mercredi 5 juillet 2017

Actualités du Centre. Pour 54% des Français, c’est le Centre qui est au pouvoir

Selon un sondage Elabe pour BFMTV, 54% des Français estiment que l’exécutif (Président de la république et son gouvernement) est au Centre.
Voilà qui est une formidable victoire pour le Centre et le Centrisme alors que celui-ci était au plus mal électoralement parlant voici moins d’un an.

Mais cela confirme les sondages qui montraient que les Français étaient majoritaires à se positionner sur un axe central (humanisme progressiste de droite, de gauche et du Centre) et qu’ils souhaitaient des mesures et une gouvernance centristes.

Cette opinion est majoritaire au Centre (78%), à droite (57%) et chez ceux qui déclarent ne pas avoir de préférence partisanes (53%) mais pas à gauche (43% contre 47% qui estime qu’il est à droite)

Une opinion majoritaire chez les sympathisants de tous les partis politiques sauf… ceux de la gauche radicale et l’extrême-gauche.

Ainsi, c’est le cas pour les sympathisants LREM (78%), MoDem (79%), LR (55%), PS (50%) alors qu’ils ne sont que 39% à le penser à la gauche de la Gauche.

70% des électeurs d’Emmanuel Macron du premier tour l’estiment (65% de ceux du second tour), ce qui prouve bien que les Français ont choisi en toute connaissance de cause un président centriste.

Quant au parti qui incarne le mieux l’opposition à cet exécutif, 39%, le pourcentage le plus nombreux, affirme qu’il n’y a en aucun en particulier.

Pour information, 2% des sondés citent l’UDI!

Par ailleurs à la question, «Pour chacun des domaines suivants, diriez-vous que l'orientation politique et les actions annoncées par Emmanuel Macron et Edouard Philippe vont dans la bonne direction?», 63% des sondés répondent par l’affirmative pour l'école et l'éducation, 59% pour l’environnement et le développement durable, 56% pour la réforme des institutions, 54% pour la lutte contre le terrorisme, 54% pour la santé, 49% pour la maitrise des dépenses publiques, 47% pour la protection sociale, 46% pour l'économie et l'emploi, 37% pour l'immigration, 35% pour l’évolution de la fiscalité (impôts et taxes).



(Sondage Elabe réalisé par internet les 4 et 5 juillet 2017 auprès d’un échantillon de 925 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus / Méthode des quotas / Marge d’erreur de 3 points)




Actualités du Centre. La centriste Simone Veil au Panthéon

Simone Veil
Depuis son décès, Simone Veil appartient à la communauté nationale et c’est bien ainsi pour celle qui était, rappelons-le, la personnalité politique préférée des Français (et la seule à apparaître dans les premières places des classements des sondages tous milieux confondus).
Reste qu’elle n’a pas été, durant sa vie et ses combats multiples, neutre, bien au contraire.
Elle s’est toujours battue pour une société humaniste, pour un monde responsable et s’est toujours inscrite dans le mouvement centriste.
Tenter de la diluer dans toutes les idéologies partisanes comme le font actuellement les différents partis politiques et les commentateurs, c’est lui enlever le cœur même de ce qu’elle était et de ce pourquoi elle luttait.
Quoi qu’il en soit, la décision d’Emmanuel Macron de la faire entrer au Panthéon qui réunit un grand nombre des plus grandes personnalités de la France, est à saluer.
Voici le discours prononcé par le Président de la république lors de l’hommage national à Simone Veil aux Invalides à Paris:
Au moment de rendre à Simone Veil l’hommage de la nation, après les témoignages si puissants et poignants de ses deux fils, suspendons un instant le fil obligé des discours officiels et contemplons cette vie car elle ne cesse décidément de nous étonner.
Jamais nous n’en pourrons mesurer les souffrances si profondes, si violentes, de celles qui brisent une âme – qu’il s’agisse de la noire expérience des camps de la mort où moururent sa mère bien-aimée Yvonne, son père André, son frère Jean; plus tard du décès accidentel de sa sœur Madeleine, compagne de déportation, et de son neveu Luc: de la mort trop précoce de son fils Claude-Nicolas; enfin de la disparition d’Antoine, si présent aujourd'hui dans nos pensées, dans notre cœur, Antoine l’indispensable, Antoine toujours bouillonnant d’idées et d’histoires, si gai et au fond si solide.
Mais jamais non plus de cette vie nous pourrons peser exactement l’invincible ardeur, l’élan profond vers ce qui est juste et bien, et l’énergie inlassable à le faire triompher. Oui, cette vie de femme offre à notre regard des abîmes dont elle aurait dû ne pas revenir et des victoires éclatantes qu’aucune autre qu’elle n’aurait su remporter.
A ce mystère d’existence, de caractère, à ce mystère qui défie la raison commune et nous inspire tant de respect et de fascination, nous donnons en France un nom, bien ancré dans notre génie national. Ce nom c’est la grandeur. Cette grandeur est celle des combats qu’elle livra les uns après les autres, parfois les uns en même temps que les autres car ce ne furent ni plus ni moins que les combats du siècle.
Son engagement pour transférer en France sous statut de réfugiées politiques ces femmes qui subissaient dans les geôles françaises en Algérie le viol, la faim, les coups, fut d’une lucidité implacable, généreuse, qui aujourd'hui encore nous stupéfie. Sa bataille pour que cessent les conditions sordides et meurtrières dans lesquelles se déroulaient les avortements, mais aussi contre l’hypocrisie sociale qui les favorisaient fait partie pleinement de l’histoire de notre modernité.
Son combat pour l’Europe ne datait pas de son élection comme députée au Parlement européen, puis comme première présidente de celui-ci. Il remontait plus loin, dans l’intimité même de son existence. Il datait de 1945. Les plaies de la déportation n’étaient pas refermées mais cela ne l’empêchait pas de vouloir renouer avec l’Allemagne.
Un de ses proches m’a fait cette confidence : jamais il n’entendit Simone Veil prononcer sur l’Allemagne et les Allemands la moindre parole amère ou blessante. Elle aima l’Europe, elle la défendit toujours. Dans les moments où le pays pouvait douter, ou d’autres la critiquait, elle était là. Parce qu’elle savait qu’au cœur de ce rêve européen, il y avait avant tout ce rêve de paix et de liberté pour lequel elle s’est tant battue.
Elle ne fit pourtant pas de l’oubli et encore moins du pardon aux bourreaux la condition de cette réconciliation. Bien au contraire. Parce qu’elle tenait que la mémoire est là pour que l’inconcevable ne se reproduise pas, et non pour amoindrir l’horreur. Je vois ici, dans cette cour, tant et tant de compagnons de ses combats menés durant tant d’années alors que trop nombreux étaient ceux qui étaient prêts à ne rien dire. Comme présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah, elle observa cette ligne d’une exigence totale. Ne rien céder à l’oubli, redonner corps à toute trace, redonner des visages et des noms et réconcilier.
D’autres combats – ils sont si nombreux – nous reviennent à l’esprit comme celui pour la ratification de la déclaration universelle des droits de l’homme à la tribune des Nations Unies, celui de la protection sociale, ses combats de ministre aux côtés de Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, François Mitterrand et Edouard Balladur, celui des droits de l’homme en Yougoslavie et partout, toujours, sa lutte pour les femmes, son engagement contre le racisme, contre l’antisémitisme. Les temps, hélas, lui fournirent bien des raisons de s’engager avec force.
Mais il y a plus encore. Ces combats, elle les mena bien souvent avant que la société et les mœurs ne les aient faits leurs, avant que la majorité ne les ait adoptés. Elle eut raison bien souvent avant l’opinion commune et souvent contre elle. Simone Veil fut cet éclaireur de la République qui monte seul à l’assaut de Bastille réputées imprenables et qui, pourtant, les prend, pour ensuite nous les offrir en partage, à nous qui n’avions pas cru que cela serait possible, ou qui par indifférence parfois avions permis que le scandale prospère.
Aujourd’hui, la République s’enorgueillit d’avoir livré ces combats. Mais avons-nous toujours été justes avec cette Juste ? Le salaire de son courage, ce fut souvent la haine venimeuse des uns, les injures exécrables des autres. De cela elle fut blessée, mais jamais abattue. Elle tenait tête, car elle savait la solitude des pionniers, le sort cruel qu’on réserve à ceux qui bousculent l’ordre établi et dérangent l’assoupissement général. La victoire était à ce prix car la victoire, en vérité, n’avait pas de prix.
La liberté aussi était à ce prix et Simone Veil l’avait résolument choisie. Elle sut se tenir aux marges, dans cette insoumission intraitable et vigilante qui, lorsqu’elle se met en action, obtient les plus belles conquêtes et change ce qui se croyait établi pour toujours. Mais d’où lui venait cette force, cette volonté toujours de se battre pour des causes justes? Quelle fut cette boussole intérieure qui toujours lui indiquait le chemin vrai? Comment se fait-il que jamais elle ne se trompa de combat?
A cela, chacun apportera sa réponse selon ce qu’il eut à connaître d’elle. Je crois, pour ma part, que le secret s’en trouve dans son expérience si précoce et si radicale de l’arbitraire et du Mal.
De cela, elle tira presque aussitôt une morale de vie inaltérable. La souffrance ne donne qu’un droit : celui de défendre le droit de l’autre. Tel était son absolu, né de sa douleur intime ineffaçable : aider, protéger l’autre, en particulier les plus faibles.
Nous le savons elle eut souvent la dent dure avec les plus puissants. Mais elle fut toujours tendre avec les faibles. Elle ne défendit pas les femmes parce qu’elles étaient femmes, mais parce qu’elles étaient humiliées par la puissance des hommes.
Combien il reste à faire à cet égard comme à tant d’autres ! Comme nous avons encore besoin de cette capacité de colère et d’action qui jusqu’au bout l’animèrent !
Car, ne nous y trompons pas, les combats de Simone Veil ne sont pas des victoires acquises pour toujours, ce qui les a fait naitre ressurgit sans cesse, ici ou ailleurs, aujourd’hui malheureusement dans trop d’endroits en Europe et au cœur de nos sociétés.
Intolérance, sectarisme, haine fanatique ou doctrinaire, extrémismes avançant sous le masque d’un populisme débonnaire, compromissions de toutes sortes avec ce qui piétine notre humanité restent des braises ardentes prêtes à rallumer les pires embrasements.
La détermination inexorable de Simone Veil à faire prévaloir en tout l’humain, est ici notre cap.
Son humanité, du reste, n’était pas réservée à la sphère publique. Elle irriguait son intimité à l’égard de son époux, de ses fils, de ses petits-enfants et arrière-petits-enfants.
Aux lettres si nombreuses qu’elle recevait où des correspondants lointains exprimaient leur détresse ou leur solitude, elle répondait avec attention. Parfois, dit-on, cela irritait un peu Antoine. Elle employait pour cela une langue française de grande élégance que nourrissait sa vive passion pour la littérature française, ce goût inculqué dès l’enfance par son père. Il eût été si fier de voir sa fille accueillie à l’Académie française.
Lorsqu’une vie se consacre à la justice, et singulièrement à la justice pour les plus faibles, les plus exposés, les plus humiliés ; lorsque cette vie est nourrie par une bienveillance sans partage à l’égard de cette humanité dont pourtant elle a vu la face la plus hideuse ; et lorsque cette vie choisit de se construire sous l’égide de la République, c’est la France qui en est grandie.
Vous avez, Madame, prodigué à notre vieille Nation des dons qui l’ont faite meilleure et plus belle. Vous avez jeté dans nos vies cette lumière qui était en vous et que rien ni personne n’a pu jamais vous ôter. Les Français l’ont su, l’ont compris. Votre grandeur fit la nôtre.
Aussi, ce n’est pas seulement l’hommage de la Nation qu’en ce jour endeuillé nous vous présentons. C’est la France et l’Europe tout entière qui sont là témoignant de vos combats.
Et au moment où vous nous quittez, je vous prie, Madame, de recevoir l’immense remerciement du peuple français à l’un de ses enfants tant aimés, dont l’exemple, lui, ne nous quittera jamais.
C’est pourquoi j’ai décidé, en accord avec sa famille, que Simone Veil reposerait avec son époux au Panthéon.»


Actualités du Centre. Discours d’Edouard Philippe à l’Assemblée nationale et réactions des groupes centristes

Edouard Philippe lors de son discours à l'Assemblée
La déclaration de politique générale du Gouvernement devant l’Assemblée nationale par le Premier ministre Edouard Philippe, le 4 juillet, a recueilli 370 voix pour contre seulement 70 contre (le nombre le plus bas depuis les débuts de la V° République) sur 566 votants et 4387 suffrages exprimés (voir ici le détail complet du scrutin).
Voici, la déclaration de politique générale d’Edouard Philippe suivi des réactions des groupes centristes de l’Assemblée nationale ?

