lundi 14 décembre 2015

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. La tricoalition, une évidence; l’axe central, une nécessité

Dès la fermeture des bureaux de vote et des premières estimations sur les vainqueurs de ces élections régionales qui viennent de se terminer, l’ensemble des politiques de Droite et de Gauche ont délivré un message, «ça ne peut plus continuer comme ça».
De Manuel Valls à Nicolas Sarkozy, de Jean-Christophe Cambadélis à Bruno Le Maire, la même promesse devant la montée du FN qui, s’il ne remporte aucune région, n’a jamais eu autant d’électeurs que lors de ce scrutin.
Les leaders centristes ont eux aussi entonné la même musique, Jean-Christophe Lagarde (UDI) plaidant pour «un changement de paradigme» et François Bayrou (Mouvement démocrate) appelant à la «reconstruction de la vie politique et de la famille du Centre».
Alain Juppé, de son côté, en a profité, pour lancer sa campagne présidentielle avec un discours où revenait sans cesse l’expression «mon idée de la France».
Pendant ce temps, Marine Le Pen fustigeait cette classe politique à laquelle elle appartient pleinement et délivrait un nouveau slogan sur le mode «eux et nous» qui est la marque de fabrique du FN entre les patriotes (nous) et les mondialistes (eux, tous les autres).
Un accaparement du qualificatif de «patriote» qui ferait rire s’il l’on ne se rappelait pas les compromissions de l’extrême-droite lors du régime de Vichy avec les occupants du pays.
Mais là où elle a raison est qu’il y a bien une différence entre les tenants d’une société fermée auxquels elle appartient et ceux d’une société ouverte auxquels appartiennent, entre autres, les centristes.
Quoi qu’il en soit, les élections régionales auront, une bonne fois pour toute, démontrer l’évidence d’une nouvelle donne partisane et la nécessité dans ce cadre de rebâtir l’espace politique.
Car, la grande leçon politique qui ressort de ces régionales  est l’existence d’un paysage politique partagé entre trois grands blocs qui ne sont pas les trois grands pôles qui étaient proposés aux électeurs le 13 décembre.
Et quand je dis pôles, c’est parce qu’il est faux de parler de tripartisme sachant que si le FN est le seul représentant du pôle extrême-droite, il y avait trois partis pour le pôle Droite-Centre et trois partis pour le pôle gauche socialiste, même si LR à droite et le PS à gauche étaient évidemment les moteurs de ces deux derniers pôles.
De même, ces trois pôles ne représentent même plus la réalité politique d’aujourd’hui.
Ainsi, c’est un paysage politique de tricoalition qui émerge à nouveau comme après les départementales et les européennes mais avec encore plus de clarté.
Le terme de tricoalition s’impose parce qu’à l’évidence, les réelles proximités partisanes actuelles traversent désormais les trois blocs principaux, l’extrême-droite avec le FN, l’union Droite-Centre (avec LR, l’UDI et le MoDem), la gauche socialiste (avec le PS, les Radicaux de gauche et l’UDE).
Les trois coalitions sont celle de droite (extrême, radicale et «droite de la Droite»), celle des démocrates républicains libéraux et celle de gauche (extrême, radicale et «gauche de la Gauche»).
Il convient donc pour la transparence politique due aux électeurs mettre sur pied ces tricoalitions qui reflètent les trois blocs que nous venons de présenter et non les trois pôles actuels.
De même, de ce constat, c’est la nécessité pour les centristes (les libéraux sociaux), de la mise sur pied d’un axe central en compagnie des sociaux-libéraux de gauche et des gaullo-réformistes de droite qui s’impose.
Les déclarations de Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre de Jacques Chirac, membre de LR et centro-libéral appelant, entre les deux tours des régionales, les républicains à reconstruire la démocratie en s’alliant face aux radicaux et aux extrémistes, les «déconstructeurs» de la république selon ses termes, sont justes.
- La tricoalition
Qu’on le veuille ou non, nous sommes dorénavant dans un tripartisme, c’est-à-dire dans une situation où trois partis dominent la scène politique: le Front national, le Parti socialiste et Les républicains.
Mais ce tripartisme est miné de l’intérieur car, à part pour le FN qui est un parti uni autant par une idéologie d’extrême-droite que par la volonté de s’accaparer le pouvoir, il n’y a pas de cohérence au PS et à LR entre les divers courants sauf d’être des sortes de cartels électoralistes.
