vendredi 1 juillet 2022

Une Semaine en Centrisme. Macron, bon programme, mauvaise stratégie

Macron, le soir de sa victoire à la présidentielle

Certains commentateurs ont expliqué doctement qu’Emmanuel Macron n’avait pas de programme pour les législatives et que c’était une des raisons, voire la principale, de l’absence de majorité absolue des partis qui le soutiennent à l’Assemblée nationale.

Notons que ce sont exactement les mêmes qui critiquaient son programme trop précis lors des présidentielles!

Programme ou pas programme, il faut choisir!

On retrouve bien là, la critique systématique qui s’est imposé dans un monde politico-médiatique qui n’en finit pas de régler ses comptes avec le disrupteur de 2017 ainsi qu’avec le Centre, toujours accusé d’illégitimité par la Gauche et la Droite.

On pourrait s’en amuser si cette attitude hautement irresponsable ne fragilisait pas encore et encore la démocratie républicaine libérale qui n’a vraiment pas besoin de ces attaques pour vaciller actuellement.

Par ailleurs, au nom de quoi le vainqueur de la présidentielle aurait du présenter un nouveau programme moins d’un mois après le scrutin qu’il venait de remporter haut-la-main?!

Cela n’a évidemment aucun sens.

D’autant que, n’en déplaise à ses opposants, le programme présidentiel est globalement bon et comporte nombre de réformes nécessaires pour continuer à mettre la France sur le bon chemin en ce début de troisième millénaire sans oublier une vraie vision politique qui peut apaiser les tensions dans le pays tout en continuant à le faire rayonner à l’extérieur.

Bien évidemment, la situation mondiale, qui a dérapé par une reprise économique débridée où les tensions se sont vite faites jour sur nombre de ressources indispensables mais limitées en quantité et surtout par l’invasion par Poutine de l’Ukraine qui a détruit en grande partie la dynamique vertueuse que les pays occidentaux avaient réussi à porter grâce à leurs décisions courageuses lors de la crise de la covid19, nécessite des ajustements qui, pour certains, ont été faits.

Si ce n’est le programme, la faiblesse qui n’a pas permis à Emmanuel Macron d’obtenir une majorité absolue à l’Assemblée nationale vient donc de la stratégie suivie.

Elle a été généralement mauvaise, qualificatif qui est parfois un euphémisme!

D’abord, on se demande si elle a été vraiment pensée ou s’il elle n’a été qu’une suite de réactions soit face aux événements, soit aux attaques qui se succédaient ce qui pourrait expliquer une impression de flou et d’improvisation.

Ce qui en dit long sur la difficulté du camp présidentiel à avoir dominé son sujet en matière de communication et à imposer les termes du débat.

Il faut dire, également, que la lenteur de la nomination de la nouvelle équipe gouvernementale qui a, de plus, paralysé l’action des ministres encore en place, a été ressentie comme un entre-deux flasque qui n’a pas manqué d’être instrumentalisé par les oppositions et les médias alors même que se déroulait la campagne pour les élections législatives.

La dynamique était introuvable et Emmanuel Macron s’est laissé enfermer dans une nasse politico-médiatique franchement hostile et qui roulait de manière éhontée pour le RN et surtout LFI.

En outre, on avait la désagréable impression que, dans le camp présidentiel, tout avait déjà été dit et fait, et que les législatives n’étaient qu’une simple formalité qui permettrait à coup sûr d’avoir une majorité absolue à l’Assemblée.

C’est d’autant incompréhensible que le Président de la république avait les outils pour contrer voire inverser la tendance comme la constitution du nouveau gouvernement.

Et là, les hésitations et l’absence d’un discours d’accompagnement, ont créé une ambiance assez délétère qui, in fine, a fait de la nomination d’Elisabeth Borne un épiphénomène d’ailleurs rapidement supplanté par les polémiques qui auraient pu être évitées.

On est en droit de se demander comment Emmanuel Macron a pu prendre des décisions dont la majorité a payé le prix dans les résultats des législatives.

Elles interrogent en tout cas sur les intentions politiques d’Emmanuel Macron.

La nomination de Damien Abad, par exemple, est une faute grossière au-delà même des actes de violences sexuelles dont il est accusé par trois femmes.

Cette «prise» n’en était absolument pas une malgré son titre de président du groupe LR à l’Assemblée nationale.

Politiquement, Abad n’est pas un leader mais un suiviste, surtout opportuniste et carriériste, connu pour avoir retourné sa veste de multiples fois.

On voit bien d’ailleurs que son transfuge n’a suscité absolument aucun mouvement de ralliement de LR vers LaREM.

De plus, le nommer était une erreur quand on sait qu’il fut membre de l’UDF de François Bayrou et qu’il a trahi ce dernier en rejoignant l’UMP où il a adopté un discours de droite radicale.

A moins que ce fut fait exprès…

Mais, on ne comprend pas pourquoi Emmanuel Macron a humilié François Bayrou tout comme il l’a fait pour Edouard Philippe, Franck Riester ou Laurent Hénart.

Ni le MoDem, ni Horizons, ni Agir, ni le Parti radical n’ont été correctement servis dans le gouvernement d’Elisabeth Borne.

Comment justifier que Bayrou n’est eu droit qu’à un ministre (Agriculture), dixième dans l’ordre protocolaire, et une secrétaire d’Etat (Mer)?

Du coup, ce dernier – qui se voyait Premier ministre après les résultats décevants des législatives – s’est installé dans une opposition interne qu’il a déjà pratiquée par le passé, délivrant des messages de défiance et de mécontentement, décrivant une situation quasi-apocalyptique où pointe une volonté de régler ses comptes.

Et, il faut le dire, Emmanuel Macron est grandement responsable de ce comportement du président du Mouvement démocrate.

Pas la meilleure façon des commencer un nouveau quinquennat…

Il y a donc urgence à rectifier ce qui peut l’être et à éteindre les braises avant qu’il n’y ait le feu dans la maison présidentielle.

Sans oublier qu’une majorité présidentielle unie, si elle est la base indispensable d’une gouvernance efficace, n’en est pas la seule condition puisqu’il faudra au pouvoir en place agir dans un environnement instable et, s’il le faut, se préparer à de nouvelles élections législatives.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC

Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC