dimanche 16 décembre 2018

Une semaine en Centrisme. Opposition frontale à Macron et liste aux européennes, l’UDI choisit le quitte ou double

Jean-Christophe Lagarde
Le courage en politique, ce n’est pas de hurler avec les loups mais de dire ce que l’on est et ce que l’on pense et de demeurer fidèle à ses convictions.
Au moment où Jean-Christophe Lagarde choisit de radicaliser son discours anti-Macron jusqu’à devenir un de ses principaux contempteurs en espérant profiter du mouvement des Gilets jaunes pour obtenir des tribunes dans l’ensemble des médias, la chaîne LCP repassait un entretien de 1977 entre Anne Sinclair et Pierre Mendès-France dans lequel ce dernier, avec une grande dignité, rappelait l’importance des convictions et de les porter, non pas au grès de la brise de l’opportunisme comme une vulgaire girouette, mais fermement quels que soient les bourrasques des vents mauvais.

Bien entendu, Lagarde n’est pas Mendès-France et il ne sera jamais mais on aurait attendu un autre comportement d’un centriste.

Car, quand il a annoncé, comme prévu devant ses maigres troupes présentes, que le parti qu’il dirige, l’UDI, aurait sa propre liste aux prochaines élections européennes lors du «congrès extraordinaire» du 15 décembre à Issy-les-Moulineaux, il s’en est pris avec une rare violence à Emmanuel Macron et à sa politique, reprenant tous les clichés contre celui-ci, tel le «président des riches».

On peut en rigoler, se rappelant que l’UDI, parti du «Centre et de la droite de progrès» selon sa nouvelle dénomination décidée il y a un an, n’est a priori par l’ennemi de ces mêmes «riches», tout comme on peut le faire en entendant son président vouloir défendre ses idées européennes dans une liste «ouverte» donc où se retrouveront d’autres personnes (qui faut trouver!) alors même que c’est au nom de la «pureté» d’une présence autonome aux européennes qu’il a décidé de ne pas faire alliance avec la liste de l’axe central qui prend forme et qui sera alliée avec la formation européenne centriste et libérale dont l’UDI est membre!

Mais on peut se désoler de voir resurgir les vieux démons de Lagarde qui, prit dans une sorte d’emballement, délivre des discours avec des propos d’une agressivité radicale qu’un leader d’un parti extrémiste ne renierait pas avec toutes les contradictions qu’il est capable d’exprimer pour parvenir à ses fins.

Pour autant, on doit comprendre les vraies raisons que cette liste indépendante qui n’est même pas sûre de faire 3% (score dont elle est créditée dans les sondages actuels qui correspond grosso modo au pourcentage de sondés qui se disent proches de l’UDI dans d’autres études d’opinion mais aussi au seuil de remboursement des frais de campagne) et, surtout, 5% afin d’envoyer au moins un député européen au Parlement européen.

Ces raisons de subdivisent entre les raisons personnelles de Lagarde et celles du parti.

Concernant ce dernier, il n’a jamais réussi depuis sa création en 2012 par Jean-Louis Borloo à être autre chose qu’un parti d’appoint, sans réelle existence autre qu’électorale et n’a guère imprimé dans l’esprit des Français par ses prises de position et son projet politique.

De même, il est assez étonnant de constater que depuis sa création voici six ans, il ne s’est jamais présenté de manière autonome à aucune élection et, notamment, à la plus importante d’entre elle dans notre V° République, celle qui donne une visibilité politico-médiatique sans pareille, la présidentielle.

Et, depuis le départ de Borloo, l’UDI est une sorte de bateau ivre qui change de ligne politique sans cesse et avec un gouvernail cassé qui le fait dériver sans cesse, tiraillée qu’elle est par les ambitions opposées et les haines tenaces de et entre ses leaders (on se rappelle des affrontements verbaux entre Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin jusqu’au départ de ce dernier pour aller fonder Les centristes et se rapprocher inexorablement de la droite aux relents radicaux de Laurent Wauquiez).

Dès lors, la formation centriste doit absolument exister dans une campagne électorale de manière autonome si elle ne veut pas tomber définitivement dans un anonymat mortifère qui signerait, à terme, sa disparition.

Car, depuis 2012, elle n’a pas réussi à être autre chose qu’une sorte de cartel électoral et pour ses députés, un lieu pour avoir un groupe à l’Assemblée nationale ce qui permet une exposition politico-médiatique primordiale (au Sénat, les élus UDI ne sont pas assez nombreux pour avoir un groupe et doivent s’allier avec les autres partis centristes, les alliés de Macron…).

Depuis les législatives de 2017, elle a perdu plusieurs députés, notamment partis fonder le groupe Libertés et Territoires, dirigé par son ancien président de groupe, Philippe Vigier.

Et son positionnement illisible de «soutien critique» vis-à-vis du chef de l’Etat et du Gouvernement (toujours cette volonté du beurre et de l’argent du beurre) n’a pas eu les effets escomptés par ses promoteurs, Lagarde et sa garde rapprochée.

Ainsi, ni dans les sondages, ni dans une reconnaissance politique, cette stratégie n’a donné le moindre résultat positif, bien au contraire.

Pour comprendre le désarroi dans lequel se trouve l’UDI aujourd’hui il convient seulement de rappeler que, lors du dernier remaniement ministériel, elle n’a même pas été consultée pour faire partie du Gouvernement mais que le parti auquel elle est alliée à l’Assemblée nationale, Agie, a vu son dirigeant, Franck Riester devenir ministre de la Culture.

Ce qui a permis aux dirigeants de l’UDI de se plaindre de n’être pas dans un gouvernement qu’ils n’ont cessé de critiquer et dont ils ont voté contre son budget pour 2019!

Etre dedans et dehors, c’est ce que voudrait l’UDI.

Mais, au-delà de la supercherie politique d’une telle posture, seul un grand parti avec nombre d’élus et une base solide peut y parvenir comme le RPR de Jacques Chirac lors du septennat de Valéry Giscard d’Estaing.

L’UDI en est très loin…

On comprend donc que les élections européennes, scrutin sans grand danger a priori pour l’image, la cohésion et le devenir d’une formation politique, ait été choisie par ses dirigeants et surtout son président pour y aller seule.

Une sorte de courage politique ad minima!

Pour ce qui est de Jean-Christophe Lagarde, dont la grande ambition toujours contrariée jusqu’à présent, il s’agit de s’imposer coûte que coûte sur la scène nationale au-delà du second couteau qu’il est actuellement, invité sur les plateaux de télévision par défaut ou quand il a vraiment un discours d’agressivité absolue contre l’exécutif.

D’autant plus qu’il ne parvient toujours pas à acquérir cette stature nationale qu’il recherche désespérément parce que, entre autres, ses comportements et ses propos sont trop incohérents et contradictoires.

Il aurait pu tenter de le faire lors de la présidentielle de 2017, mais il n’a pas eu le courage d’aller au combat pour défendre ses idées, ayant peur de se retrouver avec 1% des intentions de vote comme ce fut le cas d’Hervé Morin lors de sa candidature en 2012 (qu’il retira avant le scrutin) sans même être sûr d’obtenir les signatures d’élus pour pouvoir se présenter.

Mais cette absence de courage était aussi un reniement de sa parole envers les militants qui l’avaient porté au pouvoir puisque lors de sa campagne pour devenir président du parti (face à Morin), il avait promis que l’UDI aurait un candidat en 2017.

Un revirement que les sympathisants de la formation centriste n’ont pas compris.

On le voit, que ce soit l’UDI ou Lagarde, cette élection européenne doit leur permettre d’exister et, surtout, de ne pas disparaitre à terme.

Pour autant, il s’agit quand même d’un quitte ou double.

Si l’UDI, dont la tête de liste sera son président, ne parvient pas aux 5% ou même aux 3%, la claque sera grande (mais prévisible).

Comment un parti qui aura montré sa faiblesse au grand jour et dont les frais de campagne ne seront  peut-être même pas remboursés pourra rebondir, telle sera la question de ses membres face au vide vertigineux qui sera alors devant eux.

A contrario si elle parvient à ses fins avec un score de 7% ou 8%, rien ne sera réellement gagné même si ce sera malgré tout une opportunité pour exister.

Un dernier mot pour dire qu’une seule certitude existe concernant l’UDI, son engagement pro-européen que l’on ne peut remettre en cause.

Mais on peut regretter que celui-ci soit instrumentalisé dans un jeu politicien qui ne sert, ni la cause de l’Europe, ni celle du Centre.



Alexandre Vatimbella

Directeur du CREC

Jean-Louis Pommery

Directeur des études du CREC