Ainsi, au PS cohabitent des sociaux-libéraux, des sociaux-démocrates et des socialistes radicaux, ces derniers étant proches du Front de gauche et de l’extrême-gauche.
Chez LR cohabitent des libéraux sociaux, des gaullo-réformistes et des droitistes radicaux.
On comprend bien que ces différents courants dans chacun des deux partis ont plus tendance à s’éloigner qu’à se rapprocher, les radicaux étant attirés par l’extrême-droite et l’extrême-gauche et les autres par l’espace centriste libéral.
Dès lors, il est rationnel d’affirmer qu’il faudrait que LR et le PS se scindent en deux.
D’une part leurs modérés et libéraux, d’autre part leurs radicaux.
Cela donnerait quatre formations dont deux s’allieraient avec leurs extrêmes respectifs et les deux autres s’allieraient avec les centristes, formant l’axe central.
Il est préférable de parler d’alliances actuellement plutôt que de fusions aboutissant à la fondation de trois nouveaux partis.
Ce dernier cas de figure qui serait plutôt un frein à la recomposition du paysage politique par tous les problèmes humains et organisationnels qu’il créerait certainement mais aussi par des différences de positionnement alors que des coalitions électorales et gouvernementales sont plus faciles à mettre sur pied, voire même plus démocratiques, en tout cas apportant une meilleure transparence qui ne peut être que bénéfique pour le citoyen.
- L’axe central
Dans le cadre d’un paysage à trois coalitions que l’on vient de présenter, une de ces coalitions serait un axe central allant d’Alain Juppé (l’homme de droite le plus populaire actuellement) à François Hollande en passant par François Bayrou (l’homme du centre le plus populaire actuellement) et Emmanuel Macron et Manuel Valls (les hommes de gauche les plus populaires actuellement).
Voilà une hypothèse qui va en faire hérisser plus d’un à commencer par certains de ceux que l’on vient de citer.
Pour autant, les indices sont là: un discours politique de Macron et Valls nettement social-libéral voire libéral-social à la centriste; un positionnement de plus en plus central d’Alain Juppé; une radicalisation d’une partie de LR vers la droite de la Droite et d’un partie du PS vers la gauche de la Gauche qui inquiète les modérés de chaque camp.
Cette nouvelle architecture politique au centre de la vie politique française aurait le mérite de la clarification et d’éviter les grands écarts ridicules auxquels plus aucun électeur ne croit réellement lorsqu’un Nicolas Sarkozy ou un Manuel Valls prétendent s’adresser à toute la droite ou à toute la gauche républicaines alors que les différentes composantes de celles-ci ne partagent plus, concrètement, les mêmes objectifs, ni les mêmes références politiques et, parfois, les mêmes valeurs.
En outre, cela éviterait aux centristes de devoir critiquer les bonnes mesures venues des sociaux-libéraux de gauche tout en actant leur vraie proximité – et non seulement électorale – avec cette partie de la droite réformiste sans pour autant accepter à contrecœur le discours de la droite radicale conservatrice.
D’aucuns prétendront que cette nouvelle donne politique sera difficile à mettre en œuvre.
C’est fort probable que si elle accouche, ce sera dans la douleur.
D’autres estimeront que la présence d’éléments modérateurs au PS et à LR est préférable à des blocs plus radicaux tant à droite qu’à gauche.
C’est vrai que ces modérés du PS et de LR empêchent souvent ces deux partis de dériver vers la radicalité dure et de défendre des positions idéologiques extrêmes, démagogiques, populistes et clientélistes.
Néanmoins, l’on peut voir cela différemment en estimant que les deux radicalités qui existent tant à LR qu’au PS seraient, dans le cas de la tricoalition, des éléments modérateurs s’ils s’alliaient (et non se fondaient) avec le Front national et le Front de gauche, permettant au débat démocratique d’y gagner en transparence et en rationalité, ce qui serait un plus pour les citoyens et les électeurs.
Si l’évidence de la tricoalition et la nécessité de l’axe central ne font aucun doute si l’on veut refonder la vie politique sur des bases saines, leur mise en œuvre sera bien plus compliquée.
Mais si elle échoue, c’est bien la démocratie républicaine qui sera en danger.
Voilà qui devrait faire réfléchir tous ceux qui parlent sans arrêt d’un sursaut indispensable et qui ne font rien pour le faire naître concrètement.


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