Discours d’Edouard Philippe

 «Malgré un destin difficile, je suis, je reste toujours optimiste. La vie m’a appris qu’avec le temps, le progrès l’emportait toujours. C’est long, c’est lent, mais en définitive, je fais confiance.» Ces mots sont de Simone Veil. Ils ont été prononcés en 1995 mais ils sont en vérité éternels et ils sont ceux de la France. Ils disent ce qu’il faut d’efforts et de courage pour que le progrès advienne. Ils disent aussi combien confiance et progrès ont partie liée.
Je veux, alors que je m’exprime depuis cette tribune devant la représentation nationale et après avoir cité Simone Veil, vous parler d’une autre femme, d’une femme qui, à la fin de l’été 2003, poussait les lourdes portes d’une grande école parisienne, une jeune femme que rien ne prédestinait à entrer dans ce lieu, une jeune femme qui a grandi en Seine-Saint-Denis, suivi une scolarité dans des établissements situés en quartiers d’éducation prioritaire à Villetaneuse et à Saint-Ouen, une jeune femme dont les parents, chauffeur-bagagiste et aide-soignante, ne s’attendaient pas à ce qu’elle accède à cette grande école parisienne puis devienne avocate, puis travaille dans les cabinets les plus prestigieux, puis fonde son propre cabinet.
Cette jeune femme siège aujourd’hui sur vos bancs. Sa réussite est le produit de son travail, de son engagement, de sa ténacité. Elle la doit aussi à la décision d’un responsable public – en l’occurrence, le directeur de Sciences Po – qui avait, quelques années auparavant, bousculé son institution pour l’ouvrir à des formes d’excellence peut-être un peu moins classiques.
Une politique publique critiquée lorsqu’elle a été adoptée, copiée depuis et qui apparaît quelques années après, grâce au travail et à l’effort de ceux qui en bénéficient, comme un modèle, comme un progrès. C’est long, c’est difficile, mais ça marche et pas seulement pour cette jeune fille. Au moins deux d’entre vous ont bénéficié de cette politique publique audacieuse dont un jeune homme de Saint-Laurent-du-Maroni, un de ces benjamins de cette Assemblée qui sera peut-être une de ces grandes figures que la Guyane offre parfois à notre pays.
Des parcours individuels, certes, mais rendus possibles par une politique publique. Ainsi va la République ou plutôt ainsi devrait-elle aller. Je regarde cette Assemblée, je regarde ces bancs où je siégeais il y a quelques semaines encore, je vois un éleveur de la Creuse, agriculteur comme l’étaient son père, son grand-père et tellement d’autres avant lui, enraciné dans sa terre au point que le lieu-dit où il vit porte le nom de sa famille. Il s’est battu pour continuer à y vivre, pour défendre l’excellence de l’agriculture française.
Je vois une jeune femme officier qui a participé à deux opérations extérieures et a commandé une des compagnies de la brigade franco-allemande.
Je vois un autre de vos benjamins né au Rwanda quatre ans avant le génocide et recueilli par la République qui lui a offert son meilleur visage et qui peut être fière de le voir aujourd’hui représenter la nation.
Je vois des sportifs de haut niveau, des entrepreneurs, des scientifiques, des militants du monde associatif.
Je vois même des matheux, des matheux qui, par leur talent et leur travail, constituent à la fois une fierté pour votre Assemblée et une fierté pour la France.
Je vois une Assemblée rajeunie, féminisée et largement renouvelée puisque 430 d’entre vous font leurs premiers pas dans cette enceinte. Une Assemblée qui porte l’héritage républicain et qui ressemble à la France.
Et c’est devant cette Assemblée renouvelée, Mesdames et Messieurs les Députés, que se présente un gouvernement paritaire, lui aussi profondément renouvelé par la diversité de ses origines – professionnelles et politiques – et que le président de la République m’a demandé de diriger.
Je mesure cet honneur. Je mesure la responsabilité aussi de la tâche qui est la mienne et je l’aborde avec beaucoup d’humilité, avec une humilité d’autant plus grande que pour préparer cette déclaration de politique générale, j’ai relu toutes celles de mes prédécesseurs. Je dis bien toutes, depuis celle de Michel Debré le 15 janvier 1959 jusqu’à celle de Bernard Cazeneuve le 14 décembre dernier.
Tous ces discours étaient inspirés par les convictions les plus sincères, par un patriotisme digne d’éloges et par le sens de l’Etat le plus élevé. Il faut avoir le courage de le dire, même si c’est à contrecourant des idées reçues, la France n’a jamais manqué de responsables politiques compétents et souvent d’une exceptionnelle qualité. Je sais d’ailleurs ce que je dois à l’un d’entre eux, Alain Juppé, et je voudrais ici lui rendre hommage.
De toutes ces déclarations de politique générale, deux m’ont particulièrement marqué. Je cite un extrait de la première : « De cette société bloquée, je retiens trois éléments essentiels : la fragilité de notre économie, le fonctionnement souvent défectueux de l’Etat, enfin l’archaïsme et le conservatisme de nos structures sociales. » Ces mots sont d’une actualité criante. Ils ont été prononcés le 16 septembre 1969 par Jacques Chaban-Delmas, il y a 48 ans. Beaucoup d’entre nous n’étions pas nés.
Le second est un peu plus récent, je le cite encore : « Nos priorités ne sont pas celles d’une moitié de la France contre l’autre moitié mais celles de tous les Français. Défaire ce que les autres ont fait, faire ce que d’autres déferont, voilà bien le type de politique dont les électeurs ne veulent plus. Nous ne demanderons à personne de nous rejoindre par intérêt ni de trahir ses convictions. » Il s’agit des mots de Michel Rocard le 29 juin 1988, il y a quand même presque 30 ans.
Rocard, Chaban, deux personnalités éminentes, deux hommes d’Etat qui ont incarné deux courants essentiels de notre vie politique, le gaullisme et la social-démocratie. Deux hommes qui s’accordaient donc sur un constat et sur une méthode et pourtant, le diagnostic posé il y a 48 ans reste hélas valable, la méthode proposée il y a 30 ans demeure toujours une exigence mais trop rarement une réalité.
Et la France, à la différence de beaucoup de nations du monde, ne résout pas ses problèmes. En découle un sentiment mortifère où se mêlent désarroi, découragement, désenchantement et colère. Nous connaissons ce sentiment, nous le ressentons parfois nous-mêmes, nous connaissons sa puissance. Nos compatriotes l’ont exprimé et fortement lors de l’élection présidentielle par un réflexe d’abstention ou un vote d’exaspération.
Il faut comprendre ces angoisses, il faut entendre cette colère. Mais nos compatriotes ont aussi exprimé un espoir formidable en portant Emmanuel Macron à la présidence de la République. Tandis que de grandes démocraties choisissaient le repli sur elles-mêmes, le dos tourné au monde, les Français, avec le président de la République, ont préféré l’esprit d’ouverture et de conquête. On leur proposait la nostalgie impuissante, ils ont préféré le courage d’affronter l’avenir. Ils avaient à choisir entre la colère et la confiance, ils ont exprimé leur colère mais ils ont choisi l’optimisme et le rassemblement.
Durant la campagne, depuis son élection et hier encore devant le Parlement réuni en Congrès, le président de la République nous a montré le cap. J’en suis heureux. C’est bien souvent d’un cap que nous avons manqué. Il nous a également indiqué la méthode pour y parvenir. Elle tient en trois points : dire la vérité, travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté, obtenir des résultats concrets le plus rapidement possible. Ce cap est clair, il doit être tenu.
Les Français ont d’ailleurs, dans un souci de cohérence évident, donné au président et au gouvernement les moyens de suivre ce cap en désignant une majorité claire et incontestable. Cette majorité claire, nul ne la prend pour un blanc-seing. Elle implique au moins autant de devoirs que de droits. Que le gouvernement puisse fonder son action sur une majorité forte est une bonne chose, qu’il ait toujours à l’esprit que l’intérêt général ne se réduit jamais à aucune fraction du peuple français, fût-elle majoritaire, en est une bien meilleure encore.
Mais la France doit avancer. Il y a dans notre cher et vieux pays une envie, une énergie, un espoir qui transcendent les courants politiques et voilà bien qui ne devrait surprendre personne. Les Français nous ont habitués à travers les âges à ces sursauts collectifs et à ces retours de confiance alors même que tout semblait bloqué, voire perdu. En 2017, les Français nous ont dit qu’ils voulaient que la France redevienne enfin elle-même, confiante, courageuse et conquérante.
Pour redevenir elle-même, la France doit rétablir la confiance et d’abord la confiance des Français en l’action publique. Je parle bien de confiance et pas de morale. Je ne serai pas l’arbitre des élégances et je n’aime pas le mélange des genres.
Je ne suis pas non plus un inconditionnel de l’absolue transparence qui tourne vite au voyeurisme et à l’hypocrisie. Je crois au vieux mot romain de « vertu » qui recouvre à la fois l’honnêteté, la rectitude et le courage.
Nous avons fait des progrès en la matière depuis trente ans. Sous la pression souvent mais de façon très nette, les règles de financement des partis politiques et des campagnes électorales sont aujourd’hui bien plus strictes et bien plus saines qu’il y a trente ans.
Assumons ces progrès, ils ne comptent pas pour rien.
Je veux le dire clairement nous ne devons jamais laisser discréditer ceux qui ont fait le choix honorable de consacrer une partie de leur vie au service de leurs concitoyens et à la chose publique. Mais dans leur intérêt même il faut encore agir, car il y a à l’évidence mesdames et messieurs les députés des pratiques qui ont été longtemps tolérées et que le peuple français n’accepte plus.
Il s’agit de fixer le cadre qui permettra d’assainir notre vie publique et de rétablir la confiance des Français tout en posant des règles claires pour les élus.
C’est l’objet du premier projet de loi qui vous a été soumis ; comme le président de la République l’a indiqué hier nous lancerons également dans l’année les réformes institutionnelles indispensables à la modernisation de notre démocratie.
J’insisterai en particulier sur la réforme de la Justice. Dans un Etat de droit rien n’est possible sans une justice forte. Si elle est lente, lointaine ou inégalitaire, ou même seulement trop complexe, la confiance se trouve fragilisée.
La réforme constitutionnelle renforcera l’indépendance des magistrats. Dès 2018 une loi quinquennale de programmation des moyens de la justice sera présentée au Parlement. Cette loi permettra à la Garde des Sceaux d’engager un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation. Avoir confiance dans la justice c’est pouvoir y recourir simplement et savoir qu’elle tranchera rapidement, en particulier sur les infractions les plus graves : lutter contre le terrorisme, la grande criminalité, la fraude organisée, les violences et notamment celles faites aux plus fragiles.
Les peines seront renforcées, tandis que d’autres incivilités pourront faire l’objet de contraventions plutôt que de procédures plus lourdes mais trop souvent dépourvues des faits.
La construction de 15 000 places de prison est un engagement fort du président de la République, il sera tenu. Parce que ne pas pouvoir incarcérer ceux qui doivent l’être est inadmissible. Mais aussi parce qu’il nous faut traiter dignement les détenus. C’est essentiel pour ne pas transformer les prisons en incubateur des violences de demain, mais c’est essentiel pour nous car c’est aussi notre dignité qui est en jeu.
Nous ferons donc ce qui doit être fait sans oublier jamais que la prison n’est pas une fin en soi et qu’il est nécessaire d’utiliser l’ensemble des sanctions prévues par le code pénal. Le recours à l’enfermement ne doit pas traduire une paresse de l’esprit qui s’interdirait de réfléchir au sens de la peine, à la nécessité d’empêcher la récidive, à l’obligation de préparer la réinsertion.
Rétablir la confiance c’est aussi rassurer les Français sur le futur de la Sécurité sociale. La Sécurité sociale est une partie de nous-mêmes. Elle est comme le veut une belle formule « le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ». Mais alors si tel est le cas traitons-la comme un véritable patrimoine, en l’entretenant, en la préservant, en la rénovant. C’est vrai pour notre système de santé. Les Français y sont attachés parc que, à juste titre, ils font confiance à leur médecin et aux professionnels de santé et à l’hôpital qui reste un pole d’excellence française.
Mais ils constatent aussi que le système est mal coordonné, que la répartition entre urgence et consultation, entre soins de ville et soins hospitaliers n’est pas optimale, que l’on évite au fond ni l’exclusion des soins, si l’accroissement des inégalités.
La prévention sera le pivot de la stratégie nationale de santé discutée à l’automne.
Des maladies que l’on croyait éradiquées se développent à nouveau sur notre territoire. Des enfants meurent de la rougeole aujourd’hui en France. Dans la patrie de Pasteur ce n’est pas admissible. L’an prochain, les vaccins pour la petite enfance, qui sont unanimement recommandés par les autorités de santé, deviendront obligatoires.
En matière de lutte contre le tabac là encore il nous fait assumer des choix courageux. Chaque année le tabac en France entraine plus de 80 000 décès. C’est la première cause de mortalité évitable et la consommation quotidienne de tabac augmente chez les adolescents. Ne rien faire est exclu, nous porterons progressivement le prix du paquet de cigarettes à 10 euros en luttant sans merci contre les trafics qui minent cette politique de santé autant qu’ils fragilisent ceux qui respectent la loi.
Nous créerons un service sanitaire pour les étudiants des filières de santé, pour leur permettre d’intervenir dans les écoles et les entreprises pour des actions de prévention.
Mais prévenir ne suffit pas. Il nous faudra aussi revoir la manière dont est organisé notre système de soins. Nos professionnels de santé sont compétents et dévoués. Mais leur action est trop souvent entravée par les rigidités de nos structures, les carcans administratifs, le fonctionnement en silos.
Il faut donc bâtir des parcours de soin en favorisant l’interconnexion des professionnels de santé et la circulation de l’information au bénéfice du patient, en mettant en place de nouvelles incitations et de nouveaux modes de rémunération, en mesurant la qualité des soins et en la faisant connaitre. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale traduira cette ambition dès cette année.
Notre stratégie de santé devra aussi permettre de garantir un égal accès aux soins. Pas seulement en droit mais surtout dans les faits.
La ministre de la Santé prépare, pour le mois de septembre prochain, un plan de lutte contre les déserts médicaux en bonne intelligence avec les collectivités territoriales et les acteurs du monde de la santé. En la matière, la télémédecine offre des opportunités formidables, nous les favoriserons.
Enfin notre stratégie de santé devra rompre le cercle vicieux du renoncement aux soins. D’ici la fin du quinquennat tous les Français auront accès à des offres sans aucun reste à charge pour les lunettes, les soins dentaires et les aides auditives.
Rétablir la confiance c’est savoir que nous serons tous ici, tous, jugés sur la façon dont nous nous comportons avec les plus faibles. Pas seulement pour changer le regard que la société porte sur eux, sur le handicap, sur les personnes âgées, sur les plus pauvres, mais aussi pour reconnaître tout ce que nous pouvons recevoir d’eux.
Nous revalorisons dès 2018 l'Allocation adulte handicapé et le minimum vieillesse ; nous simplifions les procédures pour les titulaires de droits sociaux qui souvent, par désespoir ou par ignorance, ne les réclament plus. Nous renforcerons notre action en matière de lutte contre la pauvreté en insistant particulièrement sur les familles comprenant de jeunes enfants. Ces efforts financiers sont nécessaires et ils ne seront pas suffisants. Il nous faut aussi reconnaître et soutenir les solidarités familiales affectives et financières.
Les familles sont de plus en plus diverses, mais leur rôle reste central. La génération de mes grands-parents a été la première à bénéficier de la retraite ; la génération des mes parents est la première à bénéficier de la retraite tout en ayant assumé une partie de l'aide à ses propres parents.
Le changement de civilisation et majeur, il ne me paraît pas suffisamment pris en compte ; la baisse de la natalité de son côté, réelle depuis deux ans, doit nous alerter.
Nous cesserons donc de considérer les familles comme de simples variables d'ajustement fiscal. La ministre de la Santé et des Solidarités présentera des mesures améliorant le congé maternité et les solutions de garde d'enfant ; c’est aussi une mesure qui s'inscrit dans la grande cause nationale de l'égalité entre les femmes et les hommes.
L’inclusion des personnes en situation de handicap constituera une des priorités du quinquennat. C'est à une mobilisation nationale que j'appelle sous l'impulsion du président de la République et sous la conduite de la secrétaire d'Etat. Les personnes en situation de handicap et celles qui les accompagnent ont droit à la solidarité nationale. Elles ont besoin de bien plus encore, et elles peuvent nous apporter davantage.
Un enfant handicapé scolarisé ce n’est pas simplement une histoire d'argent ni même de justice, c'est une chance pour l'ensemble de ses camarades. Une entreprise ou une collectivité territoriale qui embauche plutôt que de payer une taxe c'est une communauté de travail plus forte et plus motivée.
Les moyens ne pourront pas être illimités, mais l'énergie que nous y mettrons ne sera pas comptée.
Rétablir la confiance est aussi affermir le lien entre l'Etat et les territoires. Nous ne sommes plus à l'époque où la République, encore mal affirmée, n'imaginait son unité qu’au prix de l'uniformité. Les jardins à la française ont leur charme mais ils se prêtent assez peu au foisonnement d'initiatives dont le pays a besoin et auxquels les collectivités sont prêtes.
Comme l'a réaffirmé le président de la République hier, nous voulons donner aux libertés locales toutes leurs forces. La liberté de s'organiser d'abord en développant les communes nouvelles ou les regroupements de départements dès lors que les fusions ne sont pas contraires à l'intérêt général.
La liberté d'exercer ses compétences ensuite, osons les expérimentations, ne décrétons pas depuis Paris la fin du millefeuille territorial, mais incitons les territoires à adapter localement leur organisation pour que partout où c'est possible nous puissions tendre vers deux niveaux seulement d'administration locale en-dessous du niveau régional.
Pourquoi ne pas permettre non plus sur la base du volontariat à certaines collectivités d'exercer des compétences pour le compte d'un autre niveau comme par délégation.
En matière de finances locales, nous engageons avec les collectivités territoriales des discussions indispensables car si chacun bien sûr doit contribuer à l'effort de redressement de nos comptes publics, cela doit se faire dans le dialogue et le respect et avec la prévisibilité nécessaire à toute bonne gestion.
C'est dans ce cadre que nous engagerons la concertation sur la réforme de la taxe d'habitation qui doit contribuer d'ici la fin du quinquennat à rendre du pouvoir d'achat à l'immense majorité de nos concitoyens.
Je sais cette réforme attendue par les contribuables mais redoutée par les élus. La taxe d'habitation est aussi nécessaire aux budgets locaux qu'elle est injuste dans son calcul et son évolution pour les contribuables ; et qui ne peut dire le contraire !
Améliorer le dispositif pour les collectivités tout en redonnant du pouvoir d'achat pour les citoyens est un objectif qui devrait nous réunir ; rétablir la confiance c'est aussi éviter de creuser un fossé entre deux France que certains voudraient opposer mais qui ne peuvent ni vivre, ni réussir l'une sans l'autre : la France des métropoles mondialisées et la France périphérique.
C’est tout l'objectif de la conférence nationale des territoires dont la première réunion se tiendra à mi-juillet. Nous y proposerons un pacte pour les collectivités pour les accompagner dans la transition écologique et pour les accompagner dans la transition numérique notamment en garantissant un accès au très haut débit au plus tard d'ici 2022 partout en France.
Mais notre gouvernement n'est pas celui des machines, il est d'abord celui des hommes. Il y a des Français qui n'ont pas de GPS, pas de box connectée, dont le téléphone sert à téléphoner et c'est tout. Il y a des citoyens qui sont broyés et ignorés par ce monde technique.
Le fossé s'agrandit, et il n'est pas que générationnel, il est social et il est parfois géographique. Nos services publics, le monde associatif doivent accompagner ces évolutions et ces révolutions numériques ; nous les y aiderons.
De même il y a des votes protestataires qui se sont exprimés en métropole comme en Outre-mer. Il faut les entendre. Il y a aussi un vote identitaire qui s'est notamment exprimé en Corse ; on peut être comme je le suis intransigeant sur les principes républicains sans être pour autant Ignorant des diversités et des aspirations à la reconnaissance.
La France est partout dans le monde grâce à ses Outre-mer, sur tous les continents et dans tous les océans du globe. Voilà une richesse, voilà une chance, voilà aussi un défi. Les assises de l’Outre-mer seront l’occasion pour l’ensemble du gouvernement d’être à l’écoute des attentes de chaque territoire, et de concevoir ensemble les plans de convergence prévus par la loi pour l’égalité réelle des Outre-mer. Pour ce qui concerne l’avenir de la Nouvelle Calédonie, cette mandature sera celle de l’aboutissement de l’accord de Nouméa signé il y a vingt ans.
S’il n’est pas saisi d’ici mai prochain par le Congrès le gouvernement comme le prévoit la Constitution organisera la consultation pour l’accession à la souveraineté au plus tard en novembre 2018. L’Etat jouera pleinement son rôle d’acteur et de garant de ce processus pour conforter le destin commun inscrit dans le préambule de l’accord. C’est un engagement personnel que je prends ici, honoré de reprendre le flambeau de Michel Rocard et de quelques autres après lui.
La confiance enfin c’est tout ce qui nous rassemble, la France est une nation et une nation n’est ni une juxtaposition de territoires ni une addition de communautés ni encore moins une somme d’individus. Une nation est une adhésion à des valeurs, à une histoire, à une géographie, c’est une culture qui s’assume et qui se transmet. Etre Français c’est reconnaître des valeurs et partager une culture. C’est reconnaître que la laïcité est une exigence pour la puissance publique, celle de la neutralité absolue à l’égard des cultes. C’est aussi rappeler qu’elle est surtout pour chacun sur le territoire de la République une liberté, la liberté de conscience individuelle, la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer un culte ou de n’en suivre aucun. Le gouvernement n’acceptera pas que ce principe fondateur soit attaqué, remis en cause ou instrumentalisé. Il le fera respecter sans outrance en se gardant de provoquer mais avec une fermeté qui repose sur l’idée simple que la laïcité est au fond une condition de ce que nous sommes, la France.
Ce qui nous rassemble c’est aussi la culture, c’est notre langue, c’set notre patrimoine, c’est ce que nous partageons, c’set ce qui fait que la France est admirée et aimée dans le monde, c’est ce que déteste les porteurs de haine qui à plusieurs reprises ont attaqué notre pays. Et s’ils détestent autant cette culture et ce mode de vie, s’ils haïssent les dessins, les livres, la musique et les spectacles c’est qu’ils savent que ceux-ci sont une source inépuisable de réflexion, d’émancipation et de bonheur, ils savent qu’ils sont libérateurs. Ne nous y trompons pas, la formation dès le plus jeune âge à la culture et à la création rend libre et en les familiarisant avec la longue histoire des arts, en leur faisant découvrir les lieux de culture, en leur apprenant à décrypter l’époque et à découvrir notre héritage nous élevons l’âme de nos enfants et nous renforçons la cohésion de notre pays. De concert les ministres de l’Education nationale et de la Culture feront de ce chantier une priorité commune.
De même, lire rend libre, plus encore que sous les ors des palais la République vit dans ses bibliothèques, nous voulons rester, redevenir peut-être même une nation de lecteurs en nous inspirant des initiatives remarquables menées par de nombreuses associations ou de nombreuses collectivités territoriales. Accéder aux œuvres et à la création rend libre, notre époque bouleverse les modes de diffusion des œuvres, c’est à la fois une chance et un défi. Profitons-en pour faciliter le plus large accès possible aux biens culturels avec notamment la création d’un « pass culture » pour les jeunes comme l'a proposé le président. Mais ouvrons aussi le débat avec les acteurs géants du numérique dans le cadre européen pour assurer aux artistes les moyens de vivre de leurs créations et pour participer au financement de cet accès aux œuvres.
Mesdames et Messieurs les Députés, la France peut renouer avec la confiance, elle en a, j'en suis certain, les moyens, elle en a, j'en suis convaincu, l'envie, elle doit aussi en avoir le courage, le courage, voilà le deuxième grand axe qui organise le travail du gouvernement. Entendons-nous bien, il ne s'agit pas du courage du gouvernement, de la majorité ou du Parlement, il s'agit du courage dont nous devons collectivement nous Français faire preuve pour être à la hauteur des enjeux. Les Français sont courageux, ils l’ont été face au terrorisme, pas seulement les policiers, les gendarmes, les militaires ou les douaniers qui luttent contre cette menace et qui en sont trop souvent les cibles, tous les Français. Face au danger ils n'ont pas voulu changer leurs habitudes, encore moins renoncer à leurs valeurs. Il y a dans notre pays une forme de courage tranquille mais réel dont nous pouvons être fiers.
La menace est partout, diffuse, pas un mois ne passe sans que des projets ne soient éventés ou des actes empêchés. Ayons en cet instant une pensée pour les victimes, plus de 200 tués sur notre sol, des centaines de blessés, pour leurs proches qui doivent apprendre à vivre avec la douleur, avec la peine et avec l'absence. Je veux rendre hommage à tous ceux que nous voyons, policiers, gendarmes, militaires de l'opération Sentinelle veiller chaque jour sur notre sécurité, à ceux qui combattent sur les théâtres d'opérations extérieures, au Sahel ou au Levant, et à tous ceux que nous ne voyons pas et que nous ne connaîtrons jamais, nos soldats de l'ombre dont nous pouvons être fiers, beaucoup sont tombés au service de notre liberté.
Je veux leur dire à tous que nous leur donnerons les moyens de nous défendre, comme s'y est engagé le président de la République une loi de programmation militaire sera adoptée dès 2018, elle portera l'effort de dépenses à 2 % du PIB d'ici 2025 et permettra à la France de se battre sur tous les fronts. Mais je tiens à vous le dire sans détour, il y aura d'autres attaques, d'autres drames, d'autres vies innocentes fauchées, nous ne nous y habituerons jamais et nous ne baisserons pas la garde, à l'image des Français nous affronterons cette menace avec une calme et une froide détermination. Nous lutterons contre le terrorisme avec la plus extrême dureté sans renier ce que nous sommes, un Etat de droit et qui plus est la République française.
Une République, Mesdames et Messieurs les Députés, qui ne peut pas vivre dans un état d'urgence permanent, c'est pourquoi le président de la République nous a demandé de préparer la sortie de l'état d'urgence au plus tard le 1er novembre prochain avec un projet de loi renforçant l'efficacité de notre arsenal législatif contre le terrorisme sous le contrôle rigoureux du juge. En parallèle, le ministre de l'Intérieur et la garde des Sceaux travailleront ensemble pour faire reculer l'insécurité. Au printemps 2018, après des expérimentations, ils porteront ensemble un projet de réforme reposant sur des procédures simplifiées afin que les forces de sécurité soient libérées de la complexité administrative, établir une véritable police de sécurité au quotidien, c'est aussi une condition pour rétablir la confiance.
Le courage c'est aussi de regarder en face le défi migratoire, la pression qui s'exerce aux frontières, dans les Alpes-Maritimes, dans le Calaisis, à Mayotte, en Guyane, qui s'exerce aussi au cœur même du territoire national comme à Paris crée des tensions considérables et lourdes de dangers pour l'ordre public. Cette pression ne faiblira pas, les conflits et l'insécurité économique au Moyen-Orient et en Afrique, les risques liés au climat, les réseaux qui prospèrent en exploitant le malheur et la misère, tout contribue à l'alimenter. Face à cette situation, la France s'est révélée incapable de remplir ses obligations juridiques ou morales, les demandeurs d'asile relevant effectivement de la convention de Genève attendent l'octroi d'un statut durant de longs mois et dans des conditions parfois honteuses, les autres qui sont en réalité des migrants économiques sont rarement éloignés quand ils sont déboutés. La semaine prochaine, le gouvernement présentera des mesures qui répondront à trois exigences : une exigence de dignité pour que la France honore sa tradition d'accueil des réfugiés, une exigence d'efficacité pour réduire les délais moyens d'instruction des demandes d'asile de 14 à six mois et obtenir l'éloignement effectif des déboutés du droit d'asile, une exigence de solidarité et de responsabilité, avec nos partenaires européens nous ferons aboutir la réforme du régime européen de l'asile et mènerons une action en direction des pays d'origine et de transit. Il s’agit, Mesdames et Messieurs les Députés, comme je l'ai dit il y a quelques jours aux préfets que j'ai réunis avec monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur, de voir le monde tel qu'il est sans renoncer à ce que nous sommes. Accueillir, oui, bien sûr, aider, oui, évidemment, subir, non, jamais.
Le courage c'est aussi de regarder les choses en face et de préparer l'avenir, parlons donc de l'école. Je suis par mon histoire personnelle un pur produit de l'école publique, deux fois fil de profs, je dois une bonne partie de ce que je suis à mes maîtres, à leur attention, à leur persévérance et à leur capacité à m'inspirer. Nous connaissons tous le dévouement des enseignants, la passion qui les anime et le rôle qu'ils jouent pour nos enfants. Et pourtant, et pourtant toutes les études le démontrent, nous formons très bien les très bons mais nous creusons les inégalités et le niveau moyen de nos élèves n'est pas à la mesure de notre grand pays. Notre système laisse sortir chaque année encore près de 100.000 jeunes sans qualification, nous dépensons bien moins que nos voisins dans le primaire où pourtant tout se joue, nous dépensons bien plus que les autres pays pour le lycée notamment parce que notre système est rigide et conçu autour du baccalauréat. Mais nous conduisons 60 % 60 %, Mesdames et Messieurs les Députés, de bacheliers à l'échec en licence. Enfin, scandale absolu, scandale absolu, des bacheliers y compris parmi les plus méritants se retrouvent exclus par tirage au sort des filières universitaires qu'ils ont choisies. Où est l'égalité ? Où est le mérite ? Où est la République ? Nous ne pouvons plus accepter.
Je ne reviendrai pas sur les mesures déjà annoncées par le ministre de l'Education pour l'école et pour le collège, elles se concentrent sur l'acquisition des savoirs fondamentaux, le soutien aux élèves et l'autonomie des établissements et elles seront en vigueur dès la rentrée prochaine. Quant au baccalauréat, nous le ferons profondément évoluer, une concertation sera lancée dès la rentrée prochaine pour resserrer les épreuves finales autour d'un petit nombre de matières et définir ce qui relève du contrôle continu. Nous aboutirons avant septembre 2018 pour une mise en œuvre complète de cette réforme pour le bac 2021.
Notre ambition est forte aussi pour la filière professionnelle, le lien entre le lycée professionnel et le monde de l'entreprise par l'alternance ou par l'apprentissage doit être resserré. Le lycée professionnel doit aussi être mieux intégré avec les filières post-bac courtes que sont le BTS et les licences professionnelles. Des diplômes de qualification à bac+1 pourront également être proposés après le baccalauréat professionnel.
Nos grandes universités doivent également continuer à se transformer avec l'appui des organismes de recherche, elles doivent continuer à gagner en autonomie, travailler en réseaux et se rapprocher du monde économique. C'est dans leurs laboratoires que se construisent l'intelligence collective et la croissance économique de demain. Les efforts d'investissements ne seront pas relâchés, nous avons besoin d'universités fortes ou formation, recherche et innovation irriguent notre culture et notre économie. Nos universités vont connaître un choc démographique dont nous devons tous nous réjouir mais qui n'est pas neutre, chaque année ce sont 40.000 étudiants supplémentaires qu’il nous faudra accueillir mais nous n'avons pas le droit d'orienter des générations entières dans des formations inadaptées et sans débouchés. Il est temps d'offrir à nos lycéens des contrats de réussite étudiante qui leur indiquent les pré-requis pour réussir dans la filière visée, nous le ferons dès la rentrée 2018. Il faut aussi garantir un réel droit au retour à l'université tout au long de sa carrière pour compléter et validé en milieu académique les acquis de l'expérience.
Notre jeunesse a soif de cause, on n’y répondra pas par des taux de croissance ou par des procédures, la jeunesse veut s'élever, au siècle dernier elle a eu trop d'occasions de verser son sang. Le front aujourd'hui est social, environnemental et mondial, il appelle la mobilisation de la jeunesse non pour combattre mais pour construire, partager, déverser le fruit de ses connaissances et de son enthousiasme. C'est aussi pour préparer nos enfants à ce monde qui vient, à cette France que nous voulons grande et belle, juste et forte que le gouvernement mettra en place un nouveau service national conformément aux engagements du président de la République. La réflexion sur les formes qu'il prendra sera conduite avant la fin de l'année 2017.
Le courage c'est aussi de rénover enfin notre modèle social. Nous sommes dans notre pays fortement et légitimement attachés à l'égalité, égalité devant la loi, égalité des droits. Pourtant, nous sentons bien aujourd'hui que cette égalité est malmenée, le code du travail est le même pour tous mais le niveau de protection n’est pas le même dans les grands groupes, dans les PME ou pour celui qui accumule des CDD. Et nous savons aussi que chacun aspire à notre époque à plus de libertés, liberté de choisir sa carrière professionnelle, de changer de métier, liberté de créer, liberté d’entreprendre, liberté de concilier sa vie professionnelle et sa vie personnelle.
Les catégories traditionnelles qui ont structuré notre vie sociale s’effritent. Frontière entre salariat et travail indépendant, rôle de la loi et du contrat, répartition de la valeur. Tout cela est profondément bouleversé par l’impact conjugué de la mondialisation et de la révolution numérique.
Voilà pourquoi nous voulons rénover notre modèle social, pour qu’il crée des protections véritablement efficaces au lieu de les garantir seulement sur le papier. Pour qu’il accompagne celui qui veut prendre un risque, au lieu d’être seulement tourné vers celui qui est déjà installé.
Dès le 6 juin dernier, j’ai défini avec la ministre du Travail et nous avons partagé avec les partenaires sociaux la feuille de route de cette rénovation sociale. Elle tient en quatre points : Renforcer le dialogue social dans l’entreprise et dans les branches, redonner du pouvoir d’achat aux actifs, sécuriser les parcours professionnels, rendre notre système de retraite plus juste et plus lisible.
Nous voulons avancer vite, car l’urgence sociale est forte. Mais nous avançons sans précipitation. Nous sommes encore dans le temps de la concertation avec les partenaires sociaux. Cette semaine, commencera le temps du débat parlementaire avec l’examen du projet de loi d’habilitation pour le renforcement du dialogue social. A la fin de l’été, viendra le temps de la décision, lorsque les ordonnances seront publiées.
Dès octobre, nous engagerons les chantiers du renforcement de la formation professionnelle, de l’ouverture de l’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants et de la refonte de l’apprentissage. Nous aurons, là aussi, de vraies discussions avec les partenaires sociaux et nous présenterons un projet de loi et un plan d’actions au printemps 2018.
Nous appliquerons la même méthode à la rénovation de notre système de retraite pour le rendre plus juste et plus transparent, pour qu’un euro cotisé ouvre les mêmes droits pour tous. Nous prendrons le temps du diagnostic, de la concertation et de la négociation et nous fixerons le cadre de la réforme fin 2018.
Entre temps, nous aurons rendu du pouvoir d’achat aux salariés, la suppression des cotisations salariales sur l’assurance maladie et l’assurance chômage, financée par un transfert sur la CSG, redonnera, dès 2018, du pouvoir d’achat à plus de 20 millions d’actifs. Cela représente, Mesdames et Messieurs, 250 euros par an au niveau du SMIC, 250 euros par an au niveau du SMIC. Nous augmenterons aussi la prime d’activité, car le message aux Français est clair : le travail doit payer.
Le courage, enfin, c’est de faire face à la vérité sur notre situation financière. Dès ma prise de fonction, j’ai voulu disposer d’une vision nette de la situation de nos comptes publics. Le constat est grave : 8 milliards d’euros de dépenses non financées, notre dette atteint un niveau insupportable, 2 147 milliards d’euros. Chaque année, Mesdames et Messieurs, chaque année, la France dépense 42 milliards d’euros pour rembourser ses intérêts. 42 milliards, c’est plus que l’intégralité du budget que nous consacrons à notre Défense nationale, c’est cinq fois le budget de la Justice.
Cette dette nous met à la merci des marchés financiers, ce qui a l’air de ne poser de problèmes à personne, dont les fluctuations décident de plus en plus de notre avenir. Si une nouvelle crise survenait, nous n’aurions plus de marges de manœuvre. Si les taux d’intérêts augmentaient d’un point – ils augmenteront un jour – c’est l’équivalent du budget de l’Enseignement supérieur qui partirait en fumée.
Pourtant, nous continuons à dépenser plus que nos recettes. Je n’aime pas raisonner en pourcentage du PIB, 2,8-3,2, nous avons anesthésié nos compatriotes à force de parler comme des comptables. Mais la vérité, c’est que quand nos voisins Allemands prélèvent 100 euros en impôts et en dépensent 98, nous en prélevons 117 et en dépensons 125. Qui peut penser que cette situation est durable ?
Mesdames et Messieurs, sous le regard inquiet des Français, nous dansons sur un volcan qui gronde de plus en plus fort. Certains continuent pourtant à nier l’évidence. « Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu’il ne voit pas ? » Aurait demandé le Prix Nobel de Littérature de l’année 2017.
Il y a une addiction française à la dépense publique. Comme toute addiction, elle ne règle rien du problème qu’elle est censée soulager. Comme toute addiction, elle nécessitera de la volonté et du courage pour s’en désintoxiquer.
*Mesdames et Messieurs les Députés, les Français ne croient pas aux solutions simplistes. Qu’il s’agisse de la sortie de l’euro ou de l’annulation de la dette. Ils voient bien que tous nos partenaires européens ont fait l’effort de réduire leurs dépenses après la crise financière. Tous sauf nous. Ils savent qu’il est indigne de demander à leurs enfants de rembourser demain ce qu’eux-mêmes ne peuvent pas se payer aujourd’hui.
Mon objectif est de ramener le déficit sous la barre des 3 % dès 2017 et de conduire notre stratégie de finances publiques autour de trois règles simples : faire baisser la pression fiscale d’un point de PIB sur cinq ans, faire baisser la dépense publique de 3 points de PIB sur la même période, agir en donnant de la visibilité aux acteurs.
Je veux d’abord rassurer nos concitoyens : les contribuables ne seront pas la variable d’ajustement du budget. Au contraire. Au contraire. Au contraire, les prélèvements obligatoires baisseront de 20 milliards d’euros d’ici 2022. La France ne peut demeurer à la fois la championne de la dépense publique et la championne des impôts.
S’agissant de la dépense publique, l’objectif du Gouvernement est ambitieux, c’est de faire en sorte qu’elle soit stable, hors inflation en 2018 par rapport à 2017. Stable : on ne dépensera pas plus en 18 qu’en 17. Tous les autres Etats l’ont fait. Depuis longtemps. Tous les autres Etats l’ont fait depuis longtemps, voire ont baissé leurs dépenses. Mais cela n’a été fait qu’une seule fois en France, et encore, il s’agissait de supprimer les mécanismes conjoncturels de soutien qui avaient été institués pendant la crise.
Disons la vérité aux Français : pour atteindre ces objectifs sur la dépense publique, il va falloir agir sur trois leviers. D’abord, stopper l’inflation de la masse salariale du secteur public qui représente le quart de nos dépenses publiques. Ensuite, si nous voulons financer nos priorités et ne pas continuer à paupériser l’Etat, nous devrons choisir et remettre en cause certaines missions, faire bien ce que nous devons faire, arrêter de faire ce que d’autres font mieux que nous. Aucun ministère, aucun opérateur, aucune niche fiscale ne sera sanctuarisé. Partout, nous chasserons la dépense inefficace et le saupoudrage de crédits.
Enfin, repenser les politiques publiques qui pèsent sur nos actifs, sans suffisamment de résultats. Nous dépensons deux fois plus que nos voisins Européens dans l’aide au logement et les Français éprouvent toujours autant de difficultés à se loger. Cet écart entre le niveau de dépenses et la faiblesse des résultats, les Français le constatent également dans la politique de l’emploi et de la formation professionnelle.
Mesdames et Messieurs, la France est dans les cordes et aucune esquive ne nous sauvera. J’ai conscience d’appeler à l’effort et au courage. Pour être entendu, il faudra agir de manière juste, transparente et dans la durée, en donnant de la visibilité aux gestionnaires publics et aux Français.
Dès cette semaine, le ministre de l’Action et des Comptes publics réunira l’ensemble des administrations publiques, pour dessiner une trajectoire et une méthode globale de redressement financier. La Conférence des territoires permettra, pour sa part, d’approfondir la concertation avec les collectivités territoriales.
Dès la rentrée, le Gouvernement présentera à la fois le budget 2018 et une loi de programmation des finances publiques qui portera sur la durée complète du quinquennat.
Cette trajectoire devra remettre la Sécurité sociale à l’équilibre à l’horizon 2020. Nous devrons, d’ici là, définir de nouvelles règles permettant de proscrire dans la durée le déficit de nos comptes sociaux.
Enfin, nous devrons préserver les équilibres de notre système de retraite, tout en le rendant plus juste et plus lisible. Les nouvelles prévisions du Conseil d’orientation des retraites nous y invitent avec insistance, puisqu’elles indiquent que le retour à l’équilibre, un temps prévu pour 2025, ne pourrait finalement intervenir qu’en 2040.
Pour atteindre ces objectifs, nous devons engager une véritable transformation de l’Etat et de nos services publics.
Elle sera progressivement déclinée par ministère, en plusieurs vagues, d’ici le printemps 2018, en associant les usagers, les agents et, évidemment, les Parlementaires.
Nous mettrons évidemment le paquet sur la transformation numérique. Fixons-nous un objectif simple : avoir des services publics numériques de même qualité que ceux du secteur marchand. Pour ce faire, nous mettrons en place une plateforme numérique et demanderons à chaque administration d’y loger ses applications. Un « compte citoyen en ligne » sera le nouveau lien entre les Français et leurs administrations. Certains diront que c’est trop compliqué, trop ambitieux. J’étais, avec un certain nombre de membres du Gouvernement, en Estonie la semaine dernière, eux l’ont fait. Il ne me parait pas qu’il soit beaucoup plus agiles ou que nous soyons beaucoup moins adroits.
Cette transformation de l’action passera aussi par une confiance accrue accordée aux fonctionnaires et une modernisation de leur cadre d’action. Je veux leur dire ma fierté de les diriger, mon respect et ma reconnaissance.
Restaurer la confiance, prendre courageusement les décisions que la situation impose, tout cela est nécessaire pour retrouver l’esprit de conquête auquel nous appelle le Président de la République.
La France, Mesdames et Messieurs les Députés, la France doit être à nouveau conquérante.
Dans le domaine économique d’abord. Depuis trop d’années, nous nous résignons à ce que la France tourne au ralenti. Nous nous résignons au chômage de masse. Notre économie ne produit pas assez de revenus, elle ne crée pas assez d’emplois, elle ne donne pas assez de chances à nos enfants.
Au cours des années 2000, nous étions le premier pays d’accueil des investissements étrangers en Europe continentale. Depuis 2010, nous sommes derrière l’Allemagne. En termes d’exportations, nous sommes le seul des grands pays de la Zone Euro à avoir une balance du commerce extérieur déficitaire en 2016, alors qu’elle était bénéficiaire jusqu’au début des années 2000.
Surtout, l’économie française croît désormais structurellement moins vite que la moyenne de la Zone Euro. Cela n’est pas acceptable. Avec les réformes que nous vous proposons, nous voulons redevenir les premiers, en termes d’attractivité, de croissance et de créations d’emplois.
Une économie attractive, c’est une économie où les charges ne viennent pas freiner le dynamisme de ceux qui créent de la richesse. Les entreprises doivent retrouver l’envie de s’installer et de se développer sur notre sol plutôt qu’ailleurs. J’annoncerai dans les tous prochains jours, avec la maire de Paris et la présidente de la région Ile-de-France, des mesures fortes pour améliorer l’attractivité de la place de Paris.
Pour favoriser l’embauche, nous baisserons le coût des charges qui pèsent sur le travail, en particulier pour les salaires proches du SMIC. Le CICE sera transformé en un allègement de charges qui seront nulles au niveau du SMIC.
La réforme entrera en vigueur au 1er janvier 2019.
Le taux de l’impôt sur les sociétés sera réduit par étapes de 33,3 % aujourd’hui à 25 % d’ici 2022. Il convergera ainsi vers la moyenne européenne. La loi de finances pour 2018 précisera sa trajectoire de baisse justement pour donner de la visibilité aux entreprises.
Nous voulons aussi alléger les contraintes qui pèsent sur nos entrepreneurs, en particulier sur les indépendants et les TPE-PME. Des mesures de simplification réglementaire seront prises et nous engagerons en 2018 la suppression du régime social des indépendants que nous adosserons au régime général.
Une économie conquérante, c’est également une économie qui investit dans l’avenir. Il faut donc réorienter l’épargne des Français vers l’investissement productif. L’impôt de solidarité sur la fortune sera resserré autour du seul patrimoine immobilier, afin d’encourager l’investissement dans la croissance des entreprises. La réforme sera votée dès cette année, dans la loi de finances pour 2018 et entrera en vigueur en 2019.
La réforme de la fiscalité du patrimoine sera complétée par la mise en place d’un taux de prélèvement unique d’environ 30 % sur les revenus de l’épargne. C’est simple, efficace et compétitif. La France se rapprochera ainsi de la moyenne européenne.
Au final, Mesdames et Messieurs les Députés, vous le voyez, l’ensemble de ces mesures fiscales sera voté dès cette année et engagé dans les deux années qui viennent.
Une fiscalité au service de l’activité, c’est important, mais investir dans les secteurs d’avenir, c’est encore plus décisif. C’est pourquoi nous lancerons un grand plan d’investissement de 50 milliards d’euros dans les domaines de la transition écologique, du développement, des compétences, de la santé, des transports, de l’agriculture et de la modernisation de l’Etat.
J’ai missionné Monsieur Pisani-Ferry pour le concevoir et prévoir et préparer son déploiement. Une partie de cet investissement viendra financer des réformes structurelles de notre économie et de la sphère publique. On économise durablement d’un côté, on investit dans l’avenir de l’autre. Investir dans l’avenir, c’est aussi soutenir notre industrie.
Je n’ai jamais été impressionné par ceux qui rêvaient d’une industrie sans usines et jamais convaincu par ceux qui envisageaient une France sans industrie mais la réalité est sombre. Derrière les succès réels de certains, la désindustrialisation de notre tissu productif s’accélère. Pour redresser la tête et redevenir conquérants, nous devons nous renforcer.
Certaines de nos filières, comme l’aéronautique, sont déjà remarquablement intégrées à la pointe de la technologie mais nous avons beaucoup d’entreprises industrielles, souvent de trop petite taille, souvent trop isolées des groupes qui leur permettraient de s’épanouir. Nous devons donc tisser un réseau industriel puissant de PME et d’ETI et accompagner son développement à l’export.
Il nous reviendra aussi de tirer le plus grand parti possible des opportunités ouvertes par la révolution numérique qui doit être une chance pour tous : pour les entrepreneurs qui créent des start-up, bien sûr, mais aussi pour les TPE-PME, pour ceux qui sont nés avec la révolution digitale comme pour ceux qui en sont éloignés.
La révolution de l’intelligence artificielle est devant nous, elle est en vérité déjà là et elle nous touchera tous, dans tous les domaines de la production. Ceux qui font mine de l’ignorer seront les premiers saisis par sa puissance. Nous devons nous y préparer pour faire une chance disruptive et non la subir comme une fatalité destructive.
Le secrétaire d’Etat au Numérique me proposera dans les trois mois une méthode permettant d’associer les meilleurs spécialistes de ce domaine à la définition d’une stratégie nationale pour l’intelligence artificielle.
Renouer avec l’esprit de conquête, c’est aussi embrasser avec enthousiasme l’incroyable défi que posent les grandes transitions du monde, au premier rang desquelles la transition écologique. Ceux qui, par égoïsme ou inconscience, tournent le dos à l’Accord de Paris sur le climat manifestent plus qu’une simple incompréhension du monde, ils montrent qu’au fond, ils ont peur du futur.
L’autruche est sans doute un animal sympathique, Mesdames et Messieurs les Députés, mais mettre sa tête dans le sable n’a jamais préparé personne à affronter l’avenir. Il nous revient donc de préparer notre pays et notre planète à cette nouvelle ère, de ne pas la subir mais de la façonner. Tout a été écrit sur le sujet, depuis les remarquables livres de Jared Diamond jusqu’au témoignage saisissant de ceux qui parcourent inlassablement la planète pour éveiller les consciences.
Notre rapport aux ressources doit être profondément modifié. Notre cap sera simple à formuler mais ambitieux et exigeant. Nous voulons arriver à la neutralité carbone d’ici 2050. C’est pourquoi nous n’attribuerons plus de nouveau permis d’exploration d’hydrocarbures. La convergence diesel-essence sera atteinte avant la fin de la mandature. La montée en puissance de la fiscalité carbone sera accélérée et nous diviserons par deux les déchets mis en décharge et recyclerons 100 % des plastiques sur tout le territoire d’ici 2025.
Nous partirons du principe simple qu’il est toujours préférable de taxer la pollution plutôt que le travail et qu’avant de sanctionner et d’interdire, il vaut mieux encourager et adapter.
Le temps des très grandes infrastructures de transport doit céder la place à des politiques tournées vers de nouveaux modes de mobilité qui associent les nouvelles technologies, le secteur public comme le secteur privé, les micro-entreprises comme les champions nationaux. Les Assises de la mobilité associeront dès la rentrée les usagers, les opérateurs, les collectivités, les ONG pour orienter les investissements en faveur des déplacements quotidiens, plus sûrs, qui désenclavent les territoires.
La loi d’orientation sur la mobilité préparera également l’ouverture à la concurrence que nous ne devons pas redouter ni en France ni à l’étranger. Nos opérateurs nationaux de transport sont déjà des champions à l’international.
Autre domaine où une transition profonde s’impose, le logement. Pour construire de nouveaux logements, une loi à l’automne simplifiera les procédures, en particulier dans les bassins d’emplois les plus dynamiques. Les procédures de permis de construire seront accélérées, les recours abusifs sanctionnés. Au besoin et notamment dans les zones tendues, les autorisations d’urbanisme seront transférées des communes aux intercommunalités pour que les décisions de construire soient prises à l’échelle des bassins de vie.
Dans les 10 ans, nous nous fixons aussi pour objectif de supprimer les passoires thermiques, principales sources de gaspillage énergétique, qui grèvent les budgets des ménages les plus modestes.
Etre conquérant face aux transformations du monde, voilà bien enfin un principe qui s’applique à l’agriculture. La France a longtemps été son agriculture. Par la puissance de sa production, par la marque sur notre géographie, par l’importance qu’elle occupe dans notre imaginaire et dans notre vie, l’agriculture française a fait bien plus que nourrir – et très bien nourrir – les Français. Elle est aujourd’hui confrontée à de multiples transformations : la pression sur le foncier agricole, la répartition insatisfaisante de la valeur entre producteurs et distributeurs, la concurrence étrangère, la multiplication des normes, la nécessité de préserver l’environnement, la demande croissante de consommateurs pour des productions nouvelles et de qualité.
Les agriculteurs français n’ont pas peur de s’adapter. Ils veulent vivre de leur travail, de leur terre et de leurs compétences. Les Etats généraux de l’alimentation reverront le partage de la valeur dans le modèle agricole : il n’est pas admissible que des agriculteurs ne puissent pas se verser un revenu décent et vivent sous le seuil de pauvreté. Ce n’est pas admissible mais c’est courant. Ce doit aussi être notre combat pour la Politique agricole commune de demain.
Ces Etats généraux devront conforter notre confiance en une alimentation plus saine, penser et construire nos modèles futurs, notamment en examinant sans faux-semblants la question des pesticides ou des perturbateurs endocriniens.
Enfin vous permettrez à l’ancien maire du Havre que je suis de rappeler que la France conquérante, celle que voulait François Ier au début de la Renaissance française, était tournée vers la mer. La France conquérante, ce doit être une France qui prend appui sur sa puissance maritime pour créer de nouveaux emplois, notamment dans les filières des énergies marines, et pour capter toujours plus de marchandises grâce à ses grands ports.
Une France conquérante, c’est enfin une France écoutée, respectée et désirée. Je l’ai dit il y a quelques semaines, la France est de retour et singulièrement en Europe. Nous le devons au président de la République, et nous le devons aux Français qui ont adressé deux messages lors des élections : ils sont attachés à la construction européenne et à l’euro, ils veulent une Europe plus concrète, moins tatillonne et plus protectrice.
L’agenda européen de ce gouvernement tient en trois idées. D’abord, tout faire pour réconcilier les Français avec l’Union européenne. Ensuite, œuvrer pour une Europe qui protège, une Europe qui pourra s’appuyer sur une zone euro mieux gouvernée, qui saura faire progresser sa politique de défense, la convergence sociale et notamment la réglementation des travailleurs détachés, une politique commerciale de réciprocité, sans naïveté. Enfin préparer les trois négociations cruciales pour l’avenir de l’Union : la redéfinition de notre projet à 27 avec l’Allemagne et avec ceux de nos partenaires qui voudront aller de l’avant, la conduite d’une négociation ordonnée de sortie du Royaume-Uni comme préalable au cadre de la relation future, les perspectives financières pour l’avenir des politiques de l’Union après 2020.
Enfin le Président de la République a rappelé hier que nous ne concevons pas le redressement de notre pays sans une politique internationale qui rende à la France son statut de puissance d’influence mondiale.
L’esprit de conquête, c’est aussi être capable d’attirer à nous l’intelligence de demain en accueillant toujours plus d’étudiants du monde entier pour enrichir et diffuser nos techniques, notre langue, notre identité ; c’est attirer toujours plus de richesses grâce à notre offre touristique qui constitue un atout économique majeur ; c’est montrer au monde qui nous sommes en organisant les grands événements pendant lesquels la planète nous regardera : la candidature de Paris aux Jeux Olympiques 2024 a mobilisé la France entière autour du sport et de ses valeurs, l’accueil de ces JO offrira, je l’espère, une chance unique de renforcer la place de Paris et la place de la France au premier rang mondial.
Soyons conquérants ! L’évolution du monde donne toutes ses chances à la France parce que ce nouveau monde a besoin de science et de raison, d’ordre et de loi, de technologies et de culture, de dialogue et de solidarité et que la France, c’est tout cela !
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés,
Je ne crois pas à l’omnipotence du politique mais je ne crois certainement pas à son impuissance. Je vous l’ai dit au début de mon propos, et votre Assemblée en est la preuve par sa composition, les bonnes politiques publiques permettent de changer la vie des Français. C’est long, c’est lent, c’est difficile, mais pour reprendre les mots de Simone VEIL, j’ai confiance dans notre capacité à progresser.
Je sais ce que peut la volonté politique quand elle a le soutien de la représentation nationale et de la majorité du peuple français.
J’ai cette volonté, l’ensemble de l’équipe gouvernementale la partage. Elle travaille avec une méthode, celle de l’efficacité, du dialogue et de la collégialité. Cette méthode de travail, le gouvernement la propose aux législateurs que vous êtes en y ajoutant le respect et l’exigence de vérité. J’ai siégé sur ces bancs, je l’ai dit, et je suis trop attaché au rôle et aux prérogatives du Parlement pour qu’il en aille autrement.
Œuvrons ensemble pour qu’à la fin de ce quinquennat, la France ait atteint le cap fixé par le président de la République et que la France ne regrette pas d’avoir choisi l’optimisme et la confiance.
Travaillons pour que le chômage reflue, que les territoires ruraux continuent à vivre, que les quartiers libèrent leurs énergies, notamment grâce au dispositif des emplois francs, que les expatriés reviennent, que les entrepreneurs innovent, investissent et créent des emplois. Travaillons pour que le mérite soit récompensé. Travaillons pour que nos compatriotes vivent mieux. Aucun des défis de la modernité ne doit nous effrayer. L’espoir qui s’est levé fonde notre responsabilité. C’est à cet espoir, Mesdames et Messieurs les Députés, que je vous demande d’accorder votre confiance et c’est la raison pour laquelle, Monsieur le Président, conformément aux dispositions de l’article 49-1 de notre Constitution, j’ai l’honneur d’engager la responsabilité du gouvernement sur la déclaration présente de politique générale.

Réactions des groupes centristes au discours d’Edouard Philippe

- Richard Ferrand pour le groupe La République en marche.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, citoyennes et citoyens qui assistez à ce débat, le Président de la République a réservé à la représentation nationale sa première grande expression politique depuis son élection, dans le droit fil de la Ve République. C’est pour nous, parlementaires, une véritable marque de respect.
Le Président de la République a fixé hier l’objectif de son quinquennat, développé les principes de son action et indiqué la marche qu’il entendait suivre. Les récents résultats électoraux nous ont bien démontré que les Français ne voulaient plus de la façon de voir et de faire la politique qui avait prévalu jusqu’ici.
Le Premier ministre a montré qu’il partageait ce diagnostic. C’est pourquoi il nous appartient ici de développer nos principes d’action, de construire et de faire vivre une manière plus efficace de travailler, ici même, à l’Assemblée nationale.
Nous devons d’abord et avant tout rétablir le lien avec nos concitoyens, qui nous ont donné un mandat de confiance et d’exigence, et renforcer l’efficacité de l’action publique pour obtenir enfin les résultats que les Français appellent de leurs vœux. C’est cette efficacité qui nous incombe.
Le Président de la République a présenté hier les grands traits des réformes institutionnelles que nous avons défendues lors de notre campagne législative. Avec vous, monsieur le Premier ministre, et avec votre gouvernement, nous devons sans délai nous atteler à la tâche.
Monsieur le Premier ministre, là où le Président a dessiné, hier, les contours de l’action de l’exécutif, vous venez de remplir les formes pour nous livrer une image plus complète. Vous venez de donner la méthode pour porter le sens, dire la vérité, travailler avec toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté et obtenir rapidement des résultats.
Vous nous avez fait part des axes concrets qui mettront du fil à notre ouvrage, ainsi que du rythme des réformes qui permettront au pays, dans cinq ans, d’être plus prospère, plus solidaire et plus juste. Hier, je disais au Congrès qu’il fallait nous mettre au travail sans attendre et dès aujourd’hui, en chef d’orchestre, vous déclinez les missions qui répondront à cette volonté collective de retour d’une France conquérante. Déjà au travail, nous voilà bien inscrits dans le registre de cette efficacité que nous prônons.
Vous avez mis en exergue des mots d’ordre qui se traduisent par des mesures tangibles : restaurer la confiance par une justice plus indépendante, plus rapide et plus effective et par une Sécurité sociale à nouveau viable, en faisant de la prévention un pivot de la stratégie nationale de santé ; libérer les médecins des charges administratives, construire avec eux un parcours de soins qui garantisse un égal accès à tous, notamment en luttant contre les déserts médicaux et le renoncement à se soigner.
Restaurer la confiance, c’est aussi réaffirmer le lien entre l’État et les territoires en osant l’expérimentation qui permet d’adapter la norme aux spécificités régionales ; c’est supprimer la taxe d’habitation, aujourd’hui injuste et obsolète pour l’immense majorité des Français – en discutant évidemment avec tous les territoires de métropole et d’outre-mer.
Monsieur le Premier ministre, vous avez aussi parlé de courage. Il nous en faudra et vous en trouverez au sein de cette Assemblée : courage pour lutter contre le terrorisme, pour faire face au défi migratoire avec responsabilité et générosité, courage pour rénover notre modèle social devenu inégalitaire, bouleversé par la mondialisation et la révolution numérique, courage pour rétablir notre situation financière et ainsi notre capacité d’investissement et donc notre indépendance !
Enfin, vous avez dit que vous vouliez une France conquérante dans le domaine économique mais également écologique, agricole et numérique, domaines où tant d’opportunités sont à saisir.
Ces orientations concrètes que vous avez proposées ont reçu à l’instant un accueil extrêmement chaleureux qui s’accompagnera tout à l’heure, je le sais, d’un soutien plein et entier. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM). Car bien sûr, nous débattrons des moyens, nous explorerons les solutions et les méthodes, nous les affinerons, les enrichirons. Mais nous ne différons pas quant au but : faire renaître l’espérance et le goût de l’avenir, ne jamais renoncer à la justice sociale et redonner à tous nos concitoyens la fierté d’être Français.
C’est pourquoi la majorité travaillera de toutes ses forces avec vous et avec votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, avec bienveillance et exigence, dans une logique de co-construction, au service de la nation.
Co-construire, cela signifie que nous trouvions ensemble, très en amont, les solutions les plus adaptées, sans présupposé et sans que les propositions des parlementaires soient vécues comme une marque d’hostilité – bien au contraire.
Les défis auxquels nous faisons face aujourd’hui sont immenses et c’est pourquoi nous devons y répondre collectivement : Gouvernement, élus mais également chaque citoyen et chaque citoyenne. Toutes les forces vives de la nation doivent être à l’œuvre.
Les Françaises et les Français ont exprimé sans détour leur lassitude envers une certaine manière de penser et de faire de la politique, une politique qui se drape parfois dans de beaux principes et de hautes valeurs mais qui ne produit pas assez de résultats. « Le kantisme a les mains pures, mais il n’a pas de mains », disait Charles Péguy ! À ce propos, nos concitoyens ont été clairs : il n’est plus question d’obligation de moyens mais d’obligation de résultats, qu’ils veulent voir vite et de manière tangible
Les Français ont aussi exprimé leur lassitude envers une politique qui n’a pas su se réinventer et qui, depuis des générations, reproduit un modèle qui ne les satisfait pas, voire même qui les détourne de la vie publique, ce qui est une souffrance pour la démocratie. Nos concitoyens se sont donc mobilisés pour nous dire leur soif de renouvellement mais aussi leur envie de se voir proposer un autre paradigme : celui de l’avenir, du possible, du projet, du mouvement. Sachons les écouter – et votre propos, monsieur le Premier ministre, démontre que vous avez su le faire.
Comme mes collègues, j’ai la conviction que les incantations, les débats stériles, les sièges vides, les joutes rhétoriques, les pétitions de principe et autres pluies de truismes nuiront à la crédibilité de ceux qui en usent. (Mêmes mouvements.) Il nous faudra retrouver ensemble la valeur ajoutée du travail parlementaire : ceci vaut tout autant pour la majorité que pour les oppositions. Les Français n’attendent pas de nous un panurgisme majoritaire, pas plus qu’ils n’attendent de l’obstruction surjouée.
Par leur vote, les Français ont aussi témoigné qu’ils ne veulent plus de demi-mesures, d’ajustements à la marge, de rafistolages, mais qu’ils souhaitent une transformation réelle et profonde de notre système économique et social pour reprendre ensemble le chemin du progrès. Cette transformation, mes chers collègues, embrassons-la !
Enfin, au cours des derniers mois, nos concitoyens ont témoigné de leur volonté de s’impliquer dans la construction des politiques publiques qui les concernent directement et ont montré combien ils pouvaient être force de proposition pour trouver collectivement des solutions aux problèmes quotidiens. Alors, consultons-les !
Monsieur le Premier ministre, vous venez d’expliquer comment vous comptiez mettre œuvre le projet du Président de la République et conduire la politique de la nation. Agir concrètement, donner des inspirations nouvelles aux projets de nos concitoyens est le seul antidote au « dégagisme » comme aux conservatismes frileux. Ni l’un ni l’autre n’offrent de perspective. Si j’en comprends les ressorts – tantôt l’exaspération, tantôt la peur de l’avenir – c’est seulement la pertinence et les effets de notre travail qui, demain, pourront être l’alternative à toutes les impasses.
C’est pourquoi nous avons voulu en premier lieu, au sein même de notre Assemblée, un renouvellement sans précédent des visages. Vous l’avez remarqué, monsieur le Premier ministre, et je vous en remercie : notre groupe donne enfin une juste place aux femmes, qui représentent 49 % de nos députés!
Notre groupe accueille 91 % de nouveaux députés, dont la majorité commence leur tout premier mandat électif. Avec 45 ans en moyenne, soit quatorze ans de moins que la moyenne d’âge prévalant sous la précédente législature, nos députés apportent un souffle nouveau, des idées neuves et la pratique d’un monde qui, en quelques décennies, a connu des transformations radicales.
Mais être neuf, en politique, c’est d’abord avoir vécu des parcours variés dont vous avez cité plusieurs parmi les plus singuliers et les plus audacieux, monsieur le Premier ministre. C’est aussi bénéficier d’une multitude de talents et d’expériences professionnelles qui dotent les membres de notre majorité d’une connaissance réelle des attentes de nos concitoyens
Mais, comme sur tous les bancs, les membres de notre majorité sont par-dessus tout des citoyens engagés, partageant des valeurs et forts d’un projet commun. Ils sont toutes et tous prêts à se retrousser les manches pour faire avancer le pays, monsieur le Premier ministre.
Notre intelligence collective doit permettre de remettre la France sur les rails du progrès pour tous. Cette nouvelle énergie qui vous portera, monsieur le Premier ministre, vous et votre gouvernement l’avez dans votre majorité et vous pouvez compter sur elle. Garder le lien avec le « terrain », comme on dit, est au centre du projet de La République en marche et restera toujours au cœur de notre action. Les députés de la majorité s’inscrivent dans cette démarche de proximité en gardant un lien privilégié avec celles et ceux qui leur ont confié leur mandat.
C’est pourquoi nos députés, au-delà du travail législatif au sein de cette Assemblée, animeront et feront vivre régulièrement des ateliers citoyens sur leur territoire, en lien avec l’activité législative.
Nous continuerons également à consulter régulièrement les citoyens en usant de tous les outils à notre disposition. Cette démarche permettra à la fois de recueillir les interrogations, les idées, les critiques et sera également le moyen de faire vivre le débat public hors des échéances électorales car, pour citer Pierre Mendès France, « la démocratie n’est efficace que si elle existe partout et en tout temps »
Dans notre travail quotidien, cessons les postures et les querelles de chapelle et mettons nos idées à l’épreuve de la réalité pour s’assurer qu’elles produiront les résultats escomptés. Reprenons à notre compte un certain nombre des principes qui ont été énoncés hier.
L’efficacité, tout d’abord : légiférons moins, pour légiférer mieux et pouvoir ainsi consacrer davantage de temps aux textes fondamentaux. Répartissons différemment notre temps pour en donner davantage au contrôle et à l’évaluation des politiques publiques. Cette démarche est fondatrice pour garantir un effet réel à notre action et éviter la prolifération des textes.
La proposition du Président de la République de réduire d’un tiers le nombre des membres des trois assemblées constitutionnelles s’inscrit également dans cette logique, et l’enjeu est bien de rehausser le rôle de la représentation nationale. D’autres mesures ont été avancées, mais ces propositions, du fait de l’intérêt qu’elles présentent, devront être étudiées avec une attention particulière. Nous accomplirons ce travail, mais sans nous limiter à cela, car l’imagination aussi a sa place ici, à l’Assemblée nationale !
L’instauration pour les élections législatives d’une dose de proportionnelle, conjuguée avec une limitation dans le temps du cumul des mandats, permettra à la pluralité des opinions d’être mieux représentée et élargira l’accès aux fonctions électives. Mais le renouvellement n’est pas une finalité en soi. L’enjeu est de répondre à la demande des Français d’une transformation tangible de notre modèle. Et cette mission, c’est sans attendre que nous devons commencer à la remplir. C’est ainsi que s’ouvre aujourd’hui une session extraordinaire dont l’ordre du jour témoigne à la fois des changements que nous voulons opérer et de notre volonté de réaliser dès à présent les projets qui ont été portés par le Président de la République et déclinés par le Premier ministre dans son programme du gouvernement.
Il s’agit tout d’abord de restaurer la confiance. Monsieur le Premier ministre, vous en avez fait l’un des maîtres mots de votre discours, et nous vous accompagnerons dans cette démarche. La réforme de la justice sera primordiale, car une justice forte, fiable, efficace et indépendante est une condition sine qua non de la confiance. La loi quinquennale de programmation des moyens de la justice, qui nous sera présentée en 2018, devra nous permettre de satisfaire cette nécessité.
Autre chantier : l’indispensable revitalisation de notre économie.
Monsieur le Premier ministre, vous nous avez exposé la manière dont le Gouvernement entend rétablir notre situation financière, et la méthode qu’il compte adopter pour y parvenir : réduire la pression fiscale qui pèse sur nos concitoyens, faire baisser la dépense publique, qui est bien plus élevée chez nous que dans la plupart des autres pays européens, et donner de la visibilité, à moyen terme, à l’ensemble des acteurs.
Cet enjeu est absolument décisif pour la bonne marche de notre économie. Il doit nous permettre de retrouver des marges de manœuvre pour investir, développer et rénover nos infrastructures, accompagner celles et ceux qui en ont le plus besoin et retrouver notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires européens – condition absolument nécessaire à la relance du projet européen. Pour cela, nous devons concentrer nos dépenses sur nos priorités, là où l’action publique a une réelle valeur ajoutée, et repenser nos politiques publiques. En tant que parlementaires, nous aurons un rôle majeur à jouer dans cette démarche. Et cela commence dès maintenant.
L’examen du projet de loi de règlement, qui arrête le montant définitif des dépenses et des recettes de l’État, sera l’occasion de trouver toutes les sources d’efficience inexploitées et les économies potentielles. Avec ses annexes, et notamment le rapport annuel de performance, nous nous efforcerons de mesurer précisément la performance des dépenses publiques, en évaluant l’utilisation des crédits budgétaires au regard des objectifs fixés. Nous mènerons ensuite le débat d’orientation des finances publiques au cours duquel votre gouvernement nous présentera un rapport sur l’évolution de l’économie nationale et sur les orientations des finances publiques. Cela nous permettra de préciser la stratégie du Gouvernement en matière de réduction des dépenses et de préparer l’examen du projet de loi de finances à l’automne. Enfin, nous inscrirons cette volonté de rétablissement de la situation financière française dans le long terme, avec une loi de programmation des finances publiques.
Pour assurer la sécurité des Françaises et des Français, notre action se déroulera en plusieurs étapes. Le Gouvernement souhaite d’abord prolonger une dernière fois, jusqu’au 1er novembre, l’état d’urgence mis en place au soir des attentats du 13 novembre 2015. Nous partageons cette décision. La loi de programmation militaire, qui nous sera soumise en 2018, devra, quant à elle, donner enfin à notre pays les moyens de se défendre parfaitement, en portant à 2 % du PIB l’effort de défense.
La lutte contre le chômage et la rénovation de notre modèle social constituent un autre axe fondamental. Incapable d’assurer l’égalité entre les citoyens et entre les entreprises, notre modèle social est aujourd’hui inadapté face aux bouleversements que connaît notre économie. Le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social posera la première pierre de ce chantier.
Durant la campagne présidentielle et celle des législatives, nous avons été extrêmement clairs et transparents concernant l’utilisation d’ordonnances. Depuis le début, nous avons expliqué que nous y aurions recours afin de nous attaquer sans tarder au chômage de masse qui mine notre pays depuis trente ans. Les ordonnances nous permettront de légiférer vite et efficacement, tout en garantissant les concertations qui s’imposent avec les représentants des salariés comme avec ceux du monde de l’entreprise.
Agir vite : c’est ce qu’attendent de nous les Françaises et les Français. Nous examinerons donc ce texte pour permettre à votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, de prendre des ordonnances visant à renforcer et simplifier le dialogue social, tant dans l’entreprise que dans la branche, et à sécuriser les relations de travail, tant pour les employeurs que pour les salariés.
Il permettra aussi au Gouvernement de modifier le compte pénibilité pour le rendre plus adapté, plus applicable et donc plus efficace.
Cette loi fait écho au diptyque que nous portons depuis des mois : libérer et protéger. Libérer les entreprises pour les soustraire à des contraintes qui pénalisent leur activité, augmenter leur compétitivité en leur donnant plus de souplesse, et leur permettre d’embaucher plus aisément mais toujours en protégeant les salariés, en améliorant le fonctionnement du dialogue social et leurs conditions de travail, ainsi qu’en renforçant leurs droits. Nous devons construire de nouvelles solidarités collectives, ainsi que de nouvelles sécurités individuelles, qui soient attachées aux parcours, et non aux statuts.
Nous devrons aussi renforcer la formation professionnelle et l’apprentissage et redonner du pouvoir d’achat aux salariés en baissant les cotisations. Ces mesures devront être portées par le projet de loi à venir au printemps 2018.
Un autre message clair que nous pouvons tirer, et que nous devons entendre, des récentes élections est celui de l’existence d’une fracture entre les territoires. Ne faisons pas abstraction de ces inégalités qui minent la cohésion nationale. Les politiques du logement, de la ville et de l’aménagement des territoires doivent obtenir des résultats tangibles, qui démontrent à nos concitoyens qu’aucun territoire de la République n’est délaissé. Nous devons discuter davantage avec nos collectivités, dans une logique concertée, et leur permettre d’expérimenter ; nous devons comprendre les spécificités de chacune d’entre elles. La conférence des territoires comme les assises de l’outre-mer nous en fourniront collectivement l’occasion.
Monsieur le Premier ministre, les Françaises et les Français ont exprimé clairement leurs inquiétudes, leurs attentes et leurs espérances. Il vous appartient maintenant, en première ligne, de répondre à leurs aspirations. Je sais que vous le ferez à la tête d’un gouvernement compétent et engagé, lui aussi paritaire, et divers par les origines professionnelles et politiques de ses membres, symbole du dépassement des clivages que nous appelons de nos vœux pour rassembler dans l’efficacité.
Sachez, monsieur le Premier ministre, que vous trouverez à vos côtés le groupe majoritaire, que je suis fier de présider, pour donner vie à ce programme et en construire, ensemble, l’application concrète.
Monsieur le Premier ministre, vous êtes Normand, je suis Breton. Nous savons tous deux ce que naviguer veut dire, que la mer soit calme, agitée ou que gronde la tempête. Notre cap est clair, il a été fixé hier par le Président de la République. Vous venez, devant nous, de tracer la route pour vous assurer du succès de notre engagement au long cours. Votre équipage est prêt à faire face aux vents grossissants, et peut-être aux courants contraires. Notre espérance n’est pas celle d’un long fleuve tranquille ; notre espérance rejoint celle des explorateurs d’un nouveau monde, que nous voulons conquérir et aborder au service de notre pays.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, « la France se sait un futur, mais elle ne se voit pas d’avenir » disait Pierre Nora. À nous d’ouvrir les voies d’un avenir meilleur pour notre pays. Monsieur le Premier ministre, c’est avec cette volonté chevillée au corps que nous voterons la confiance à votre gouvernement.

