mardi 3 mars 2015

Une Semaine en Centrisme. Comment expliquer la mansuétude de l’UDI pour Bachar Al-Assad?

Le voyage à Damas d’une délégation de quatre parlementaires français pour y rencontrer le dirigeant du pays, Bachar Al-Assad et dans laquelle se trouvait François Zocchetto, sénateur-maire UDI de Laval, a provoqué de nombreux remous et de réactions négatives (voir, par exemple, la tribune de Jean-François Borrou sur notre site).
Alors qu’une majorité de la classe politique mais aussi de Français condamnent cette visite à un régime dictatorial selon un sondage IFOP pour le JDD, l’UDI joue une partition différente, tant au niveau de ses dirigeants que de ses sympathisants.
Pendant que François Zocchetto tentait de justifier sa poignée de main à Assad tout en ne regrettant pas une seconde son déplacement, Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, soutenait celui qui est le président du groupe centriste au Sénat, tout comme d’ailleurs Hervé Morin et Jean-Christophe Fromantin, deux anciens candidats à la présidence et tous deux députés.
De plus, tous estiment qu’il faut dès à présent renouer le dialogue avec Assad.
Jean-Christophe Lagarde se montre même particulièrement virulent contre François Hollande et la manière dont il mène la lutte contre Daesh pour soutenir l’initiative de Zocchetto.
Quant aux sympathisants UDI, ils sont 57% à approuver cette visite (dont 14% «tout à fait») ce qui en fait le seul groupe de sondés dans ce cas (les sympathisants du MoDem étant 51% à la désapprouver, de même que 56% de ceux qui ont voté Bayrou à la présidentielle de 2012 ainsi que 71% des Français).
En outre, ils estiment à 70% qu’il faut renouer le dialogue avec le régime d’Assad (56% des Français y étant à l’inverse opposés).
Enfin, ils sont 77% à vouloir une intervention militaire en Syrie (les plus nombreux du panel devant ceux du MoDem à 72%).
Comment expliquer cette étonnante particularité de l’UDI et de ses sympathisants – plutôt classés dans les modérés – au vu des valeurs du Centre et de la nature même du régime syrien dont les exactions sont monstrueuses et fort documentées?
La réponse se trouve dans la sociologie politique avec une référence indispensable aux croyances religieuses.
L’UDI – tout comme le MoDem – se revendique comme un héritier de la démocratie chrétienne.
La montée de l’Islam et, surtout de l’islamisme violent et du terrorisme version Al Qaida, Daesh et Boko Haram, est une préoccupation majeure pour les adhérents et les sympathisants du parti centriste.
Surtout quand ce terrorisme décide de s’attaquer aux chrétiens et plus particulièrement, pour l’instant, à ceux qui se trouvent encore au Moyen Orient, de l’Egypte à la Syrie en passant par l’Irak ou la Libye.
Ainsi, Jean-Christophe Fromantin estime, dans une interview au Parisien, «indispensable» de dialoguer avec le régime de Damas, parlant de «tendance génocidaire» des islamistes à l’encontre des chrétiens d’Orient alors que, selon lui, au temps d’une Syrie dirigée entièrement par Assad «chrétiens et musulmans cohabitaient de façon apaisée».
Mais c’est tout autant par solidarité avec ces chrétiens qui sont victimes de meurtres et de cruautés inacceptables que par une volonté de faire barrage dès à présent à une possible exportation sur le sol européen et français de cette violence aveugle et bestiale que le réflexe est de s’allier avec tous ceux qui se battent (ou prétendent de le faire comme Assad qui, en réalité, instrumentalise les exactions contre les chrétiens à son profit tout en laissant faire Daesh) contre le terrorisme islamiste.
C’est de cette façon que l’on peut également comprendre le soutien tout aussi étonnant de nombreux leaders centristes à Vladimir Poutine qui est considéré comme le rempart de la civilisation chrétienne, à la fois, dans sa lutte contre l’Islam radical dans son pays mais aussi dans son soutien au régime d’Assad.
Est-ce à dire que l’UDI et ses sympathisants pensent que nous sommes entrés dans une nouvelle guerre de religion?
Hervé Morin a ainsi déclaré sur France 2 qu’«on est dans un climat qui, de près ou de loin, s’approche de cette guerre des religions dans laquelle nous sommes en train de, progressivement, aller».
Néanmoins, un autre sondage réalisé par l’IFOP pour le site Atlantico en rapport avec les attentats de Paris montre que les sympathisants ne vont pas, encore, dans ce sens.
Ainsi, 65% des sympathisants UDI estimaient qu’il «ne faut pas faire d’amalgame, les musulmans vivent paisiblement en France et seuls des islamistes radicaux représentent une menace».
Reste que selon un sondage IPSOS-Le Monde, 70% des sympathisants de l’UDI (la plus forte proportion pour un groupe) estiment que la France est en guerre contre le terrorisme islamique (contre 53% pour l’ensemble des Français).
Dans le même sondage 50% des sympathisants UDI estiment que l’Islam n’est pas «une religion compatible avec les valeurs de la société française».
Mais, ce qui confirme, en tout cas, la forte base religieuse des électeurs de l’UDI est que 60% désapprouvent et sont opposés à la publication de caricatures du style de Charlie Hebdo qui, rappelons-le, ciblent souvent le christianisme et plus spécifiquement la religion catholique.
C’est le pourcentage le plus élevé du panel à égalité avec l’électorat UMP.
Dès lors, il est plus facile d’expliquer les réactions des responsables et des sympathisants de l’UDI au voyage des quatre parlementaires en Syrie.
De même, on peut également expliquer que les sympathisants UDI soient moins regardant sur les atrocités du régime d’Assad (qui ne visent pas spécifiquement les chrétiens) que sur celles des jihadistes de Daesh (qui s’abattent de plus en plus sur les chrétiens).
Par ailleurs, le premier ne risque pas d’intervenir militairement en France alors que les seconds menacent notre pays constamment et les attentats du 11 janvier dernier ont prouvé leur pouvoir de nuisance et de mort.
Dès lors, faire alliance avec Assad n’est avant tout, pour l’UDI et son électorat, qu’un moyen d’éliminer la menace terroristes contre l’Europe et la France.
Cependant, il est plus difficile de comprendre comment un parti et des sympathisants qui se disent humanistes peuvent vouloir autant faire alliance avec un tyran contre des terroristes, l’un tout autant sanguinaire que les autres.
L’angoisse, voire la peur, est sans doute un élément moteur qui permet de détourner le regard des charniers du régime au nom du principe de réalité que les relations extérieures, même d’une démocratie, ne se font pas avec des principes humanistes mais avec la recherche d’une efficacité maximum en fonction du but à atteindre.
Pourtant, il est sans doute faux de croire qu’Assad est incontournable dans le combat contre Daesh, lui qui, ne contrôle plus qu’une infime partie du territoire syrien et dont la parole ne vaut pas grand chose.
Se battre victorieusement contre l’organisation terroriste est possible sans passer une alliance avec Assad.
Enfin, n’oublions pas que le régime syrien est un régime terroriste depuis longtemps.
Dirigé alors par le père de Bachar, Hafez, il a été responsable de nombreux attentats meurtriers ayant touché notamment la France, entre autres celui de l’immeuble du Drakkar à Beyrouth qui fit 58 morts, tous militaires français venus défendre les chrétiens du Liban, le 23 octobre 1983, revendiqué par un des grands amis du régime… l’Organisation du Jihad Islamique!
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

(Sondage IFOP pour le JDD réalisé les 26 et 27 février 2015 par internet auprès d’un échantillon de 1.007 personnes de plus de 18 ans représentatif de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points)
(Sondage IFOP pour Atlantico réalisé les 19 et 20 février 2015 par internet auprès d’un échantillon de 1.002 personnes de plus de 18 ans représentatif de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points)
(Sondage IPSOS pour Le Monde réalisé les 21 et 22 janvier 2015 par internet auprès d’un échantillon de 1.003 personnes de plus de 18 ans représentatif de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points)



Actualités du Centre. Sondage «bon président»: trois personnalités de l’axe central dans les cinq premiers

Le quotidien libération vient de publier la seconde vague de son baromètre réalisé par la société Viavoice sur ceux et celles qui feraient un «bon président» en 2017.
Les résultats montrent que trois personnalités situées sur l’axe central de l’échiquier politique (du social libéralisme de gauche au libéralisme réformiste de droite en passant par le libéralisme social et humanisme du centre) sont dans les cinq premières places.
Ainsi, on trouve en tête Alain Juppé (UMP) dont 48% des personnes interrogées estiment qu’il ferait un bon président.
En deuxième position, on trouve Manuel Valls (PS) à 40% et en cinquième position, François Bayrou (MoDem) à 30%.
Les deux autres personnalités classées dans les cinq premiers sont Nicolas Sarkozy (UMP, troisième à 37%) et François Fillon (UMP, quatrième à 33%).
Par rapport à la précédente vague de décembre 2014, Alain Juppé gagne un point, Manuel Valls, huit points, Nicolas Sarkozy six points, François Fillon sept points et François Bayrou six points.
Marine Le Pen (FN) classée quatrième lors de la première vague, rétrograde à la sixième place à 29% (avec un gain de deux points).
A noter qu’Emmanuel Macron (PS), le ministre de l’Economie et autre personnalité de l’axe central, se trouve en neuvième position à 23% et gagne une place (gain de six points).
Quant aux leaders de l’UDI, aucun ne se trouve dans les vingt premiers du classement.
Lors de la première vague, Jean-Christophe Lagarde était à 5%.

(Sondage Viavoice réalisé du 18 au 23 février 2015 par internet auprès d’un échantillon de 1.000 personnes de plus de 18 ans représentatif de la population française / méthode des quotas / marge d’erreur de 3 points)