mardi 25 mai 2010

Une semaine en Centrisme - Nicolas Sarkozy joue-t-il contre le Centre?


En ressortant de la naphtaline de nombreux centristes des placards dans lesquels il les avait lui-même enfermés, de Philippe Douste-Blazy à Jean-Pierre Raffarin, en donnant de la visibilité à d’autres, bien ancrés dans l’UMP, de Jean-Louis Borloo à Marc-Philippe Daubresse, sans oublier sa récente rencontre avec François Bayrou, quel jeu joue Nicolas Sarkozy?

Veut-il donner un espace au Centre? Veut-il s’accaparer l’espace au centre? Cherche-t-il à réunifier le Centre ou à le morceler encore plus? Pense-t-il que celui qui occupera l’espace au centre remportera la présidentielle de 2012? Comment analyser le comportement actuel du chef de l’Etat dans ce domaine?

En voulant réunir la droite extrême (Philippe de Villiers, Frédéric Nihous), la Droite et le Centre dans la majorité présidentielle mais aussi dans un parti unique, l’UMP, la réponse pourrait être sans équivoque. Nicolas Sarkozy souhaite incarner tout la Droite, de l’extrême-droite au centre-droit. Mais le Président de la république n’est pas né de la dernière pluie, non plus. Il sait que cela a toujours été impossible. Ou la Droite penche vers ses extrêmes ou elle penche vers ses modérés quand elle a besoin d’élargir son assise électorale. Et incarner, à la fois, les aspirations des électeurs de Jean-Marie Le Pen et ceux de François Bayrou semble bien utopique en l’état…

Le moins que l’on puisse dire est que la lisibilité de sa stratégie n’est pas très claire et on pourrait même dire qu’elle ne doit pas l’être pour lui, aussi! Devant les velléités de refondation du Centre, il pourrait et devrait se réjouir puisque le jeu des alliances en ferait le principal bénéficiaire dans le cas où il se retrouverait au second tour de la présidentielle de 2012 face à un candidat de gauche. Cependant, cette hypothèse ne prend pas en compte sa cote de popularité si basse en ce moment qu’il craint d’être débordé sur sa droite mais aussi sur sa gauche et ouvrir la voie à un possible candidat outsider venant de l’extrême-droite comme en 2002 ou du Centre comme en 1974.

Du coup, sa volonté d’incarner toute la Droite a une justification: ne pas laisser d’espace à droite et à gauche de sa majorité pour éviter d’être mangé de tous les côtés même si cela risque d’assécher de possibles réservoirs de voix. D’autant que la résurgence récente du Front national montre que sa stratégie est loin de tomber sous le sens. Sans parler du Centre qui présentera, quoiqu’il arrive, au moins un candidat en 2012 et qui ne peut, majoritairement se résoudre à être absorbé par une Droite nationaliste et si peu sociale alors que les centristes se battent pour plus d’Europe et plus de social dans une société équilibrée et ouverte.

Pour l’instant, la bataille médiatique fait rage entre un président qui veut contrôler le Centre et un Centre qui veut regagner sa crédibilité. Et à ce jeu là, c’est Nicolas Sarkozy qui a pris une longueur d’avance en réussissant à poser les termes du débat actuel, le Centre comme réservoir de voix pour la Droite en vue de la présidentielle. On espérait que certains médias sérieux et indépendants ne tomberaient pas dans cette vision restrictive de ce qu’est le Centre. Cela n’a guère été le cas, malheureusement.

Mais il reste du temps aux centristes pour faire accepter les vrais termes du débat qui sont ceux de la pensée centriste qui ne se dissout ni dans celle de droite, ni dans celle de gauche et de l’intérêt pour la France d’un programme de gouvernement centriste. La première victoire de la refondation centriste sera leur capacité à se montrer crédible aux yeux des Français sur ces deux points cruciaux.

Alexandre Vatimbella

Directeur du CREC

Jean-Louis Pommery

Directeur des études du CREC

Actualités du Centre – France – Gilles de Robien plaide pour un Centre accolé à la Droite


Dans une tribune libre dans le quotidien Le Monde, Gilles de Robien revient sur la refondation du Centre. Pour l’ancien ministre de Jacques Chirac et président de l’association Société en Mouvement, celle-ci passe par la définition d’un programme et de valeurs et non par la désignation d’un candidat à l’élection présidentielle. De même, il estime que la place du Centre est aux côtés de l’UMP. Extraits.

«Pourquoi la France (...) n'offre-t-elle pas aux citoyens qui sont opposés à une gauche toujours enkystée dans une idéologie conservatrice un choix diversifié ? L'offre politique actuelle ne donne pas le choix.

Les élections démontrent l'intérêt et les limites du parti unique. L'ouverture n'est pas vraiment passée par le centre. 50 Français sur 100 renoncent à voter. Beaucoup de ceux qui votent choisissent par défaut ou votent blanc, "faute de mieux". Beaucoup de ceux qui votent renforcent l'opposition, faute de centre. Quel gâchis démocratique! Un gâchis qui renforce les extrêmes en décourageant les modérés et en affaiblissant la majorité.

La question du pluralisme se pose. Jusqu'à quand les orphelins esseulés du centre attendront-ils une offre politique sérieuse et organisée, à la place de l'émiettement actuel? (…) Ce vide va encore s'agrandir par le virage à droite d'une majorité inquiète - à juste titre - des poussées extrémistes qu'elle veut combattre comme elle l'a déjà fait avec efficacité en 2007.

Mais la sociologie politique française est ainsi faite que si l'offre se déplace, elle ne s'élargit pas. Il faut donc un centre fort, porteur d'un projet fort défendant justice, équité, progrès social, rétablissement du lien social dans une société "déprimée" comme l'a décrite le médiateur de la République. Il faut renforcer la majorité. La dimension humaniste devrait mieux pénétrer le débat politique. (…)

Le rassemblement des orphelins de l'UDF avec d'autres esseulés, découragés, voire révoltés, ne se fera pas autour d'un homme ou d'une femme "miracle", porteur d'un projet "clés en main". Les centristes du XXIe siècle ont à imaginer la société dans laquelle ils veulent vivre en 2020 ou en 2030, une société plus humaine, plus démocratique, plus responsable. Répondre à cette question est un enjeu complexe et plus utile à la France que de savoir s'il faut porter les couleurs du centre et par qui... en 2012 ou en 2017. L'important, ce sont les valeurs.

La priorité est de faire mouvement ensemble pour nourrir un projet. Voilà l'enjeu et le défi : faire mouvement ensemble, bâtissons sans tarder, centristes d'ici ou d'ailleurs, citoyens sans étiquette mais attachés aux valeurs humanistes, une plate-forme de travail commune. (…)»