la Gauche?


François Hollande, le désormais candidat élu du Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2012, a déclaré vouloir opérer le rassemblement le plus large possible, allant du Centre à l’extrême-gauche afin de gagner et de gouverner.
Celui qui est présenté (et qui se présente entre les lignes) comme un homme modéré de gauche a-t-il une chance de parvenir à obtenir le soutien des centristes?
Ici, il y a plusieurs points à éclaircir.
D’abord, dans l’esprit de François Hollande, aujourd’hui, il faut convaincre les électeurs centristes de voter pour lui et non, pour l’instant, d’avoir le soutien des partis politiques centristes. Bien entendu, tous les ralliements seront les bienvenus mais ils ne sont pas encore souhaités. Il s’agit donc d’un appel du pied au peuple centriste à ce stade de la campagne.
Ensuite, le Centre et la Gauche peuvent-ils gouverner ensemble dans l’absolu? Rien ne va à l’encontre de cette alliance. En France, pendant très longtemps, le Centre et la Gauche ont noué des alliances électorales et de gouvernement. Dans de nombreux pays, à travers le monde, le Centre gouverne avec la Gauche. L’alliance électorale entre Droite et Centre qui est la norme en France date d’un peu moins de quarante ans et ne constitue pas une donnée intangible. Sans oublier que des ralliements de centristes ont eu lieu lorsque la Gauche a occupé le pouvoir, notamment lors du début du deuxième septennat de François Mitterrand, lors du passage de Michel Rocard à Matignon dans un gouvernement qui était largement au centre-gauche.
Mais le plus important est de savoir si une alliance entre le Centre et la Gauche est possible au vu des programmes, des projets et des positionnements de chacun.
Depuis que le Parti socialiste, à l’instigation de François Mitterrand, a décidé de privilégier l’alliance avec le Parti communiste, le Centre a été rejeté vers des alliances avec la Droite (même si des ralliements à droite avaient eu lieu du temps de George Pompidou avant la signature du Programme commun de la Gauche).
Cependant, le Centre partage avec la Gauche certaines valeurs même si chacun les interprète quelque peu différemment. Que ce soit dans la solidarité ou dans la tolérance, elle est souvent plus proche de la Gauche que de la Droite, même si le Centre refuse l’assistanat et est circonspect devant certains aspects de «libéralisme culturel», ce qui n’est pas le cas d’une partie du Parti socialiste.
Par ailleurs, le principe de réalité qui a désormais largement cours au Parti socialiste  -depuis la rigueur de 1983, lorsque François Mitterrand comprit, une bonne fois pour toute, que l’on ne gouverne pas avec des chimères et à l’encontre du réel-, a déplacé le positionnement de celui-ci vers la social-démocratie qui est désormais majoritaire dans ses rangs.
Un libéralisme social (Centre) a donc des points communs avec une social-démocratie (Gauche). Mais cela suffit-il à faire alliance?
En matière économique, la vision majoritairement keynesienne de la Gauche semble assez éloignée du libéralisme du Centre où les forces d’un marché régulé sont les moteurs essentiels de l’économie. Pour autant, le Centre croit dans le vrai libéralisme qui est régulé et contrôlé (ce qu’ont toujours désiré ses inventeurs) et non dans un capitalisme sauvage où tous les coups – souvent tordus comme le montre les dérapages des «marchés financiers» - sont permis par les plus puissants.
Pour autant, il se méfie de la présence de l’Etat dans l’économie au-delà de son rôle de régulateur (garantir la transparence et la concurrence) et de contrôle (empêcher les comportements délictueux).
Reste que dans le contexte actuel de crise plus ou moins larvée avec une menace de récession, l’intervention de la puissance publique est acceptée par le Centre comme une nécessité conjoncturelle et au nom du pragmatisme. On le voit bien avec François Bayrou, par exemple, qui prône le retour d’une politique industrielle.
Quant à la fiscalité, le Centre la veut incitative et égalitariste quand la Gauche la souhaite encore trop souvent pénalisatrice et redistributive. Faire payer ceux qui ont plus que les autres n’est pas anormal sauf si l’on pense que le fait de s’enrichir est moralement mal et que le montant de l’imposition est injustifiée et bride l’initiative individuelle qui est encore l’élément principale de la création de richesses.
En ce qui concerne la mondialisation, un accord n’est pas à exclure sur son humanisation et sur une certaine régulation de la globalisation économique mais non sur une chimérique et dangereuse démondialisation qui semble avoir le vent en poupe à l’intérieur du Parti socialiste.
En matière sociale, le Centre a une règle d’or. On ne peut redistribuer et répartir que ce que l’on a produit. La richesse ne poussant pas sur les arbres et encore moins dans les coffres de l’Etat – comme semble le croire encore trop souvent la Gauche -, c’est bien l’activité économique qui la crée et qui permet, ensuite de la répartir équitablement et de la redistribuer dans un effort de solidarité.
Néanmoins, le Centre partage avec la Gauche ce devoir de solidarité qui est de ne laisser personne sur le bord du chemin et de permettre à chacun de pouvoir vivre dignement et d’avoir la chance de pouvoir réussir son existence.
Pour autant, le Centre n’est pas pour l’assistanat. Bien évidemment, il ne souhaite pas, à l’opposé de la Droite – tout au moins dans le discours de cette dernière -, laisser les plus démunis se débrouiller tous seuls sans pour autant créer un ghetto où ceux qui ne veulent pas s’en sortir (et non pas ceux qui ne peuvent pas s’en sortir) trouverait, ad vitam aeternam, un espace protégé.
En matière sociétale, le «libéralisme culturel» (mariage homosexuel et adoption d’enfants par des couples homosexuels; vente libre du cannabis; utilisation des cellules souches d’embryon; procréation assistée d’enfants-médicaments; «genre» contre «sexe»; communautarisme culturel et ethnique; etc.) largement défendu par la Gauche, n’est partagé, qu’en partie, par le Centre, même si celui-ci prône un devoir de tolérance. Cela dit, à l’inverse, les centristes sont allergiques à ce «retour de l’autorité» défendu par la frange la plus à droite de l’UMP.
Face à l’évolution des mœurs et aux demandes de plus en plus nombreuses venant de la l’ensemble de la collectivité ou de groupes spécifiques pour ouvrir ou fermer la société sur telle ou telle question, la base de la réflexion centriste, c’est la liberté dans la responsabilité. Liberté qui ne nuit pas à celle des autres et responsabilité qui est, à la fois, de ce que l’on fait mais aussi de faire, dans le sens où l’on donne à l’individu des responsabilités.
Des passerelles existent donc mais elles ne peuvent se concrétiser en alliance de gouvernement qu’à partir d’un projet clair et d’un consensus sur des questions-clés, notamment en matière économique avec, en particulier, la question la plus importante du moment, sur la manière de relancer la machine France et de faire baisser de manière drastique le chômage.
La campagne pour la présidentielle ouvrira peut-être des fenêtres d’opportunité afin de lancer un vrai débat entre le Centre et la Gauche. Reste que l’on voit mal, au-delà de ralliements individuels, des centristes cohabiter dans un gouvernement avec des membres du Front de gauche ou du Parti communiste et la frange la plus intolérante des écologistes.
Mais l’on ne comprend pas, non plus, comment les centristes peuvent coexister dans un gouvernement de droite où se trouvent quelques éléments plus proches d’un nationalisme de droite extrême que du Centre.
Quant à l’équilibre d’une alliance entre la Gauche et le Centre – tout comme une alliance entre le Centre et la Droite -, tout dépendra du rapport de force institué par la présidentielle et les législatives de 2012. De ce point de vue, les partis centristes doivent faire en sorte de s’entendre afin d’éviter que leurs électeurs succombent aux sirènes de la Droite et de la Gauche. Mais, ça, c’est une autre histoire…