-  Marc Fesneau, pour le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, avec l’élection du Président de la République et de l’assemblée que nous constituons, les Français ont fait le choix d’une alternance véritable et d’un bouleversement du paysage politique que nous connaissions depuis des décennies.
Ce bouleversement n’est pas le fruit du hasard, mais la conséquence directe d’années d’échecs, de promesses non tenues, d’incapacité à conduire les réformes profondes que le pays attendait. Finalement, ce choix nous oblige tous.
Monsieur le Premier ministre, le gouvernement que vous conduisez s’inscrit pleinement dans cette volonté de recomposition de notre vie politique à laquelle vous avez pris toute votre part en dépassant les clivages stériles, artificiels et finalement inefficaces.
Nous siégeons ici avec la modestie de ceux qui connaissent – pour en avoir été témoins – les échecs du passé, et avec l’ambition ferme, monsieur le Premier ministre, de ceux qui entendent rompre avec le mal français des alternances inutiles, des rendez-vous manqués et des espoirs déçus.
Un mot, à ce stade, de la recomposition politique à l’œuvre : j’entendais avec un peu d’étonnement hier, lors du Congrès, certains de nos collègues parlementaires douter de son efficacité ou de sa lisibilité. Dépasser les clivages anciens – ce ne sont pas là des mots creux –, ce n’est pas renoncer aux différences ni affadir les débats. C’est rassembler ceux qui, sur les grands enjeux essentiels, pensent, depuis bien longtemps, la même chose et qu’une bipolarisation artificielle avait jusque-là séparés et empêchés de travailler ensemble. C’est au contraire, en définitive, apporter de la clarté et constituer la majorité et les oppositions autour des véritables lignes de fracture qui existent entre nous.
Alors, monsieur le président Olivier Faure, je ne sais pas si la politique qui va être menée sera de droite et de gauche : vous l’appellerez comme vous voudrez, selon les schémas anciens que vous reprenez et dans lesquels les Français ne reconnaissent plus.
Cette politique est en tout cas au service de la France et de son redressement : c’est bien cela, et uniquement cela, qui compte. Il y a un cap clair, tracé à partir d’un constat et d’ambitions partagées par la majorité et par le gouvernement, il y a un contrat avec la nation. De ce point de vue, si l’on se réfère à l’histoire politique récente, il s’agit d’une nouveauté.
Monsieur le Premier ministre, la première tâche de votre gouvernement et de cette nouvelle assemblée est de retrouver la confiance de nos concitoyens. Cette confiance sera rétablie à deux conditions. La première est de modifier nos pratiques et notre rapport à la démocratie. C’est tout le sens de notre soutien au projet de loi pour la confiance dans notre vie démocratique qui sera débattu prochainement et auquel nous sommes très attachés.
Cela va de pair avec la réforme institutionnelle évoquée hier par le Président de la République : meilleure représentativité des grands courants de la vie politique, réduction du nombre des parlementaires avec, en corollaire, un renforcement de leurs moyens car il ne faudrait pas céder à la démagogie et à l’ambiance inquisitoriale du moment, amélioration des procédures. Tout cela va dans le bon sens.
La deuxième condition a trait à la méthode et à l’état d’esprit tant de notre action parlementaire que de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, avec une nouvelle alliance de la loi et du contrat, du dialogue et du respect, le refus de l’anathème. En résumé, il s’agit d’une stratégie du dépassement des antagonismes que nous connaissions.
Mais rétablir la confiance n’est pas seulement affaire d’institutions ni de méthode. En effet, rétablir la confiance, c’est aussi croire en notre économie, en nos entreprises et en leur faculté à assurer la prospérité de notre pays et de nos concitoyens. C’est également réconcilier la France avec ses entrepreneurs et porter sur eux un regard autre que convenu et, disons le, tellement caricatural ; c’est conjuguer compétitivité et justice sociale en soulignant l’indivisibilité des enjeux économiques et sociaux. Il faut libérer l’activité en permettant à ceux qui peuvent et qui veulent entreprendre de pouvoir le faire, leur donner de l’autonomie, de la liberté et même la possibilité d’échouer car c’est à ce prix-là que l’on leur offre aussi la possibilité de réussir. C’est pourquoi nous vous soutiendrons lors de l’examen du projet loi sur le renforcement du dialogue social comme de l’ensemble des réformes qui, dans les mois à venir, consolideront ce texte pour lutter résolument contre le chômage.
Au-delà des postures d’appareil, essayons, sans dogmatisme ni idéologie, de voir ce qui fonctionne, ce qui ne marche pas ou ne marche plus.
Rétablir la confiance, c’est aussi rétablir l’équilibre de nos comptes publics. Il faut le faire vis-à-vis de nos financeurs bien sûr, de nos partenaires européens bien évidemment, mais peut-être en premier lieu, et sur le fond, vis-à-vis des générations futures car il y va de leur confiance. Comment trouverions-nous en effet le moindre crédit politique auprès des jeunes générations si on ne leur offre comme seule perspective que le remboursement de dettes dont elles ne sont pas comptables ? Cette dette-là, comme la dette écologique, est terrible parce que, si elle n’est pas apurée, elle privera ceux qui nous succéderont de toute capacité à agir et, en définitive, de tout espoir – la dette écologique les privant, elle, tout simplement de la possibilité de vivre.
Régler la question de la dette n’est donc pas une question comptable : c’est d’abord, et avant tout, une question morale vis-à-vis des Français et en particulier des plus jeunes d’entre eux. Dans la droite ligne de nos engagements anciens, nous soutiendrons donc toutes les initiatives que vous avez, monsieur le Premier ministre, annoncées pour remettre de l’ordre et de la cohérence dans nos finances publiques.
Nous devrons le faire tout en gardant le cap des engagements pris devant les Français, notamment sur le pouvoir d’achat et les investissements publics, par exemple dans le domaine de la transition énergétique. Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d’avoir tout à l’heure réaffirmé le cap des réformes.
Rétablir la confiance, c’est aussi s’adresser aux Français de tous les territoires. Élu, comme nombre d’entre nous, d’un territoire à la fois urbain et rural, j’assume cette complémentarité et en suis fier. Je n’oppose pas les deux et mets en garde contre la tentation de le faire. Veillons à ce que ne se construisent pas deux France que leur fonctionnement rendrait irréconciliables : une France pleinement partie prenante de la mondialisation et une France rurale, mais aussi urbaine, qui se verrait cantonnée au seul rôle de spectatrice du monde.
Pour ces territoires, la puissance publique, dans des formes qu’il nous faudra renouveler, devra s’exercer pleinement. L’on n’imagine jamais assez le sentiment terrible de déclassement que ressentent les habitants d’un village ou d’un quartier lorsqu’ils voient leur dernier médecin partir, leur école fermer ou leur dernier commerce disparaître.
Nous avons, parallèlement, besoin de redonner à chaque territoire sa fierté en lui donnant un rôle, j’allais dire une vocation, dans la production de richesses nationales. L’identité d’un territoire tient en effet à son identité économique, aux savoir-faire de ses ouvriers, de tous ses salariés et de tous ses entrepreneurs. Les potentialités offertes par les technologies du futur, par les défis énergétiques et alimentaires ainsi que par l’émergence d’une nouvelle économie sont autant d’opportunités à saisir pour peu que nous ayons une véritable stratégie économique territoriale et une politique cohérente d’aménagement du territoire.
Rétablir la confiance, c’est enfin retrouver et redonner du sens à notre destin européen. Parler d’Europe c’est en effet, comme vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre, parler du destin de la France.
Nous ne sous-estimons pas les imperfections du système européen, en particulier la question de sa légitimité démocratique, qui doit être renforcée. Si elle veut retrouver son crédit auprès des peuples, l’Europe doit se saisir principalement des sujets qui justifient d’une stratégie et d’une politique européennes. Grandes politiques industrielles, sécurité commune, climat, défense européenne, convergence économique et sociale : tels sont les enjeux à inscrire d’urgence à l’agenda européen.
Monsieur le Premier ministre, j’aurais voulu vous parler d’éducation et de culture, parce que la société que nous avons à construire procède, en premier lieu, de cela. J’aurais également voulu vous parler de santé et de solidarité, car il s’agit là à la fois d’un défi et d’un devoir envers les plus fragiles. Nous aurons l’occasion, au cours des travaux parlementaires, de nous retrouver sur ces sujets, mais sachez que notre groupe sera pleinement actif et investi sur ces thématiques essentielles.
Monsieur le Premier ministre, la confiance que le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés s’apprête à voter à votre gouvernement est forte. Elle est loyale, elle est exigeante, tant les défis sont nombreux. Elle est forte de tous les espoirs que portent les Français pour que notre pays retrouve fierté et optimisme : c’est aussi, d’une certaine façon, en leur nom que nous allons voter en ce sens.

- Stéphane Demilly pour le groupe Les Constructifs-UDI
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, chers collègues, je souhaite, dans un premier temps, monsieur le Premier ministre, au nom de mon groupe, vous adresser nos sincères félicitations pour votre nomination comme Premier ministre de la France. Nous vous souhaitons, dans l’intérêt de notre pays et de nos concitoyens, une pleine réussite.
Mon propos s’articulera autour des trois idées fortes qui ont présidé à la création de notre groupe parlementaire composé d’élus de la droite et du centre : d’abord, le souhait d’être constructif, ensuite, la liberté de penser, enfin, le discours de la vérité.
De tous les actes politiques, le plus complet est effectivement d’abord celui de construire. Le progrès ne peut pas être hémiplégique : essayons, dès lors, de construire tous ensemble un présent dont nous serons fiers demain.
Benjamin Disraeli disait : « Nul gouvernement ne peut être longtemps solide sans une redoutable opposition ». Cette opposition doit donc être respectée – ce que l’on oublie parfois quand il y a une majorité très large – mais elle doit aussi, pour être profitable au pays, être intelligente.
Je pense comme contre-exemple à ceux qui se sont toujours opposés aux réformes des retraites. Où en serions-nous aujourd’hui si nous les avions écoutés ? Je pense aussi, bien entendu, à ceux qui se sont opposés avec une rare violence dans cet hémicycle à la loi Veil sur l’avortement.
Avec le recul, on voit bien que l’opposition systématique, arrogante et ne se complaisant que dans des rapports de force, est absurde et même dangereuse : rien n’est en effet plus rare que le discernement dans la négation. Être toujours négatif, suspicieux et méprisant n’est pas et n’a jamais été un moteur de progrès ! Les tenants d’une opposition de principe devraient d’ailleurs méditer cette pensée selon laquelle toute vérité franchit en général trois étapes : elle est d’abord ridiculisée, puis fait l’objet d’une vive opposition, et, enfin, est considérée comme ayant toujours été une évidence.
Dans notre groupe parlementaire, qui se veut un laboratoire de la nouvelle politique, nous avons le privilège, particulièrement rare, de ne pas, ou plutôt de ne plus, être enfermés dans des carcans partisans.
D’ailleurs, au-delà d’un groupe parlementaire, ce qui nous réunit chez les Constructifs, c’est un état d’esprit : celui de ne pas raisonner de façon archaïque dans un monde qui bouge vite. Nous ne sommes pas des idéologues. Forts de nos expériences locales – denrées devenues plus rares dans l’hémicycle –, nous sommes des pragmatiques, qui considérons qu’une bonne idée, juste et efficace, d’où qu’elle vienne, n’a pas d’odeur, et qu’elle doit tout simplement être mise en œuvre ! Nous assumerons donc pleinement notre rôle de parlementaires, en toute indépendance, sans parti pris et sans a priori. J’espère, mes chers collègues, que vous serez nombreux à nous rejoindre dans cette voie vertueuse, qui participe à la modernisation et au dynamisme de notre vie politique.
Le Parlement doit être une lumière pour l’intelligence ; nous devons y réenchanter le débat politique.
En liaison avec ce qui vient d’être dit, le deuxième trait de caractère de notre groupe est la liberté de penser. Nous avons décidé de nous affranchir des jeux politiciens partisans et stériles, et nous nous prononcerons selon notre libre arbitre, notre conscience et les valeurs que nous portons.
Un élu politique doit être capable de s’élever au-dessus des facilités manichéennes pour définir sa conduite en toute sérénité. Avec le recul, nous avons appris qu’il fallait se méfier des professionnels de la vérité, la quantité de certitudes étant souvent un bon indicateur du niveau d’ignorance.
Un enseignement que nous devons tirer du message fort que nous ont adressé les Français est que trop souvent les partis politiques sont en retard sur les idées.
Cette liberté de penser et de dire nous permettra d’accompagner sans retenue votre volonté affichée d’accélérer la transition écologique et énergétique. Nous prendrons part à ce débat essentiel en formulant des propositions ambitieuses et crédibles, et en suivant de près la réalisation de grandes infrastructures dont l’intérêt économique et environnemental a été maintes fois démontré.
Vous pourrez aussi compter sur nous pour soutenir les réformes de notre système éducatif et toutes les mesures visant à accroître l’égalité des chances au sein de notre jeunesse.
Cette liberté de penser et de dire nous fera porter un regard critique sur votre souhait de réformer le droit du travail par ordonnances. Si nous pensons, nous aussi, que le droit du travail doit être simplifié rapidement et que les accords d’entreprise devraient être renforcés et la place des branches redéfinie, il nous semble néanmoins difficilement acceptable que cela se fasse sans que la représentation nationale puisse en débattre sereinement. C’est pourquoi nous vous demandons d’associer les différents groupes parlementaires à l’élaboration des ordonnances.
Cette liberté de penser et de dire nous amènera à nous opposer nettement au projet d’augmentation de la contribution sociale généralisée, qui, en l’état, conduirait à pénaliser les retraités et les professions libérales. De même, nous considérons que le projet de suppression de la taxe d’habitation risque d’asphyxier davantage encore des milliers de communes déjà soumises par l’ancien gouvernement à une diète budgétaire sans précédent.
Profondément attachés à la décentralisation et à l’autonomie des collectivités territoriales, nous ne pouvons accepter cette dépendance supplémentaire vis-à-vis de l’État.
Nous serons donc libres de nos propos, libres de nos positions, libres de nos votes. Cette liberté que nous revendiquons prendra forme dès aujourd’hui, puisque, au sein de notre groupe, certains voteront la confiance tandis que d’autres – la majorité – s’abstiendront. Entre le panurgisme rabelaisien et la critique pavlovienne, notre groupe, comme Jean-Louis Borloo l’avait dit à cette même place il y a cinq ans, sera la vigie lucide, indépendante et exigeante de cette législature !
La volonté d’être constructif ; la liberté de penser ; enfin, troisième valeur forte de notre groupe parlementaire : la volonté de vérité.
L’exigence de vérité sous-tend une exigence de savoir. On ne peut pas décider des lois de la République sans la connaissance nécessaire. Les élus politiques ont le devoir de savoir, de comprendre et de dire la vérité à leurs concitoyens, dans la mesure où ils ont été élus pour les représenter. La clef du redressement sera d’abord un constat partagé.
Pierre Mendès France le disait très bien : « Le citoyen doit comprendre qu’au-dessus des intérêts particuliers, même très respectables, l’intérêt général doit toujours dominer : c’est le civisme ». Pour notre groupe, cette exigence de vérité, et de vérité partagée, est fondamentale.
Je pense tout particulièrement à la situation financière de notre pays, dont la Cour des comptes vient de nous rappeler la triste réalité – ou plutôt, pardonnez ce pléonasme, la vraie réalité ! Nous vous invitons à prendre des mesures fortes afin de ramener notre déficit public sous la barre des 3 %, conformément à nos engagements européens, et cela dès 2017.
Notre dette est tellement astronomique qu’on finirait par penser qu’elle n’est que théorique et virtuelle. Pourtant, il faut regarder la vérité en face, car la cacher, la masquer ou la travestir, c’est prendre le risque, si elle est découverte, d’un ressentiment violent dans la population, qui aura eu le sentiment légitime d’avoir été infantilisée et trompée.
La vérité, c’est aussi rappeler que notre avenir sera européen ou qu’il ne sera pas. Il faut réinventer l’Europe, refonder l’idéal européen qui avait, pour reprendre ses propos, réconcilié Simone Veil avec le XXe siècle – comment ne pas penser à cette grande dame aujourd’hui ? Il faut faire de l’Europe un bouclier contre les menaces mondiales, et contre la menace intérieure d’un nationalisme exacerbé qui mènerait au déclin intellectuel et économique.
La vérité, c’est aussi nos quartiers délaissés, avec la quasi-disparition de la politique de la ville, c’est une agriculture aux abois, avec les inacceptables impayés de la politique agricole commune, c’est une ruralité méprisée, humiliée et abandonnée : abandonnée financièrement, abandonnée médicalement, abandonnée par les services publics, par les opérateurs du téléphone et de l’internet ; une ruralité qui ne peut se faire entendre qu’en manifestant démocratiquement dans l’extrême.
Écoutons ce coup de colère et n’oublions pas, comme le rappelait Francisco de Goya, que le sommeil de la raison engendre des monstres ! Et comme dénoncer sans proposer est sans intérêt, nous vous soumettons une idée simple : la création d’une Agence nationale de la rénovation rurale, afin de prendre à bras-le-corps le problème !
La vérité, c’est la nécessaire révolution numérique de notre société : il existe un réel risque de perte de souveraineté économique, sécuritaire et sociétale face aux géants étrangers, notamment américains.
La vérité, c’est notre magnifique outre-mer, qui renferme 80 % de notre biodiversité et représente 97 % de notre espace maritime. Cet outre-mer sera confronté, dans les semaines qui viennent, à des décisions lourdes de conséquences – je pense tout particulièrement à la Nouvelle-Calédonie.
Quand on demandait à Kant si l’on vivait déjà dans l’époque des lumières, une époque vraiment éclairée, il répondait : « Non, mais dans une époque en voie d’éclairement. ». Telle doit être notre vocation, à nous les parlementaires : recommencer tous les jours le travail de construction d’une société meilleure, en préservant l’héritage du passé, en faisant preuve d’innovation, de réalisme, d’écoute, de sens critique et de discernement.
Le discernement : nous aimons ce mot en politique ! Et c’est ce que nous appliquerons, avec notre groupe, dans notre groupe ; ce sera un groupe d’opposition éclairée, à la plus-value constructive, un groupe libre, attaché à la vérité, un groupe, enfin, qui n’aura qu’un seul objectif : faire gagner la France !