vendredi 19 février 2016

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. L’Europe, oui, mais pas à n’importe quel prix

Les centristes sont européens et l’Union européenne est une idée centriste.
Réunir les hommes et les femmes du Vieux continent pour qu’ils construisent le présent et l’avenir ensemble dans la paix et le partage au lieu de s’entretuer et de se détruire mutuellement demeure leur idéal mais aussi une nécessité pour que les Européens demeurent libres et puissent bénéficier tous du progrès face aux défis de toute sorte auxquels ils doivent et devront faire face.
Que les peuples européens comprennent de moins en moins ce qu’ils ont a gagné à vivre ensemble et à se rassembler est une bien triste constatation.
Qu’ils aient oublié les leçons de l’Histoire, qu’ils tournent le dos à la réalité du monde, qu’ils pensent être plus forts chacun de leur côté, en écoutant les populistes démagogiques de tous bords leur vanter le divorce, ils paieront le prix fort de leur erreur si celui-ci survient.
Pour autant, si le mot union a un sens, ce ne peut être à n’importe quel prix.
Or, c’est bien à quoi l’on assiste aujourd’hui dans cette Union européenne de plus en plus à la carte et dont le Royaume Uni, comme à son habitude, veut en profiter au maximum en s’affranchissant des règles communes et de l’indispensable solidarité tout en agitant l’épouvantail de son départ, ce fameux Brexit qui pourrait faire l’objet d’un référendum fin juin.
Mais il n’est pas le seul avec une Pologne qui vire au nationalisme le plus primaire, tout comme la Hongrie proche du fascisme, pourtant deux pays qui ont payé le prix fort d’une Europe de la haine et de la confrontation par le passé.
Même dans les pays où l’idée européenne était un moteur et un espoir d’un monde meilleur, le scepticisme envers l’UE progresse, que ce soit en France, en Allemagne, en Italie, pays pourtant signataires du Traite de Rome, fondateur de la Communauté économique européenne.
Si l’Europe doit continuer à exister, il faut qu’elle ait un projet et une volonté, deux choses qui n’existent plus.
Aujourd’hui, la seule raison d’agir est de sauver les meubles dans un immobilisme qui n’est qu’une régression où les aspects les plus négatifs de l’union ressortent et sont, évidemment, mis en avant par ses adversaires.
Bien entendu, l’idéal serait d’aller vers ce fédéralisme européen que promeut depuis toujours le Centre dans son écrasante majorité.
Mais le réel nous montre que le chemin, s’il existe encore, sera très long.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’une Europe auberge espagnole, où l’on ne vient que pour profiter des bienfaits tout en refusant de mettre sa part à l’ouvrage fera imploser tôt ou tard l’Union européenne.
Rappelons que les Britanniques avaient essayé de torpiller la construction européenne avec leur zone de libre-échange avant de frapper à la porte pour éviter de devenir une nation secondaire en proie à de graves difficultés.
Rappelons que l’on a ouvert n’importe comment la porte de l’Europe lors de la chute du Rideau de fer, tétanisés que nous étions d’une possible guerre des nationalismes ce qui fait que nous avons aujourd’hui des pays qui n’ont jamais eu envie de jouer le jeu de l’union comme la Hongrie, la Slovaquie ou la Pologne, par exemple.
Peut-être que le projet européen doit être refondé avec ceux qui veulent vraiment qu’il aille vers une intégration de plus en plus forte, seul moyen de faire face au monde de demain.
Pour cela, pas besoin de détruire l’Union, elle peut fonctionner comme une zone de libre-échange et de paix, ce qui n’est déjà pas si mal, surtout ce qu’elle est devenue depuis la disparition des régimes communistes des pays de l’Est.
D’autant que l’Union européenne n’est pas les Etats-Unis d’Amérique où la question de la séparation a été réglée définitivement lors de la Guerre de sécession de manière négative (même si des illuminés tentent de faire croire le contraire).
Ainsi, on peut quitter le navire européen et ceux qui ne veulent plus en faire partie ne doivent pas être stigmatisés, c’est leur droit.
Mais il faut que les Européens convaincus mettent en place une sorte de noyau dur autour de la France et de l’Allemagne afin de bâtir une nouvelle architecture, reprenant les idéaux des Pères fondateurs de l’Europe, ceux de l’après-guerre avec les Monnet, Schuman, De Gasperi, Spaak, Adenauer, Beyen et autres, mais aussi tous ceux qui de Victor Hugo à Aristide Briand avaient compris que l’Europe devait être un seul pays pour réellement achever le projet de sa civilisation.
Oui, il nous faut ces Etats-Unis d’Europe dont Victor Hugo voulaient qu’ils préfigurent l’union de toute l’humanité.
Il faut que les centristes européens se retroussent les manches pour cela.
En attendant, il faut arrêter de brader l’Europe et permettre à ceux qui veulent s’en aller de partir, à leurs risques et périls, afin de (re)construire une union qui sera d’autant plus forte qu’elle bénéficiera de l’expérience de celle d’aujourd’hui.
Si tel n’est pas le cas, prédisons que, à terme plus ou moins éloigné, les peuples européens en reviendront à leurs nationalismes belliqueux qui ont produit tant de tragédies au XIX° et XX° siècles.

Mais il faut qu’ils sachent que cette dérive n’est pas inéluctable et que c’est de leur responsabilité que le pire ne remporte pas la partie.