mercredi 30 décembre 2015

Le Centrisme en France en 2016. Des défis trop ambitieux pour le Centre?

En 2016, pour exister, grandir et peser réellement sur le débat politique national, le Centre devra relever d’importants défis: celui de l’unité, celui de l’indépendance, celui de la recomposition et celui de la crédibilité.

Le défi de l’unité des centristes
Bien entendu, personne ne s’attend à ce que le Mouvement démocrate et l’UDI se rapprochent sensiblement, ni même que L’Alternative soit réactivée.
Personne, non plus, ne s’attend à ce que Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin deviennent des amis, ni même que François Bayrou daigne considérer Jean-Christophe Lagarde comme un interlocuteur sérieux.
Et pourtant, c’est ce qu’il faudrait au minimum pour que le Centre commence à acquérir cette véritable dynamique qui lui manque.
Mais, au lieu de cela, beaucoup s’attendent à ce que le MoDem et l’UDI soient des concurrents déterminés pour s’approprier l’espace centriste, que l’UDI implose et que d’autres micro-partis voient éventuellement le jour dans la foulée pendant que certains rejoindront carrément Les républicains.
C’est dire si la fusion des partis centristes, véritable acte fondateur d’un nouveau départ pour le Centre en France demeure une fiction.

Le défi de l’indépendance du Centre
L’indépendance du Centre existe dans les appellations des partis et dans les discours de leurs dirigeants mais pas dans les faits, loin de là.
Même François Bayrou qui a confondu alliance et allégeance pendant longtemps en se voulant «indépendant» là où il était dans un isolement complet, s’est rallié à la Droite sans aucune discussion de fond pour les départementales et les régionales et ce même sans en parler avec l’UDI.
2016 sera une année charnière de ce point de vue.
Ou les formations centristes décident de présenter un ou plusieurs candidats à la présidentielle de 2017 et elles actent enfin leur véritable indépendance dans ce qui est la reine des élections françaises, ou elles décident de se ranger derrière la Droite et son candidat issu des primaires en n’étant qu’un appendice de LR (Les républicains).
Tout concoure à penser que c’est la deuxième solution qui sera choisie par l’UDI mais aussi par le Mouvement démocrate si Alain Juppé est le candidat de LR.
A noter que ce cas de figure, aucun candidat centriste à la présidentielle, ne s’est produit qu’une seule fois au cours de la V° République, en 1995 quand les centristes ont soutenu majoritairement Edouard Balladur (et minoritairement Jacques Chirac).
On sait que l’histoire s’est mal terminée avec l’implosion de l’UDF quelques temps plus tard.
Alors il se peut bien que les propos de Lagarde et Bayrou soient teintés de formules lyriques sur l’indépendance du Centre.
Concrètement, c’est le contraire qui est le plus probable même s’il n’est pas certain.
L’UDI peut faire mentir cette prédiction dès le 20 mars prochain en choisissant de présenter un candidat au premier tour de la présidentielle.

Le défi de la recomposition du paysage politique
L’axe central va-t-il émerger en 2016? En cette année préélectorale, cela semble utopique.
En revanche, les rapprochements dans les discours et les programmes pourra sans doute continuer en vue d’une possible recomposition politique entre le deuxième tour de la présidentielle et le premier tour des législatives ou après les élections de 2017.
Les centristes, qui seraient au cœur de cet axe central qui se dessine et qui regrouperait les libéraux sociaux, les sociaux libéraux, les sociaux réformistes et les gaullo-réformistes, ne sont guère en pointe pour porter cette recomposition, comme s’il craignait pour leur pré-carré ou, pire, pour leur capacité à conclure un accord électoral particulièrement avantageux avec LR.
2016, changera peut-être la donne, surtout en cas de candidature centriste à la présidentielle de 2017.

Le défi de la crédibilité des partis centristes
Les centristes souffrent depuis des années d’une absence de crédibilité qui contraste fortement avec les opinions positives qu’ils recueillent dans les sondages, tant au niveau des personnalités (François Bayrou) que des partis (UDI et Mouvement démocrate sont ceux qui recueillent le plus d’opinions favorables de tous les partis même si les opinions défavorables demeurent majoritaires).
On les aime bien mais on ne les voit pas gouverner.
Pour mettre fin à cet état de fait, ils vont devoir imposer leur crédibilité.
Celle-ci passe évidemment par leur indépendance, voire leur unité, mais surtout par des projets politiques et des programmes électoraux qui n’existent pas à l’heure actuelle ou qui sont embryonnaires.
Si cela n’impacte pas la Droite et la Gauche, voire l’extrême-droite, c’est certainement le cas pour le Centre, les électeurs potentiels se demandant ce que les centristes ont à proposer.
Mais cette crédibilité passe aussi par des leaders assez charismatiques pour donner une image conquérante du Centre, assez dynamiques pour attirer les militants et les électeurs, capables de mobiliser réellement sur un projet et qui jouent la carte du Centrisme indépendant sans faiblir.
Ces quatre qualités ne sont pas actuellement réunies dans un seul des leaders de l’UDI et du MoDem.

Si ces défis ne sont pas relevés – et il est probable malheureusement qu’ils ne le soient pas – les partis centristes pourront toujours peser par leur utilité électorale, celle de faire gagner à la marge soit la Droite, soit la Gauche.
Un pouvoir qui semble aujourd’hui démesuré par rapport à leur force politique mais bien réel.
Ils seraient évidemment bêtes de ne pas en profiter.
D’autant qu’il leur a permis, en 2015, d’obtenir beaucoup aux régionales.
En 2017, il pourrait, de même, leur permettre d’obtenir beaucoup aux législatives.
A une condition, bien sûr, faire gagner la Droite aux présidentielles.
Ce qui ne résoudra pas leurs problèmes existentiels.

Alexandre Vatimbella & Jean-Louis Pommery avec l’équipe du CREC


Lire aussi:



mardi 29 décembre 2015

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Centrisme ou extrémisme, l’incohérence des «experts»

Le grand débat venu de l’Antiquité pour savoir si la science politique est une vraie science – j’épargnerai au lecteur un débat académique essentiel mais très ardu (*) –, trouve toujours ses limites dans notre grand cirque médiatique où les experts (spécialistes, analystes et autres professionnels du commentaire politique) viennent nous donner leurs vérités.
Pourquoi pas?
Le problème pour l’«électeur de base» ou le «citoyen lambda», c’est que ces vérités se contredisent constamment rappelant que cette science politique n’est peut-être qu’un lieu de débat et non une discipline scientifique d’où, malheureusement, ne sortent jamais des lignes directrices claires et nettes.
Deux exemples.
Le premier concerne le Front national.
Sa montée en puissance actuelle est-elle due à une droitisation de la société ou à une gauchisation du FN (dans le sens où ce sont d’anciens électeurs communistes et socialistes qui l’ont rejoint ces dernières années depuis qu’il a adopté un programme économique et social de gauche) ou à un vote protestataire qui n’aurait aucune portée idéologique mais ne serait qu’un mouvement d’humeur d’électorats en réalité toujours fidèles à leurs opinions politiques?
Eh bien les trois selon nos experts!
Ce qui est gênant c’est que ceux qui viennent nous expliquer que la société vire à droite sont les mêmes qui affirment que l’on ne peut plus appeler le FN un parti d’extrême-droite mais un parti populiste et démagogique dont la ligne politique est certes à droite mais le programme économique et social est de gauche, sans oublier la dimension protestataire du vote…
Car si le FN n’est plus à droite mais quelque part entre la droite et la gauche (au centre a même osé prétendre Marine Le Pen à la presse américaine!), une sorte d’organisation hybride qui n’a que comme principe directeur de dire ce que certaines catégories de personnes veulent entendre pour qu’elles votent pour ses candidats, alors la droitisation de la société est un leurre puisque les blocs de droite et de gauche sont alors assez semblables.
Quant au vote protestataire, il est difficilement compréhensible si le vote pour le FN est désormais un vote d’adhésion…
Ce paysage politique, nos experts l’appellent désormais le tripartisme, après nous avoir abreuvés d’études depuis 1958 et l’adoption de la Constitution de la V° République sur le fait que le nouveau régime politique ne pouvait fonctionner qu’en bipartisme.
Bien entendu, l’existence dans les années 1980 de quatre grands partis, RPR, UDF, PS et PC pouvaient rentrer dans leur grille de lecture en présentant l’existence de deux blocs comme une sorte de bipartisme, même si cette présentation fleure bon une escroquerie intellectuelle.
D’autant que le tripartisme officiellement créé par nos experts oublie sciemment les partis centristes qui ne sont plus que, dans leurs analyses, des appendices de la Droite.
Et c’est notre deuxième exemple.
Pourquoi, en effet, se compliquer la vie avec un Centre, même si celui-ci n’est évidemment pas réducteur à la Droite, comme le disent d’ailleurs nos experts tout en prétendant le contraire pour leur démonstration du bipartisme et maintenant du tripartisme?
Car ces derniers nous expliquent qu’il y a un réel vote centriste qui n’a jamais disparu depuis le début de la V° République.
Pourtant certains continuent à prétendre que ce vote centriste n’est pas la preuve de l’existence du Centre.
L’exemple le plus incohérent et le plus ridicule de cette thèse est celui de Dominique Reynié, politologue mondain reconverti en homme politique, qui s’est échiné à expliquer que le Centre n’existait pas tout en faisant alliance avec lui lors des dernières élections régionales.
S’allier à ce qui n’existe pas, voilà une attitude plus ésotérique que scientifique…
Bien sûr, me rétorquera-t-on, ce n’est pas parce que des gens se prétendent centristes que le Centre existe.
C’est vrai.
Mais qui irait affirmer que la Gauche et la Droite n’existent pas au même motif?
Parce que si l’on devait donner un brevet de pureté de socialisme ou de conservatisme, bien peu de ceux qui s’en réclament y auraient droit!
A l’inverse, pour reparler du FN, ce n’est pas parce qu’il nie être à l’extrême-droite et qu’il a même menacé un temps ceux qui le considéreraient comme tel de procès qu’il n’est pas un parti extrémiste et de droite.
On rappellera d’ailleurs à ceux qui pensent que le programme économique et social du FN n’est pas d’extrême-droite (et que donc le parti ne l’est plus) que ceux des nationaux-socialistes en Allemagne et des fascistes en Italie étaient également plus proche des thèses socialistes et communistes que des thèses libérales.
Et pourtant, ils étaient bien des partis d’extrême-droite…
Evidemment, les experts ont le droit de dire ce qu’ils veulent et les médias de les inviter pour leur donner une tribune.
Evidemment, tous les experts ne sont pas aussi incohérents ou ne viennent pas seulement donner leur opinion mais partager leur savoir.
Malheureusement, pour l’information du citoyen, primordiale en démocratie, ces experts sérieux sont une minorité.
Mais, dans cette même démocratie, chacun a le droit de croire ce qu’il veut croire, même des experts incohérents qui ont le droit de dire ce qu’ils ont envie de dire.
In fine, pour ce qui nous intéresse ici, voilà ce qu’est le Centrisme selon nous:
- un humanisme intégral (l’être humain, cause et but de toute société humaine);
- un libéralisme social (la liberté solidaire);
- un réformisme (l’ajustement continuel de la société);
- un pragmatisme (gouverner à partir du réel);
- un progressisme (améliorer les conditions de vie de tous);
- un personnalisme (l’individu porteur de droits et de devoirs dans un lien social équilibré).
Ses principales valeurs sont la liberté, le respect, la solidarité, la tolérance, garanties par l’égalité dans la différence et par un lien social émancipateur de l’individu basé notamment sur l'équité.
Son objectif est la mise en place d’une démocratie républicaine respectueuse et équilibrée, la seule qui peut, à la fois, prendre en compte tous les acquis démocratiques tout en les consolidant dans une société du XXI° siècle où il faut, à la fois, renforcer les relations collaboratives entre les personnes par un lien social dépoussiéré, refondé et affermi par lequel s’exprime une responsabilité collective rénovée tout en étendant la liberté de chacun grâce à l’approfondissement d’une autonomie individuelle responsable.
Son principe d’action politique est le juste équilibre qui peut se définir comme une bonne et pertinente répartition harmonieuse.
Celui-ci ne s’intéresse pas à un hypothétique lieu géométrique axial mais vise à équilibrer la société afin d’y établir un consensus maximal au profit de tous les membres de la communauté.
Il vise à donner le plus de satisfaction possible à tous les citoyens tout en sachant que personne ne peut être contenté complètement. 
Sa règle comportementale est la responsabilité, à la fois, dans son expression du droit à être responsable de sa vie ainsi que de ses choix et dans celle du devoir d’assumer ses actes.
En France, trois pensées principales sont à la source du centrisme français: le libéralisme, le christianisme (avec la démocratie-chrétienne) et le radicalisme.
Schématiquement, la liberté du Centrisme vient du libéralisme, sa solidarité du christianisme et son adhésion à la république du radicalisme.
Le centrisme français découle
- du libéralisme parce qu’il se bat pour les droits naturels d’un individu autonome et responsable poursuivant son intérêt;
- du christianisme (démocratie-chrétienne) parce qu’il se bat par l’amour (agapé) pour le respect d’une personne partageant la condition humaine universelle et la solidarité dans sa communauté;
- du radicalisme parce qu’il se bat par la raison pour la dignité d’un citoyen averti et conscient défenseur d’une laïcité intégrale et intégrante.
Voilà qui définit bien un courant politique à part entière.


