mardi 8 décembre 2015

Une Semaine en Centrisme. Pourquoi Fromantin quitte-t-il l’UDI?

Pour ceux qui le connaissent ou qui le suivent, la décision de Jean-Christophe Fromantin de quitter l’UDI n’est guère une surprise (voir les raisons de son départ sur son blog).
Même s’il a pris comme raison les tractations d’entre les deux tours des régionales et son rejet du monde politicien, il n’était plus guère membre de l’UDI de son fait.
Ce qui était une surprise, en effet, c’est qu’il fut toujours membre du parti centriste tellement il s’en était éloigné (sans en avoir été très proche) et qu’il ne se privait pas de le critiquer sans cesse avec virulence et dureté.
Et puis, comme l’a révélé Jean-Christophe Lagarde, depuis la création de la formation centriste, ce «marginal», dixit les propos du président de l’UDI, n’avait payé sa cotisation qu’une seule fois, pour pouvoir se présenter à la présidence du parti…
Député-maire de Neuilly-sur-Seine, Fromantin fait plutôt partie des loups solitaires de la politique, des indépendants qui roulent d’abord pour eux et pour leurs idées plutôt qu’un défenseur des positions d’un parti politique.
S’ils veulent réussir, il leur faut donc quasiment toujours créer leur propre parti totalement dévoué à leur personne et à leur projet.
1) Mais pourquoi donc avait-il décidé de prendre sa carte à l’UDI?
Il faut se rappeler que Jean-Christophe Fromantin avait, contre toute attente, enlever la mairie de Neuilly-sur-Seine en 2008 face au clan Sarkozy en terre même du président de la république d’alors, lui infligeant un véritables camouflet qui se répéta lors des législatives de 2012 puis lors des dernières municipales en 2014.
Cela ne faisait pas pour autant de lui un homme ni de gauche, ni du Centre mais plutôt de tendance démocratie-chrétienne de droite, conservateur en matières de mœurs et libéral en matière économique, qui souhaitait trouver un lieu politique pour ses ambitions et ses idées ainsi que son engagement religieux.
Une confédération du type de celle mise sur pied par Jean-Louis Borloo en 2012 après l’échec de la Droite à la présidentielle et la quasi-disparition du Centre, où les partis gardaient leurs structures et leurs positionnements, avait de quoi séduire celui qui a toujours dit qu’il demeurait libre.
Etrre dans l’UDI lui permettait de bénéficier d’une organisation mais aussi, au niveau national, d’une exposition notamment médiatique non-négligeable, pensait-il alors.
2) Pourquoi a-t-il décidé de partir?
Cinq raisons principales:
- Une ambition personnelle qui ne pouvait s’exprimer dans l’UDI notamment depuis qu’il avait été largement battu à la présidence du parti en 2014.
- Des relations difficiles avec les leaders du parti et tout particulièrement Jean-Christophe Lagarde, bien content de le voir claquer la porte.
- Des positionnements marginaux avec un fort engagement religieux qui faisait de lui un des acteurs de premier plan de la Manif pour tous et contre le mariage de couples homosexuels, un activisme qui l’avait fait se retrouver aux côtés de personnalités d’extrême-droite dans des meetings et des estrades, ce qui avait choqué une partie de l’UDI.
- Sa ghettoïsation progressive mais réelle à l’intérieur de l’UDI où, après avoir été battu au premier tour de l’élection pour la présidence du parti puis d’avoir appelé à voter pour Hervé Morin dont il ne partage guère les idées, il se retrouvait de plus en plus seul face à un Jean-Christophe Lagarde qui, à l’inverse de ce qu’il pensait, parvenait à diriger la formation centriste et à y imprimer sa marque.
D’où une impossibilité à faire triompher ses idées mais même à les faire progresser dans le parti.
- Son engagement politique, lui l’entrepreneur, venait d’une volonté de faire de la politique «autrement», véritable mantra de la plupart de ceux qui viennent de la société civile et qui s’investisse en politique.
Mais tout comme bien d’autres avant lui, cela ne peut aboutir qu’à une frustration et une déception parce que la politique ne se fait pas «autrement» pour être efficace, qu’elle obéit à des codes qui sont aussi les garants d’un système démocratique et que ceux qui veulent révolutionner ses pratiques ont souvent des idées inapplicables sans rapport avec la réalité quant ils ne sont pas mus que par un intérêt quelconque, personnel ou corporatiste, qui n’a souvent rien à voir avec un intérêt général ou le bien du pays.
3) Est-ce le premier départ d’une longue liste à venir?
On ne peut guère répondre à cette interrogation actuellement.
Le départ de Jean-Christophe Fromantin est une décision individuelle et, à ce titre, ne présage pas un délitement de l’UDI.
Mais, ce dernier maintes fois annoncé n’est pourtant pas du passé car la confédération centriste est toujours un rassemblement hétéroclite de petits partis et de petits chefs prêts à, de nouveau, se tirer dans les pattes.
Après les régionales mais surtout après le congrès qui dira s’il y aura ou non un candidat UDI à la présidentielle, la fragilité de la formation centriste subira de nouveaux tests bien plus difficiles que le départ du député-maire de Neuilly-sur-Seine et recelant un risque d’implosion évident.
4) Est-ce une perte pour l’UDI?
Le départ de Jean-Christophe Fromantin, Jean-Christophe Lagarde a raison sur ce point, n’est en lui-même pas une grande perte pour l’UDI dans le sens où celui-ci n’y était déjà plus, ni physiquement, ni intellectuellement, depuis sa défaite à la présidence du parti.
En revanche, il montre que l’UDI est encore une formation en construction et aux fondations fragiles.
Et puis, cela fait tout de même un député en moins pour l’UDI qui n’en compte pas tant que cela.
Enfin, au-delà de certains de ses positionnements iconoclastes, Jean-Christophe Fromantin est un homme politique de qualité avec des convictions fortes et des idées intéressantes.
A ce titre, son départ n’est pas aussi anecdotique que voudrait le faire croire Jean-Christophe Lagarde.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC