samedi 29 avril 2017

Actualités du Centre. Appel de Juppé à voter Macron: «Peuple de France, ressaisis-toi, reste fidèle à ton génie, aie confiance»

Emmanuel Macron & Alain Juppé
On peut supposer que si Alain Juppé avait été candidat et qu’il était arrivé en tête du premier tour, comme les sondages le lui prédisaient unanimement, Emmanuel Macron aurait écrit le texte ci-dessous pour le soutenir face au Front national et intitulé «NON!».
Toute personnalité politique d’une envergure certaine qui défend la démocratie républicaine devrait adhérer à cet appel qui est d’une grande dignité et d’une grande responsabilité.
Car, n’oublions pas que pour qu’il y ait débat démocratique, c’est-à-dire que les idées et les projets s’affrontent, il faut qu’il y ait une démocratie.
Cet appel à soutenir le candidat d’En marche! démontre de manière évidente la proximité des valeurs entre Juppé et Macron qui faisait des deux hommes des candidats centro-compatibles pour cette présidentielle comme nous l’avons écrit ici.
Mais elle démontre de manière encore plus profonde, ce qui unit les hommes et les femmes qui défendent la démocratie républicaine face au danger de l’extrémisme, du populisme et de la démagogie, incarnés ici par Marine Le Pen.
- Voici le texte d’Alain Juppé qui est celui d’un démocrate courageux et aux fortes convictions:
NON!
La France court au désastre.
Ce qui paraissait impossible il y a peu de temps encore n’est plus aujourd’hui improbable: Mme Le Pen peut devenir la Présidente de la République française; à tout le moins le score du Front National au deuxième tour peut dépasser la barre des 40%, voire des 45%, ce qui serait déjà un coup de tonnerre politique.
La trahison de N. Dupont-Aignan, l’attitude ambigüe de J.L. Mélenchon, l’effondrement du PS, les finasseries de certains de mes propres «amis» politiques ajoutent à la confusion générale sur laquelle prospère le FN.
La victoire de l’extrême-droite en France constituerait un séisme géopolitique. L’Union européenne qui peut résister au Brexit, et même en tirer profit, ne survivrait pas à un «Frexit». Je ne sous-estime pas le désamour de nos concitoyens pour l’Europe; je mesure l’ampleur des changements qui seront nécessaires pour la remettre sur la bonne voie. Mais liquider la construction européenne que nous avons patiemment édifiée serait une aberration. Car l’Europe a réussi. Elle nous a apporté 70 ans de paix, ce que notre continent n’avait pas connu depuis des siècles. Elle est aujourd’hui un espace de liberté et de prospérité comme il en existe peu au monde. Je comprends que ces affirmations choquent nos concitoyens qui vivent dans le chômage, la précarité, la pauvreté. Mais, au prix de réformes profondes, l’Europe peut nous aider à en sortir. Ce n’est pas sans raison qu’elle attire de si puissants flux migratoires. C’est en soi un problème qu’il faut traiter car nous ne pouvons pas accueillir «toute la misère du monde». Mais c’est la preuve d’une réussite. Comparons-nous!
Certains invoquent les mânes du Général de Gaulle pour conforter leur europhobie. Quelle falsification historique! C’est De Gaulle qui a voulu nous faire entrer dans la Communauté européenne en 1958, en activant le traité de Rome qui n’était encore qu’un papier; c’est De Gaulle qui a imposé la Politique Agricole Commune; c’est De Gaulle qui a fait de l’entente franco-allemande la pierre angulaire de la construction européenne et du redressement français. Je suis gaulliste et européen et j’en suis fier!
La dislocation de l’Union européenne serait aussi une menace pour notre sécurité collective, pour l’Alliance atlantique déjà fragilisée par les déclarations contradictoires de la nouvelle administration américaine, et méthodiquement sapée par la diplomatie russe qui ne fait pas mystère de sa volonté de revenir au monde d’avant. Le monde sans l’Union européenne perdrait encore un peu de sa stabilité, en un temps où le mot de «guerre» refleurit dans certains discours.
Séisme géopolitique, désastre économique aussi. L’abandon de l’euro qui nous a si bien protégés dans les tempêtes récentes et qui nous garantit des taux d’intérêt historiquement bas serait une faute majeure, à laquelle d’ailleurs, quel que soit leur vote, la majorité des Français n’adhère pas. Tout le monde, y compris le parti de Mme Le Pen, s’accorde à prévoir une dévaluation immédiate du franc FN de l’ordre de 20 à 30%. Nos dettes et notamment celle de l’Etat seraient immédiatement augmentées d’autant. On nous dit que nos exportations en profiteraient; peut-être à terme si notre appareil productif répond à la demande internationale; ce qui est sûr, c’est que nos importations seraient mécaniquement renchéries de 20 à 30%, à commencer par le pétrole, d’où la hausse des prix, la baisse du pouvoir d’achat dont souffriraient comme toujours les plus fragiles. Tout cela, tout le monde le sait!
Défaite morale par dessus tout. Quelles que soient, ces derniers temps, les tentatives de dédiabolisation des dirigeants du FN ou leurs danses du ventre à l’intention de l’extrême-gauche (ce qui est là une constante historique), la vérité est criante : l’histoire, l’idéologie, les hommes et les femmes qui ont fondé ou animent ce parti, bref le monde FN est depuis toujours aux antipodes du nôtre; son antigaullisme a été constant depuis 1940. De façon récurrente, les déclarations de ses chefs nous rappellent que nos valeurs n’ont rien à voir avec sa vulgate.
C’est pourquoi, Françaises, Français, je vous appelle solennellement à résister à la tentation de tout casser, de «renverser la table» comme hélas! vous y ont parfois incités certains responsables de ce qui fut un grand parti de la droite et du centre, le parti qu’avec d’autres j’avais fondé.
Quand, dans une élection à deux candidats, on veut éliminer l’un, il n’y a pas d’autre solution que de voter pour l’autre. L’abstention ou le vote blanc, c’est un coup de pouce à Mme Le Pen.
Je ne vous demande pas pour autant d’adhérer à la personne ou au programme d’E. Macron. Nous ne le connaissons pas bien. Sa «nouveauté» séduit, son peu d’expérience des hautes responsabilités inquiète. Quant à son programme, il reste flou et ambigu. Mais il faut choisir. Après le scrutin présidentiel viendront d’autres échéances, à commencer par les élections législatives. Nous devrons alors reconstruire une proposition politique, fondée sur les valeurs de la droite et du centre que j’ai toujours portées. Une droite humaniste qui conjugue liberté économique et justice sociale, une droite résolument et lucidement européenne, une droite confiante dans l’avenir, dans l’invention d’une croissance durable, dans la transformation numérique du monde, dans la jeunesse du monde.
Je vous adjure donc, mes chers compatriotes, de voter pour E. Macron parce qu’il est le seul le 7 mai à pouvoir éviter à la France le malheur du FN.
Je sais que vous n’avez pas de conseil à recevoir, que vous êtes majeurs et vaccinés, que les consignes des partis ou des dirigeants politiques vous insupportent. Mais si ma parole peut encore avoir un peu de crédit auprès de vous, et d’abord auprès des jeunes qui m’ont accompagné avec tant de foi, ne la balayez pas d’un revers de main. Je ne demande rien, je n’attends rien, je ne cherche pas à me placer. Je ne serai pas Président de la République, je ne redeviendrai pas Premier Ministre, je ne serai plus ministre. C’est aux 30-40 ans de prendre la relève. Ma seule ambition est de les y aider.
Je ne me lasserai donc pas de vous dire: Peuple de France, ressaisis-toi, reste fidèle à ton génie, aie confiance.

Présidentielle 2017. Les démocrates sont-ils majoritaires en France?

Nous saurons, le 7 mai prochain si les démocrates sont majoritaires en France.
Cette affirmation n’est pas de la simple rhétorique ou un effet d’annonce comme on en voit tous les jours dans les médias, mais une vraie interrogation, terriblement angoissante devant le refus de nombre de politiciens de voter contre Marine Le Pen ainsi que face aux résultats du premier tour.
Si l’on additionne les voix des candidats défenseurs d’une démocratie républicaine libérale, le système en place en France depuis 1945 et issu des idées de la Révolution, c’est-à-dire ceux d’Emmanuel Macron, de François Fillon et de Benoit Hamon, on obtient 50,38%, tout juste la majorité face à ceux qui représentent des idéologies autoritaires et populistes, voire totalitaires, toutes en tout cas défiantes du système démocratique.
Cela ne signifie pas que presque la moitié des Français sont opposés à la démocratie républicaine – les sondages disent que leur pourcentage est nettement inférieur – mais cela veut bien dire que 49,64% de ceux qui ont voté, ont mis dans l’urne un bulletin d’un candidat qui remet plus ou moins en question celle-ci et qu’ils ont eu, comme alliés objectifs, les abstentionnistes et ceux qui ont voté blanc.
Dès lors, il faudra savoir, le 7 mai, si beaucoup de ces Français sont malgré tout démocrates comme la plupart des abstentionnistes s’ils se déplacent en masse pour voter Macron.
On peut le supposer si l’on pense que les votes pour les extrêmes et les populistes comportent toujours un pourcentage plus ou moins important de «votes sanction» à l’égard du système ou de «votes d’avertissement» ainsi que des «votes d’humeur» et que, devant les menaces contre la démocratie, il y a un sursaut de l’électorat.
Cela étant dit cette situation est inédite en France.
En 2002, par exemple, lorsque Jean-Marie Le Pen emmène pour la première fois l’extrême-droite au second tour de la présidentielle, les candidats démocrates représentent autour de 65% des voix.
Et lors de la précédente présidentielle de 2012, ce pourcentage était aux alentours de 70% des voix, soit vingt points de plus que cette année.
De ce point de vue, cette élection est bien un séisme démocratique tout juste compensé par la première place d’Emmanuel Macron.
Même si les sondages accordent actuellement 20 points d’avance à ce dernier face à Marine Le Pen, on comprend bien l’importance pour les défenseurs de la liberté et de la démocratie de se mobiliser le 7 mai afin qu’il n’y ait pas une voix qui manque pour barrer la route au Front national.
La candidate du parti d’extrême-droite a senti qu’il pouvait se passer quelque chose de particulier puisqu’elle a décidé de gommer toutes les aspérités extrémistes et populistes de son programme dans la nouvelle plaquette qu’elle a éditée, tout en essayant de donner une image apaisée d’elle-même (à la manière de Mélenchon au premier tour) dans ses meetings et ses interventions à la télévision, tout en appelant les électeurs de Jean-Luc Mélenchon à un front anti-Macron.
Ce qui nous conduit à Donald Trump.
Beaucoup de commentateurs et de politologues, notamment outre-Atlantique mais également dans les pays de l’Union européenne – en particulier en Allemagne – ont vu dans les résultats du premier tour, un refus salvateur de la France de porter au pouvoir un personnage tel que le président des Etats-Unis.
Or, si on regarde le vote des Français comme on vient de le faire ainsi que l’état d’une partie de l’opinion, les refus d’appeler à voter Macron pour certains ainsi que les ralliements à Le Pen pour d’autres, le tout avec des médias qui tombent exactement dans le même travers que les Américains pendant la campagne électorale de 2016, alors l’analyse doit être beaucoup plus nuancée.
Il semble bien que l’on soit dans une situation où une partie importante de la population française comme celle des pays avancés et démocratiques soient à l’écoute des populistes démagogiques et que ceux qui en font les frais sont les partisans de sociétés progressistes et équilibrées, au premier chef desquels sont les centristes mais aussi tous ceux qui se positionnent dans l’espace central.
Cette fascination actuelle pour ceux qui prêchent le repli et l’exclusion, sont dans le déni de la réalité et le refus de changer les choses dans la responsabilité, nous rappellent des moments graves que l’on croyait derrière nous depuis longtemps.
Les résultats du 7 mai prochain nous diront où nous en sommes très exactement, en espérant que ce ne sera pas dans le pire.

Alexandre Vatimbella


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