jeudi 29 novembre 2018

Vues du Centre. Il ne manque plus qu’un Trump français

Par Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.
Alexandre Vatimbella est directeur du CREC

L’élection du «central» Emmanuel Macron en 2017 avait éloigné le spectre du populisme démagogique et extrémiste en France et donné un répit à la démocratie républicaine alors même qu’au premier tour de la présidentielle, les candidats antisystème avaient recueilli plus de 50% des voix.
On peut également dire que pour conjurer cette menace, le candidat Macron avait parfois pris de dérangeants accents populistes.
Mais il n’y avait pas encore cette alliance objective entre le populisme d’extrême-gauche et d’extrême-droite, ni le concours des partis de droite et de gauche à une critique violente du pouvoir en place, jouant ainsi les idiots utiles des premiers nommés.
Quant aux médias, si certains penchaient déjà vers une exposition plus que troublante de populistes démagogues, ils ne s’étaient pas engagés comme maintenant dans une couverture large et indécente de tout phénomène populiste.
Mais voilà que les digues sont en passe d’être allègrement dynamitées et les alliances de circonstances scellées.
Non pas grâce au mouvement de foule des gilets jaunes, qui n’en est qu’un épiphénomène parmi d’autres et qui permet surtout à une majorité de Français, via les sondages, de réclamer le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière en plus et avec une base entre 40% et 50% – largement constituée des électeurs de ces candidats antisystèmes de 2017 dont on a parlé plus haut – de montrer à nouveau leur totale hostilité au pouvoir en place.
C’est plus sûrement une accumulation d’attaques, d’insultes, de violences et de désinformation propres à la démagogie et à l’extrémisme qui a préparé l’opinion à un possible avènement du populisme.
Si tout n’est pas encore écrit, les sondages semblent montrer qu’une partie relativement importante des électeurs est prête à sauter le pas comme aux Etats-Unis, en Hongrie ou en Italie.
Manque encore le Trump français.
Il pourrait être un Mélenchon ou une Le Pen (Wauquiez ou Dupont-Aignan n’ont pas la vulgarité des premiers nommés même s’ils sont aussi démagogues et haineux que ceux-ci).
Mais, comme Trump qui était une véritable star people depuis des lustres en Amérique, il pourrait venir d’ailleurs, un peu comme Macron (ne pas faire partie de la sphère politique stricto sensu a d’ailleurs été une des forces de sa candidature et une des raisons de sa victoire,).
Il est difficile de trouver un profil qui pourrait amener à lui une majorité de la population lors d’une présidentielle (Boulanger, Pétain, Trump, Orban, Poutine, Salvini, Bolsonaro?).
Non pas que les Français ne soient pas sensibles à des personnages douteux (comme Napoléon III, le général Boulanger, Pierre Poujade, Jean-Marie Le Pen et d’autres), voire à des «hommes providentiels» (Philippe Pétain ou Charles de Gaulle) qui pourraient ou non court-circuiter la démocratie.
On a vu, en son temps, des Coluche, des Montand, des Tapie être de possibles «recours» (on peut mettre dans cette catégorie un Hulot dont on rappelle que son métier de base est animateur de télévision).
Selon le sondage biaisé (les réponses se font à partir d’une liste préétablie et ne sont pas spontanées) sur les personnalités préférées des Français, on trouve ans les derniers réalisés, en tête, le chanteur Jean-Jacques Goldman, le comédien Omar Sy, le sportif Teddy Riner, le comédien Dany Boon et la comédienne Sophie Marceau, aucun de ceux-ci ne semble néanmoins intéressé par se lancer en politique et à devenir un «homme fort».
Nous n’allons pas spéculer sans fin sur un nom (Trump, tout en étant connu, n’avait aucun réel soutien électoral ou sondagier avant la déclaration de sa candidature) ou de quelle catégorie socioprofessionnelle viendra l’éventuel Trump français sachant que ceux des personnalités de la société civile que les Français auraient bien vu à l’Elysée étaient un comique (Coluche), un animateur télé (Hulot), un homme d’affaire (Tapie), un acteur (Montand).
De même, rien ne dit qu’il n’y aura pas sursaut de la population face à un tel personnage et au risque qu’il ferait courir au pays et que ce Trump français demeurera largement hypothétique ou incapable de conquérir le pouvoir.
Mais même s’il s’en trouvait un et qu’il réussisse à se faire élire, son échec serait inscrit, à la fois dans un programme qui serait inapplicable ou désastreux pour le pays mais aussi dans l’impatience du peuple qui, comme il le fait depuis Nicolas Sarkozy, s’amuse à dézinguer tout locataire de l’Elysée dans une sorte de happening sans fin populiste et irresponsable.

Aris de Hesselin & Alexandre Vatimbella


Actualités du Centre. En plein mouvement gilets jaunes, Bayrou affirme qu’«on ne gouverne pas contre le peuple»

François Bayrou
François Bayrou continue à marché «à» côté d’Emmanuel Macron malgré ses affirmations qu’il est «aux» côtés du président de la république.
Dans un nouvel entretien, il se pose à nouveau en celui qui dit le juste et qui attend la conversion des dirigeants à ses vérités.
De même, il a une formidable propension à se féliciter d’avoir été l’initiateur de toutes les mesures prises par ceux-ci quand elles vont dans le sens des sondages.
Et, lui qui s’affirme réformateur et qui a souvent indiqué qu’il fallait transformer le pays en profondeur quels que soient les difficultés et les risques, en demandant au pays des sacrifices, le voilà qui estime que l’on ne gouverne pas contre le peuple, ce qui, pour implémenter des mesures radicales, n’est jamais possible, l’Histoire est là pour nous le montrer …
«J’ai écrit, dit-il, dans mon dernier livre: ‘on ne gouverne pas contre le peuple’. Tous ceux qui pensent qu’on peut passer en force et imposer les décisions venues d’en haut, ils ne voient pas ce que sont les ressorts et les principes de la démocratie du XXI° siècle. La démocratie du XXI° siècle, en partie grâce à vous, je veux dire grâce aux médias, grâce aux réseaux sociaux, elle impose qu’il y ait un minimum, sinon d’adhésion, du moins d’assentiment des peuples à l’égard des décisions qui leur sont imposées. Ou qu’ils comprennent, que d’une certaine manière ils acceptent: s’il y a refus, il y a blocage. Et s’il y a blocage, on ne peut plus rien faire. On a vécu beaucoup d’exemples de cette situation-là. Donc, concertation indispensable.»
Et, ajoute-il, il faut une «acceptabilité des décisions que l’on prend pour que les citoyens qui sont l’objet de ces décisions participent et soutiennent.»
Alors qu’elle est sa ligne politique?
«Une ligne de soutien à ce que nous avons besoin de faire pour que la France s’en sorte et en même temps une ligne suffisamment indépendante pour que je puisse exprimer ce qui est le sentiment d’un grand nombre de concitoyens de ce pays, qui voudraient que les choses soient mieux orientées parfois.»
Il précise qu’il ne sera pas un «frondeur» puis déclare dans la foulée:
«Est-ce qu’il faut ne rien changer? La réponse est évidemment non. Il faut changer un certain nombre de choses».
Puis, il parle de la «fracture sociale», principal thème de la campagne présidentielle de Jacques Chirac en 1995, soit il y a 23 ans.
Et que dit-il:
«Qu’est-ce qu’on a fait pendant ces 25 ans (NDLR: présidence de Macron comprise)? Rien. En tout cas, rien de suffisant, on a eu le sentiment qu’à chaque fois on en faisait un thème de campagne électorale et que ce n’était pas un thème de gouvernement. Et bien je serai très heureux, moi qui aime beaucoup ces milieux éloignés du pouvoir – parce que simplement j’en ai une longue expérience de vie, amicale et, j’allais dire, fraternelle – que cela devienne un thème de gouvernement. C’est que, enfin, ceux qui ont la responsabilité du pays prennent cela à bras le corps (…).»
Cette posture personnelle du sage qui sait ce que veut le peuple et qui parle à l’oreille du président qu’il soutient tout en le critiquant – qui démontre encore une fois ses ambitions politiques pour le futur –, n’est malgré tout pas forcément comprise par ceux à qui il veut s’adresser.
Ainsi, des gilets jaunes de sa ville de Pau lui ont demandé instamment de préciser sa position et de dire réellement ce qu’il pense et ce qu’il veut.
Voilà sans doute un exercice périlleux pour lui…