lundi 13 août 2007

L'Editorial d'Alexandre Vatimbella. Le volontarisme, un outil politique à manier avec prudence et intelligence

Nous avons élu un président de la république qui se présente comme un volontariste, un président qui souhaite bouleverser les habitudes des Français, sans chichis, pour permettre au pays de s’adapter aux défis d’aujourd’hui et de demain, tant ceux de la mondialisation que des problèmes écologiques. Voilà déjà qui nous change des deux dernières présidences, tout au moins au niveau du discours puisque, évidemment, le temps de l’action est encore beaucoup trop courte pour analyser l’application concrète de cette profession de foi qui est constamment rappelée par son auteur.

La présence, à la tête de l’Etat, d’un tel homme politique va-t-elle, peut-elle aboutir à un changement en profondeur ou tout ceci n’est-il que pure rhétorique ? Cela peut-il changer en profondeur la société française ?

Avant tout, il faudrait définir ce qu’est exactement le volontarisme car dans une acceptation large, on pourrait dire que tout home politique est volontariste puisqu’il défend des idées qu’il désire mettre en pratique et que, sans faire de procès d’intention, il croit à son combat pour les imposer. Dans le même ordre d’idée, tout programme d’un parti est volontariste. Néanmoins, le volontarisme se situe à un autre niveau. Il s’agit, en quelque sorte, non seulement, de s’attaquer aux habitudes en place mais, en plus, de demander à la réalité de se plier à une vision politique, vision politique que le volontariste estime non seulement juste mais, en quelque sorte, visionnaire.

De ce point de vue, le volontarisme peut apparaître comme une supercherie, voire comme un danger. Changer la réalité est, soit une pure fiction, soit un jeu dangereux qui peut aboutir à des crises. Car, comme le rappelle le dictionnaire Larousse, le volontarisme est « une attitude que quelqu’un qui pense modifier le cours des événements par la seule volonté » avec « primauté à la volonté sur l’intelligence et à l’action sur la pensée intellectuelle ».

Comme souvent, les réponses se trouvent dans l’histoire. Nicolas Sarkozy n’est pas le premier volontarisme de la politique et, en particulier, de la politique française. De grands hommes d’Etat ont été labellisés comme volontaristes. Que l’on songe à Armand Duplessis duc de Richelieu, Napoléon Bonaparte, Charles De Gaulle, du côté français. Que l’on songe au « chancelier de fer », Otto Von Bismarck, Théodore Roosevelt, Winston Churchill, Michael Gorbatchev dans le monde. Sans oublier Margaret Thatcher, Ronald Reagan ou, plus près de nous, Tony Blair. Toutes ces personnalités, dont nous ne sommes pas en train de juger les idées politiques ont voulu « changer la donne ». Sans oublier, ceux qui, en tant que volontaristes ont entraîné leurs pays et le monde dans des aventures criminelles et à la ruine comme Hitler, Mussolini ou Lénine.

Le passage à la tête de l’Etat de tous ces politiques ont modifié les choses au cours de l’exercice de leur pouvoir. Mais, sur le long terme, celles-ci ont-elles été profondément modifiées ? Il est évident que la réponse ne peut être faite pour un Tony Blair ou un Michael Gorbatchev. Mais pour Richelieu qui voulait que la France soit un pays uni, pour Théodore Roosevelt qui voulait éliminé la gangrène de la corruption aux Etats-Unis, pour Margaret Thatcher qui voulait que la Grande Bretagne redevienne un pays libéral, pour Charles de Gaulle qui voulait redonner à la France son rayonnement d’antan, quel est la bilan ? Il est mitigé même s’il a montré qu’une volonté doublée d’une forte conviction et d’un pouvoir de convaincre pouvaient faire évoluer les situations.

Sachant que ni Margaret Thatcher, ni Ronald Reagan, par exemple, n’ont changé les sociétés britanniques et américaines en profondeur malgré leur force de conviction et quelques succès indéniables, on découvre rapidement que le volontarisme peut n’être qu’une incantation. Cependant, les présidents volontaristes comme Théodore Roosevelt aux Etats-Unis ou Charles de Gaulle en France ont été des fers de lance du changement, le premier en luttant contre la corruption à tous les niveaux de la société américaine, notamment sur la mainmise des trusts sur l’économie, et le second en relevant l’identité nationale mise à mal durant la seconde guerre mondiale. Dès lors, il semble que le volontarisme donne ses meilleurs résultats dans les périodes de crise aigüe ou de bouleversement important dans une société fragilisée.

De son côté, le nouveau président le république, Nicolas Sarkozy, nous propose un nouveau volontariste pour changer la France et la mettre de plein pied dans le XXI° siècle. A-t-il une chance de réussir et cela permettra-t-il de réconcilier les Français avec eux-mêmes, leur pays, l’Europe et le monde ? Il est beaucoup trop tôt pour répondre comme nous l’avons dit plus haut. Néanmoins, il possède quelques atouts pour pouvoir réussir dans son entreprise. Et un des plus importants est que la société française semble prête à accepter une dose de changement radical. Quelle dose ? Seul l’avenir nous le dira. Un autre indice positif est sa capacité à avoir réuni autour de lui des politiques venant d’horizons divers ce qui semblerait démontrer que sa vision rencontre un fort écho positif chez les décideurs.

Quant à nous, nous croyons à un « volontarisme modéré ». Celui-ci port un nom, le Centrisme. S’il reconnaît l’importance de la volonté individuelle et s’il fait le « pari de l’humain » à l’instar de Confucius, il est aussi ancré dans la réalité et celle-ci n’est pas malléable à l’infini comme voudrait le faire croire certains politiques. Car le volontarisme ne doit pas être confondu avec l’incantation, méthode très à la mode dans le monde politique. Il ne suffit pas de dire ou d’affirmer pour que les choses changent. Il ne suffit pas non plus de décisions mais il faut que celles-ci correspondent à une situation même si c’est pour la modifier ou la changer en profondeur.

Personne ne nie l’existence d’êtres exceptionnels et leur capacité à engendrer le changement. Mais il faudrait être bien naïf pour penser qu’une seule personne peut changer une société qui n’y serait pas consentante. Et ce consentement est aussi une affaire de consensus que l’on recherche constamment et qui est fait d’allers-retours entre la société dite « civile » et le monde politique. La fameuse alternative entre s’adapter au monde qui nous entoure ou l’adapter à soi n’est guère pertinente. Car, c’est bien avec un mélange des deux que l’on obtient les meilleurs résultats. Au risque de froisser quelques égos surdimensionnés…

Ce dont nous avons besoin, pour réconcilier les Français avec leur pays et l’avenir, pour les réconcilier avec la politique, est un président qui prend toute la dimension, à la fois, des défis du XXI° siècle et de la réalité de la société française, économique, social et sociétale pour proposer un vrai contrat politique, c’est-à-dire des buts qui ramènent au concret, à la vie quotidienne de nos concitoyens. Dans cette optique, le volontarisme peut être un atout mais, s’il est débridé, un vrai risque.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC