lundi 30 octobre 2017

Une Semaine en Centrisme. Les relations paradoxales de l’UDI (et du centre-droit) avec la Droite

Le groupe Les constructifs à l'Assemblée nationale
Lors d’une récente interview au JDD, à la question «Que représente Laurent Wauquiez pour vous?», Jean-Christophe Lagarde répondit, «La ligne Buisson, celle de tous les excès, de tous les échecs».
Et à la question «Excluez-vous de travailler demain avec Laurent Wauquiez?», le président de l’UDI affirma, «Ce que je veux construire à partir de l'UDI, c'est une force politique qui ne sera plus jamais supplétive des Les républicains», tout en précisant que «Cette page avec LR est tournée».
Si l’on revient maintenant en 2015 et au temps des élections régionales, le même Lagarde, qui avait fait alliance partout avec LR, disait de Wauquiez, qu’«Il sera tête de liste en région Rhône-Alpes Auvergne» d’une coalition avec l’UDI car, ajoutait-il, «J'observe que ces dernières semaines, ces derniers mois, y compris dans sa région, il a plus pris en considération les centristes. Il a dû changer puisqu'il explique que le centre est nécessaire à la majorité dans cette région et je m'en réjouis».
Après l’échec à la présidentielle et la création d’un groupe Les constructifs à l’Assemblée nationale, Jean-Christophe Lagarde déclarait qu’il voulait créer «un grand mouvement de centre et de droite progressiste» et que «Notre objectif est de construire un mouvement politique» avec les députés LR en rupture de banc avec leur parti.
Aujourd’hui, le président de l’UDI n’a pas de mots assez durs pour ses «amis» de droite de Les constructifs estimant que leurs onze députés «sont pas tous sur la même ligne entre ceux qui rêvent d'être ministres et ceux qui pensent à retourner chez Les Républicains»…
Et les membres de son parti d’enfoncer le clou come le député Yannick Favennec:
«Thierry Solère, je l'aime bien, mais il est très personnel. On les a accueillis, on avait le groupe, le financement. Ce sont des SDF (sic!) et on leur a ouvert la porte. On est avec les LR, des gens sympathiques, mais je ne m'y retrouve pas. Regardez le vote du budget: les dix-neuf anciens UDI se sont abstenus et les votes pour sont les anciens LR. Ils applaudissent quand nous on n'applaudit pas».
Tout ceci pose deux questions principales.
La première est pourquoi avoir travaillé avec Wauquiez, clone radical de Nicolas Sarkozy, l’avoir adoubé (comme le MoDem et François Bayrou) pour les régionales et ne plus vouloir travailler avec lui aujourd’hui en le diabolisant et en en faisant le cas emblématique pour une rupture avec LR?
La deuxième est pourquoi chercher des noises à Les constructifs de LR en les accusant de desseins secrets pour vous abattre alors qu’ils partagent vos idées politiques et que vous êtes soi-disant alliés avec eux?
Avec ces questions on peut résumer les rapports ambigus et paradoxaux que l’UDI entretient avec la Droite et, plus généralement, cette branche du centre-droit représentée actuellement par le parti dirigé par Jean-Christophe Lagarde (mais aussi par les ralliés centristes à l’UMP et qui sont demeurés dans LR).
Depuis le début de la V° République, lorsque les centristes s’allient avec la Droite ou se rallient à elle, leurs rapports demeurent souvent conflictuels avec des épisodes de crise (comme avec Les constructifs actuellement) et d’autres où, rentrant dans le rang, ces mêmes centristes sont alors totalement serviles (comme lorsqu’il ont soutenu Wauquiez aux régionales).
Bien évidemment, cela s’explique par l’obligation pour le centre-droit de s’allier avec la Droite pour avoir des élus mais avec ce sentiment de n’être utile que lors des élections afin de faire voter leurs électeurs pour les candidats de droite puis d’être totalement ignorés par la suite.
Mais cette explication n’est pas recevable comme justification d’une alliance et d’une servilité.
Si le centre-droit doit nouer des alliances même avec plus fort que lui, personne ne lui demande de perdre son âme ou, tout au moins, ses valeurs.
Le cas Wauquiez est emblématique de ce centre-droit qui se perd uniquement pour avoir des élus.
Il l’est d’autant plus que le personnage s’est fait passer pour un «centro-compatible» afin de récupérer le siège de député du centriste Jacques Barrot en 2012 et se faire adoubé par ce dernier alors que son positionnement est souvent plus à droite que celui de Marine Le Pen.
Mais, à l’inverse, quand le centre-droit peut nouer des alliances équilibrées comme c’est le cas avec Les constructifs, voir des complots partout est une attitude paranoïaque qui en dit beaucoup sur sa psychologie qui est de sentir constamment rabaissé par les droitistes alors même que c’est souvent avec leur complet consentement qu’ils se couchent…
Dès lors, le centre-droit estime qu’il doit instaurer une sorte de guérilla avec la Droite pour demeurer en vie.
Cela passe par des propos récurrents sur ce qui le distingue de la Droite tout en déclarant qu’il est son allié (voire même «naturel» comme l’a dit l’UDI pendant des années après que le Nouveau centre ait dit la même chose).
La problématique est aujourd’hui encore plus compliquée avec l’émergence de La république en marche, dont ce centre-droit est beaucoup plus proche qu’il ne l’est de LR.
Pour autant, cette séquence politique et historique peut ne rien changer de fondamental dans ce centre-droit qui s’adosse constamment à la Droite.
Ainsi, à la prochaine alternance qui ferait revenir cette dernière au pouvoir, rien ne dit que les vieux comportements opportunistes et électoralistes ne reviendraient pas.
De ce que l’on a vu dans les pratiques passées ou actuelles, on peut, en effet, être, au moins, dubitatif…

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC