vendredi 8 novembre 2019

Une Semaine en Centrisme. Pour Macron, l’Europe doit devenir une puissance si elle veut continuer à avoir son destin en main

Emmanuel Macron
Emmanuel Macron a donné une interview au magazine britannique The Economist dans lequel il s’inquiète de l’avenir de l’Union européenne notamment en regard, mais pas seulement, de l’attitude hostile de Donald Trump sur l’OTAN (que le président américain a jugé obsolète) et, surtout, sur l’Union européenne (dont il a essayé de torpiller à plusieurs reprises l’existence et en prenant largement fait et cause pour le Brexit, encourageant sans cesse le Royaume Uni à la quitter, lui proposant même la création d’une zone de libre-échange très favorble entre les deux pays).
Si la plupart des commentateurs se sont focalisés sur les propos du Président de la République sur «la mort cérébrale de l’OTAN» qui n’est qu’une constatation d’une réalité et la dénonciation d’un non-dit – en particulier avec cette situation extraordinaire où, sans aucune concertation avec ses alliés, Trump a laissé tomber les Kurdes, permettant un offensive des Turcs (pourtant membre de l’organisation…) et le déploiement de troupes russes , ceux-ci sont plutôt tournés vers un message fort en direction de l’Europe pour qu’elle prenne enfin son destin en main face à la nouvelle situation mondiale et qu’elle devienne une vraie puissance et non plus simplement un espace économique, ce que demandent depuis longtemps les centristes français mais aussi européens, lucides sur les défis qui se présentent à l’UE.
Car si les Etats-Unis regardent de plus en plus vers le Pacifique et que les décisions de Trump favorisent les autocrates et dictateurs de tous bords, souvent ennemis de l’Europe, il ne faut pas oublier la montée de la Chine et de son régime totalitaire qui a désormais, clairement affichées, des ambitions hégémoniques, espérant devenir la première puissance mondiale à l’horizon 2049, centenaire de la prise de pouvoir par les armes du Parti communiste dirigé alors par Mao Tsé-toung.
Face à ce que l’on a appelé le «G2» (le partage du monde entre les Etats-Unis et la Chine, expression tombée un peu en désuétude ces derniers temps avant la politique inconséquente et incohérente de Trump), Emmanuel Macron affirme que si les Européens ne prennent pas leur destin en main, ils ne seront plus, demain, que des pions sans aucun pouvoir face aux des mastodontes, n’ayant plus leur destin en main et ne pouvant plus défendre leurs valeurs démocratiques.
Tout cela n’est guère nouveau comme s’en alarment depuis des années l’ensemble des experts en géopolitique et en relations internationales ainsi que de nombreuses personnalités politiques et des intellectuels parmi les plus lucides.
A noter que cette interview est publiée alors d’Emmanuel Macron revient d’un voyage en Chine où il a plutôt vanté le partenariat avec le pouvoir communiste dirigé par le liberticide Xi Jinping, ce qui peut être interprété comme un aveu de faiblesse de la France et de l’Europe (voir d’un cynisme parfait) ou, a contrario, une volonté de construire une relation de puissance à puissance.
Quant aux réactions à des propos, ils sont contrastés, ce qui n’étonnera personne avec un rappel du secrétaire d’Etat américain que l’OTAN compte beaucoup pour les Etats-Unis (mais que les Européens doivent payer plus pour leur sécurité en achetant des armes… aux Américains!) et une critique d’Angela Merkel, la chancelière allemande estimant qu’ils étaient trop radicaux, l’Allemagne ayant toujours refusé jusqu’à présent de faire de l’Union européenne une véritable puissance politique et militaire mondiale.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC

► Voici les principaux passages des propos d’Emmanuel Macron à The Economist:

- [L’Europe a une] fragilité extraordinaire. [Elle] disparaîtra si elle ne se pense pas comme puissance dans ce monde. Je ne crois pas dramatiser les choses, j’essaye d’être lucide. L’Europe a oublié qu’elle était une communauté.
- [Le danger vient du] désalignement de la politique américaine du projet européen, et [de l’émergence de la puissance chinoise qui] marginalise clairement l’Europe.
- Depuis soixante-dix ans, on a réussi un petit miracle géopolitique, historique, civilisationnel: une équation politique sans hégémonie qui permet la paix. (…) Mais il y a aujourd’hui une série de phénomènes qui nous mettent dans une situation de bord du précipice.
- [l’Union européenne] s’épuise sur le Brexit.
- l’Europe a oublié qu’elle était une communauté, en se pensant progressivement comme un marché, avec une téléologie qui était l’expansion. [Il s’agit] d’une faute profonde parce qu’elle a réduit la portée politique de son projet, à partir des années 1990.
- Notre grand allié [Les Etats-Unis] regarde ailleurs vers la Chine et le continent américain.
- Pour la première fois, nous avons un président américain  qui ne partage pas l’idée du projet européen, et la politique américaine se désaligne de ce projet.
- [Il y a un] retour des puissances autoritaires, au voisinage de l’Europe, qui nous fragilisent également très profondément.
- [Si les Européens n’ont pas] un réveil, une prise de conscience de cette situation et une décision de s’en saisir, le risque est grand, à terme, que géopolitiquement nous disparaissions, ou en tout cas que nous ne soyons plus les maîtres de notre destin. Je le crois très profondément.
- Ce qu'on est en train de vivre, c'est la mort cérébrale de l'Otan. Vous n'avez aucune coordination de la décision stratégique des États-Unis avec les partenaires de l’Otan et nous assistons à une agression menée par un autre partenaire de l'Otan, la Turquie, dans une zone où nos intérêts sont en jeu, sans coordination. Ce qui s'est passé est un énorme problème pour l'Otan.
- [Il faut] clarifier sans attendre les finalités stratégiques de l'Alliance atlantique.
- Le président Trump, j'ai beaucoup de respect pour cela, pose la question de l'Otan comme un projet commercial. Selon lui c'est un projet où les États-Unis assurent une forme d'ombrelle géopolitique, mais en contrepartie, il faut qu'il y ait une exclusivité commerciale, c'est un motif pour acheter américain. La France n'a pas signé pour ça.
- [Article 5 du traité de l’Otan qui prévoit une solidarité militaire entre membres en cas d’ attaque de l’un d’entre eux] C’est quoi l’Article 5 demain? Si le régime de Bachar al-Assad décide de répliquer à la Turquie, est-ce que nous allons nous engager? C’est une vraie question.
- Nous nous sommes engagés pour lutter contre Daech. Le paradoxe, c'est que la décision américaine et l'offensive turque dans les deux cas ont un même résultat: le sacrifice de nos partenaires sur le terrain qui se sont battus contre Daech, les Forces démocratiques syriennes. L’Otan en tant que système ne régule pas ses membres. Et à partir du moment où un membre sent qu’il a le droit de suivre son propre chemin, il le fait. Et c’est ce qui s’est passé.
- Nous avons besoin de plus d'expansionnisme, de plus d'investissement (...) Je pense que c'est pour ça que le débat autour du 3% dans les budgets nationaux, et du 1% du budget européen, est un débat d'un autre siècle. Ce n’est pas le débat qui permet d’avoir cette politique. Ce n’est pas le débat qui permet de préparer l’avenir. Quand je regarde notre niveau d’investissement en intelligence artificielle, à comparer avec la Chine ou les Etats-Unis, nous ne sommes pas dans la même division.
- Les Allemands sont les grands gagnants de la zone euro, y compris avec ses dysfonctionnements. Aujourd'hui simplement il faut que le système allemand intègre que cette situation n'est pas durable. A un moment donné ils vont devoir repivoter.


Présidentielle USA 2020. Le centriste Bloomberg pense à nouveau à se présenter

Michael Bloomberg
Alors qu’il avait annoncé qu’il ne serait pas candidat à la présidentielle de 2020, l’ancien maire centriste de New York, Michael Bloomberg, pourrait, in fine, se présenter à la primaire démocrate ainsi que l’ont indiqué des membres de son entourage.
Il semble que sa motivation viendrait de ce qu’il considère que les candidats démocrates ne seraient pas capables de battre Donald Trump même si les derniers sondages disent exactement le contraire (le dernier en date, celui d’ABC News donne 17 points d’avance à Joe Biden, 15 points à Elizabeth Warren, 14 points Bernie Sanders et une victoire également pour Pete Buttigieg, de 11points et Kamala Harris, de 9 points).

Il estimerait Biden trop faible, Warren et Sanders trop à gauche et Buttigieg trop inexpérimenté.

Cependant, dans sa décision de concourir, il ne faut sous-estimer, non plus, sa haine viscérale de Donald Trump qui, comme lui, est un newyorkais fortuné (mais néanmoins moins riche ce qui fait que Trump le hait également!).

Il s’était ainsi opposé frontalement au populiste démagogue lors des élections de 2016 où il avait soutenu Hillary Clinton.

Ce n’est pas la première fois que Bloomberg veut se présenter mais il avait toujours abandonné pour des raisons diverses et pas toujours explicites.

S’il avait décidé de ne pas participer aux primaires démocrates (lui qui est encore un «independent» après avoir été démocrate puis républicain), c’est que les sondages montraient que sa candidature n’était guère plébiscitée par les électeurs.

Car si son bilan à la mairie de New York est considéré comme positif et si, entre autres, ses positions contre les armes à feu et le populisme sont appréciées par l’électorat démocrate et «independent» de même que sa réussite (il était parti de rien) il est vu comme un milliardaire qui défend les milieux d’affaires ce qui n’est guère un avantage actuellement aux Etats-Unis…

On saura rapidement si son envie se matérialise car il doit faire vite pour s’inscrire aux primaires démocrates, les délais expirant bientôt pour plusieurs d’entre elles.