dimanche 22 décembre 2013

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Il y a 150 ans, Lincoln honore la démocratie

Voilà un anniversaire qui est passé presque inaperçu, même aux Etats-Unis, celui du fameux discours d’Abraham Lincoln à Gettysburg, le 19 novembre 1863, en mémoire aux soldats morts lors de cette bataille particulièrement sanglante qui se déroula entre les 1er et 3 juillet de la même année et fut un tournant dans la Guerre de Sécession, décidant largement de la victoire du Nord contre le Sud confédéré, même si le conflit fratricide dura encore deux longues années.
Ce discours n’a pas à voir directement avec l’émancipation des Afro-Américains et avec l’abolition de l’esclavage mais parle de la démocratie, ce gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple et d’une nation d’hommes libres qui comprenait déjà dans l’esprit de Lincoln tous les habitants des Etats-Unis (puisque le discours d’émancipation des esclaves est antérieur, datant de septembre de la même année).
Ce discours est d’autant plus essentiel qu’en ce milieu de XIX° siècle, les Etats-Unis sont le seul pays au monde à avoir un vrai système démocratique (à quelques iotas près évidemment).
Et, Abraham Lincoln qui fut connu pour être un tribun hors pair, dédie la victoire des troupes de l’Union à la sauvegarde et à l’approfondissement de cette démocratie en quelques mots d’une extraordinaire puissance que voici.
«Il y a huit décennies et sept ans, nos pères donnèrent naissance sur ce continent à une nouvelle nation conçue dans la liberté et vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux.
«Nous sommes maintenant engagés dans une grande guerre civile, épreuve qui vérifiera si cette nation, ou toute autre nation ainsi conçue et vouée au même idéal, peut résister au temps. Nous sommes réunis sur un grand champ de bataille de cette guerre. Nous vînmes consacrer une part de cette terre qui deviendra le dernier champ de repos de tous ceux qui moururent pour que vive notre pays. Il est à la fois juste et digne de le faire.
«Mais, dans un sens plus large, nous ne pouvons dédier, nous ne pouvons consacrer, nous ne pouvons sanctifier ce sol. Les braves, vivants et morts, qui se battirent ici le consacrèrent bien au-delà de notre faible pouvoir de magnifier ou de minimiser. Le monde ne sera guère attentif à nos paroles, il ne s'en souviendra pas longtemps, mais il ne pourra jamais oublier ce que les hommes firent. C'est à nous les vivants de nous vouer à l'œuvre inachevée que d'autres ont si noblement entreprise. C'est à nous de nous consacrer plus encore à la cause pour laquelle ils offrirent le suprême sacrifice; c'est à nous de faire en sorte que ces morts ne soient pas morts en vain; à nous de vouloir qu'avec l'aide de Dieu notre pays renaisse dans la liberté; à nous de décider que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, ne disparaîtra jamais de la surface de la terre.»
Il n’est pas inutile de se rappeler lors d’anniversaires mémoriels de cette sorte que la démocratie libérale représentative défendue par le Centre et le Centrisme n’est pas une donnée intangible dans un monde où ses adversaires n’ont jamais désarmé et ne désarmeront jamais.
S’il s’agit du meilleur système (ou du moins mauvais…), il n’est pas «naturel» comme nous l’ont dit et redit tous les penseurs libéraux du XVIII° siècle à nos jours, nous enjoignant de nous battre pour le conserver.
Au moment où certains à la mémoire courte dans les démocraties penchent vers des extrêmes qui ont toujours abhorré cette démocratie libérale, ressourçons-nous dans tous les combats qui nous permettent aujourd’hui d’être des citoyens libres et égaux afin de faire en sorte que nos enfants et leurs enfants seront également de cette communauté de privilégiés que l’on espère voir un jour être composée de tous les habitants de cette planète.
Et il n'est pas anodin de penser que le discours de Gettysburg fut prononcé par un président américain considéré comme un centriste.