(*) On pourra lire, entre autres:



lundi 28 décembre 2015

L’année du Centrisme dans le monde - Edition 2015. Centristes européens à la peine

Les victoires électorales centristes ont été peu nombreuses cette année comme celle de Justin Trudeau au Canada.
La situation est néanmoins meilleure si l’on compte les coalitions dont les formations du Centre faisaient partie tout en n’étant pas les leaders de celles-ci.
Certaines ont permis de mettre fin à des années de régimes plus ou moins autoritaires comme en Argentine ou au Venezuela.
Pendant ce temps, aux Etats-Unis, Hillary Clinton, une centriste, est bien placée pour remplacer un autre centriste, Barack Obama et de faire l’histoire en devenant la première femme présidente du pays.
Mais il reste encore onze mois de campagne.
En Europe, les centristes ont conquis des positions comme en Espagne.
Mais ils ont aussi beaucoup perdu comme en Grande Bretagne et en Pologne.
Au Portugal, ils ont remporté les élections mais se sont retrouvés dans l’opposition du fait d’une alliance inédite entre les socialistes et l’extrême-gauche.
► Etats-Unis: Barack Obama fin de parcours plutôt positif – La dynamique d’Hillary Clinton
Il y a un paradoxe aux Etats-Unis depuis l’élection de Bill Clinton en 1992.
Le pays élit en effet des présidents centristes mais le Parti républicain se droitise de plus en plus et parvient, dans le même temps, grâce entre autres à un découpage électoral souvent inique et une meilleure mobilisation de ses troupes pour les élections locales, à contrôler une majorité d’Etats (gouverneurs et congrès) et à être majoritaires désormais au Congrès du pays.
Evidemment, l’on peut prendre comme contre exemple de ce qui vient d’être dit l’ère de George W Bush, élu en 2000 et réélu en 2004 et un Congrès qui redevint entièrement démocrate de 2006 à 2010.
Mais ce serait oublié que Bush fils a perdu l’élection de 2000 en nombre de voix et, sans doute, en nombre de grands électeurs si un vrai recomptage avait eu lieu en Floride (Etat dont il ne faut pas oublier que son gouverneur était alors son frère, Jeb!) et qu’il a bénéficié d’une décision encore aujourd’hui condamnable de la Cour suprême majoritairement contrôlée par les républicains.
Si cela n’avait pas été le cas, alors Al Gore, ancien vice-président de Clinton et homme de centre-gauche, aurait été élu à la Maison blanche.
Quant à la réélection de Bush en 2004, elle doit tout autant aux attaques immondes et mensongères dont fut l’objet le centriste John Kerry – pendant longtemps en tête dans les sondages – de la part de la droite radicale et de l’extrême-droite du Parti républicain qu’à la situation particulière du pays qui était en guerre après les attentats du 11 septembre 2001.
Dès lors, on aurait pu avoir une ère de présidents démocrates, rappelant un peu celle qui fut républicaine après la guerre de Sécession – surtout si Hillary Clinton succède à Barack Obama –, toute proportion gardée
Quant à la majorité démocrate au Congrès malgré le redécoupage scandaleux réalisé principalement par les républicains, elle fut acquise alors que le pays portait un regard extrêmement critique sur la présidence de George W Bush dont la fin de son mandat à la Maison blanche fut catastrophique en termes de popularité.
Cette situation prévaut encore actuellement et il se pourrait bien qu’on la retrouve le 8 novembre 2016 au soir avec l’élection d’une centriste à la présidence alors que le Congrès pourrait demeurer républicain même si le Parti démocrate espère pouvoir reprendre la majorité au Sénat.
- Présidentielle 2016 - La dynamique d’Hillary Clinton
Ça avait mal commencé.
A peine Hillary Clinton avait-elle annoncé sa candidature pour la présidentielle qui se tiendra le 8 novembre 2016 que les grosses machines médiatique d’un côté et de propagande du Parti républicain de l’autre se mettaient à déverser un flot d’informations, parfois vraies souvent fausses (notamment à propos de ses e-mails non-sécurisés qu’elle avait envoyé en tant que secrétaire d’Etat), afin de tuer dans l’œuf ce qui aurait du être la marche triomphale de la future première présidente des Etats-Unis de l’histoire.
Si les attaques venues des républicains n’étaient évidemment pas une surprise, la virulence de celles provenant des médias a choqué même si l’on sait que les relations entre Hillary Clinton et les journalistes n’ont jamais été bonnes, ce qui est un euphémisme.
Cette hystérie anti-Hillary a pris de telles proportions que le New York Times, quotidien le plus respecté du pays et démocrate de longue date, a du s’expliquer sur son attitude extrêmement agressive vis-à-vis de l’ex-secrétaire d’Etat d’Obama après que nombre de ses lecteurs se soient plaints d’un «Hillary bashing» primaire.
Les relations demeurent tendues, même si les journalistes sont redevenus un peu plus professionnels en mettant leurs sentiments de côté.
Cela n’a pas empêché la candidate à l’investiture démocrate de se sortir d’une nasse où ses opposants avaient presque réussi à l’enfermer et espéraient bien tuer ses espoirs présidentiels pour de bon.
Ainsi, elle est désormais la favorite de l’élection du 8 novembre et semble sans danger face à son rival pour l’investiture démocrate, le socialiste Bernie Sanders qui réalise tout de même des scores assez importants, à la fois par l’absence de candidats à la candidature (ils ne sont que trois avec Martin O’Malley) et par une volonté de la gauche du parti démocrate de relever la tête contre une centriste qu’ils n’apprécient pas.
Du côté de ses opposants républicains, les deux favoris du moment (mais tout peut changer très vite), le populiste démagogue Donald Trump et l’extrémiste du Tea party Ted Cruz ont peu de chances de la battre.
- Barack Obama fin de parcours plutôt positif
2015 aurait pu être une «annus horribilis» pour Barack Obama.
Généralement, les présidents effectuant un deuxième mandat et ne pouvant donc plus se représenter, perdent toute capacité dans les deux dernières années de leur pouvoir de mettre en route de grandes réformes ou de réaliser de grands projets et sont cantonnés à une gestion du quotidien peu glamour pendant que les prétendants à sa succession trustent les écrans télés, les unes de la presse et le web, des réseaux sociaux aux sites d’information.
Pourtant, Obama a réussi, non seulement, à améliorer pendant un temps sa popularité dans les sondages mais aussi à demeurer sous le feu des projecteurs au grand dam de ses adversaires les plus acharnés du Parti républicain.
Que ce soit lors de moments difficiles (tueries de masse et attentats terroristes), ou pour des questions essentielles (protection de l’environnement et réchauffement climatique, immigration, guerre contre le terrorisme), des problèmes de société (mariage homosexuel, droit de détenir une arme à feu) ou des problèmes politiques (accord nucléaire avec l’Iran), il a été présent et a même avancé des projets ambitieux qui, sans doute, ne connaîtront pas un aboutissement heureux mais qui ont le mérite d’avoir été au centre de débats politiques ou de sociétés d’importance.
Le tout sur fond de croissance économique et de réduction du chômage.
En revanche, la lecture difficile de sa stratégie face aux régimes dictatoriaux comme en Syrie et de guerre contre le terrorisme en Afghanistan, en Irak et en Syrie, a joué en sa défaveur, ses hésitations semblant démontrer une faiblesse dans l’appréciation des menaces avec cette volonté de ne pas replonger le pays dans un conflit aussi désastreux que la seconde guerre d’Irak menée de manière catastrophique par George W Bush au risque de traiter ces problèmes aussi mal que ce dernier mais en sens inverse!

Lire aussi:

► Canada: La victoire surprise du centriste Trudeau
(Voir ci-dessous «Centriste de l’année: Pierre Trudeau»)

Lire aussi:

► Grande Bretagne: La défaite cuisante des Libéraux-démocrates
Les Libéraux-démocrates pensaient qu’ils seraient faiseurs de roi après les élections législatives en Grande Bretagne et ce malgré leur fort recul dans les sondages après une union avec les Conservateurs de David Cameron au gouvernement où ils avaient renié quasiment toutes les promesses électorales qu’ils avaient faites, promesses qui leur avaient permis de réaliser un très bon score aux précédentes législatives et à s’imposer comme partenaires de la Droite dans une coalition gouvernementale où leur leader, Nick Clegg, était nommé vice-premier ministre.
Mais les électeurs n’avaient pas oublié leurs reniements et leur incapacité à faire prévaloir leurs idées.
Le référendum prochain sur la sortie de la Grande Bretagne de l’Union européenne étant une claque parmi tant d’autres pour un parti qui se dit totalement pro-européen.
Et ce qui devait arriver arriva, les Libéraux-démocrates ont été balayés lors du scrutin et n’ont même pas pu mettre en route leur stratégie qui était de s’allier avec le vainqueur quel qu’il soit, une attitude très opportuniste qui leur fut fort justement reprochée.
En effet, le Parti conservateur a réussi à obtenir à lui tout seul la majorité à la Chambre des communes.
Mais les dirigeants centristes ont vu rapidement une occasion de rebondir dans la défaite des Travaillistes et, surtout, dans la nomination d’un homme de gauche radicale à leur tête, Jeremy Corbyn.
Ainsi, les Libéraux démocrates espèrent bien récupérer une partie importante des électeurs de centre-gauche et devenir la deuxième grande formation du pays.
Cet espoir ne s’est pas encore concrétisé et rien ne dit que ce sera le cas.

Lire aussi:

► Espagne: La percée insuffisante de Cuidadanos aux législatives
A un moment donné, Alberto Rivera, le fondateur du parti centriste et anticorruption, Cuidadanos, y a cru.
Les sondages donnaient sa formation politique au coude à coude avec les conservateurs du Parti populaire et les socialistes du PSOE.
L’un d’entre eux lui prédisait même la victoire.
Et même si Cuidadanos est passé de zéro député à 40 avec près de 14% des voix, le résultat a été décevant car les centristes ne peuvent être qu’une force d’appoint à la chambre des députés.
Surtout, ils ne peuvent pas prendre la tête d’une coalition gouvernementale, seule cas de figure acceptable pour Rivera de partager le pouvoir avec d’autres partis.
Et puis, Podemos, la confédération de partis d’extrême-gauche est arrivée devant Cuidadanos, en troisième position derrière le Parti populaire et le PSOE, autre déception pour les centristes.
Reste à savoir si le Centre, disparu dans les années 1980 après avoir été le courant dominant lors des premières élections libres suite à la mort de Franco et le rétablissement de la démocratie, avec Adolfo Suarez comme premier ministre, va s’implanter durablement dans le paysage politique espagnol ou s’il s’agit simplement d’un épiphénomène en rapport avec la situation économique et sociale que connaît actuellement l’Espagne.

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► Pologne: Les centristes laissent la place à la droite dure
On croyait que la Pologne s’était définitivement débarrassée du parti de droite radicale et nationaliste, Droit et justice, des frères Jaroslaw et Lech Kaczynski.
Quand l’un, Jaroslaw, premier ministre, s’était fait battre aux législatives de 2007 par l’homme d’affaire et centriste Donald Tusk et l’autre, Lech, président de la république, était mort dans le crash de son avion en 2010 et qu’un centriste avait été élu à sa place, on espérait que les Polonais avaient choisi la modernité, le libéralisme et l’Europe en s’étant définitivement détournés d’un populisme nationaliste agressif.
Or tout cela vient d’être remis en cause avec la victoire surprise de Droite et justice aux dernières législatives sur les centristes de Plateforme civique après une victoire tout aussi surprenante, quelques mois auparavant, à la présidentielle.
Les premières mesures du nouveau gouvernement ainsi que les déclarations de Jaroslaw Kaczynski font craindre un retour en arrière dans la plus pure tradition d’un nationalisme obscurantiste et d’une grande xénophobie.
Certains diront que l’histoire de la Pologne est remplie d’excuses compréhensibles pour le choix d’un tel parti par les électeurs.
Sans doute, mais il faut aussi savoir tourner la page un jour pour se projeter définitivement dans le cas de la démocratie républicaine.

Lire aussi:

► Centriste de l’année: Justin Trudeau
Depuis le 4 novembre, Justin Trudeau est le vingt-troisième premier ministre du pays.
Peu de monde aurait parié que le fils de Pierre Trudeau, voici quelques années, suive son illustre père en politique puis qu’il devienne, à sa suite, premier ministre du Canada dans une victoire tout aussi éclatante que peu prévisible voici quelques mois.
Mais Justin Trudeau, tout juste 44 ans et député depuis 2007, a du talent et du charisme comme son père et il a su redonner vie au projet centriste et progressiste du Parti libéral, une formation que beaucoup avaient enterrée et qui se trouvait, disait-on, coincée entre les conservateurs et les socialistes.
Mais l’usure du pouvoir des premiers ainsi que leur conservatisme appuyé et le positionnement très à gauche du Parti social-démocrate ont ouvert la voie à la victoire du Parti libéral le 19 octobre dernier.
Les premières mesures prises par le gouvernement Trudeau ont été bien accueillies mais il faudra évidemment attendre pour savoir si le jeune premier ministre peut gouverner le Canada avec succès et mettre en place les réformes nécessaires.
Lire aussi:

Autres événements de 2015:
- Suisse: Les centristes tiennent bon
- Grèce: Le Centre se fait une place
- Portugal: le centre-droit gagne mais perd!
- Argentine: Une coalition de centre-droit au pouvoir
- Venezuela: Une coalition de partis, dont centristes, bat le régime autoritaire
- Côte d’Ivoire: Victoire du président sortant Alassane Ouattara


Alexandre Vatimbella & Jean-Louis Pommery avec l’équipe du CREC

Lire aussi:



samedi 26 décembre 2015

Présidentielle 2017. La pèche aux voix centristes a commencé dès 2015

Pour espérer être au second tour de la présidentielle en l’état des sondages (tous ceux réalisés en 2015 disent la même chose) les candidats du PS et de LR auront besoin des voix centristes dès le premier tour.
Tout comme évidemment un hypothétique candidat centriste, que ce soit François Bayrou et/ou un candidat venu de l’UDI.
Si François Hollande (candidat socialiste le plus probable) peut toujours rêver faire l’unité à gauche (allant de l’extrême-gauche au centre-gauche) qui pourrait lui donner plus de 30% des voix, ce n’est pas le cas du candidat LR (Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé) qui auront besoin des voix centristes pour arriver en deuxième position au soir du premier tour.
Mais, si l’on est réaliste, il serait étonnant qu’Hollande puisse faire l’union autour de sa candidature à gauche, ce qui fait qu’il aura également besoin des voix centristes.
Bien sûr, les deux stratégies («à gauche toute» et le «recentrage») sont encore sur la table et les hésitations du Président de la république à en choisir une en dit long sur le côté aléatoire des deux possibilités qui s’offrent à lui.
Surtout, le choix d’une des deux stratégies répond à celui qui sera en face d’Hollande.
Si c’est Nicolas Sarkozy, récupérer une partie des voix à gauche du PS semble possible tellement la détestation de ce dernier est un puissant ciment pour l’ensemble de la Gauche.
Dès lors, pas besoin de faire une union de la Gauche (qui se fera naturellement) et il vaut mieux draguer les électeurs du Centre qui, eux aussi, n’ont guère de sympathie pour le président du parti de la Droite, comme le montrent les sondages, afin de sécuriser sa présence au second tour.
Si c’est Alain Juppé, en revanche, il semble difficile qu’Hollande récupère les voix centristes.
Son salut passera par un virage à gauche et une union de toutes les forces de Gauche s’il veut être au second tour.
Bien entendu, le fait que la primaire de la Droite ne sera organisée que fin 2016 complique le choix de l’une ou l’autre des stratégies, risquant de brouiller le message, à la fois, pour les électeurs de la Gauche et ceux du Centre.
Du coup, tout au long de 2015, l’ensemble des candidats sérieux (sauf celle du Front national mais rien n’est à écarter en 2016 et surtout en 2017, si la nécessité s’en fait sentir) ont dragué l’électorat centriste tout en prenant systématiquement distance vis-à-vis du Centre, Alain Juppé se croyant obligé de déclaré qu’il n’était pas centriste alors que personne ne lui avait rien demandé tandis que Nicolas Sarkozy se gaussait des prétentions des centristes et que François Hollande célébrait à périodes répétées les valeurs de gauche.
Pour la Droite, cette chasse aux voix centristes est passé évidemment par des accords électoraux avec les partis centristes avec une générosité étonnante, très critiquée par ses amis, de Nicolas Sarkozy, surtout pour les régionales, à charge de revanche, cela va de soi.
Pour la Gauche, il s’agit plutôt, pour l’instant, de dénoncer les dérives droitières de LR et de promouvoir les positions sociales-réformistes et sociales-libérales de Manuel Valls et de son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron.
Ce sera utile si l’on choisit la stratégie de recentrage.
Mais la bonne nouvelle pour le PS et François Hollande est venue des derniers sondages qui montrent que si le président sortant ne suscite pas une grande appétence pour sa candidature en 2017, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, est encore plus rejeté par les Français!
Et, pour la première fois depuis longtemps, un sondage a donné François Hollande devant Nicolas Sarkozy au premier tour puis vainqueur de Marine Le Pen au second.
Voilà qui est évidemment le scénario rêvé à l’Elysée et le cauchemar de le rue de Vaugirard (siège de LR).
Bien entendu, les choses seront bien différentes si Alain Juppé est le candidat de LR (et sans doute de la Droite et du Centre réunis dès le premier tour).
Comme nous l’avons vu plus haut, il faudra alors délaisser l’espace centriste pour Hollande et se tourner vers l’ensemble de la Gauche.
Reste le ou les candidats du Centre.
Si François Bayrou se présente, il fera le plein au moins 9 à 10%, c’est-à-dire le total des voix centristes qui se portent quasi-automatiquement sur son nom, d’autant que ce sera contre Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Néanmoins, il devrait perdre une partie des voix de ses électeurs potentiels de centre-gauche qui voudront faire barrage à Nicolas Sarkozy et une partie, moindre, de ceux de centre-droit qui voudront favoriser le candidat de la Droite.
Son discours, tout au long de l’année a donc été de rassurer son électorat traditionnel centriste tout en tentant de l’élargir, sans résultat pour l’instant.
Dans le cas où Jean-Christophe Lagarde (ou une autre personnalité) se présenterait sous l’étiquette de l’UDI, il est difficile de savoir qui voterait en sa faveur actuellement faute de sondages sur le sujet.
Cependant, il serait faux de croire que cette candidature serait vouée au désastre et au 1% d’intentions de vote qu’Hervé Morin (alors président du Nouveau centre) obtenait dans les sondages en 2012.
Lagarde, même s’il est encore un inconnu pour beaucoup de Français, a réussi à acquérir un certain statut médiatique qui pourrait lui permettre de s’attacher une grande partie de l’électorat centriste qui constituerait alors sa rampe de lancement.
Quoi qu’il en soit, tous ces candidats se détermineront en grande partie, dans les mois qui restent avant la présidentielle par rapport à l’électorat centriste et à la manière de se l’attacher et à la capacité de le faire.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC


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jeudi 24 décembre 2015

L’année du Centrisme en France - Edition 2015. Année transitoire?

2015 sera-t-elle l’année transitoire où les partis centristes se sont plus ou moins organisés en vue de la bataille de la présidentielle et de celles des législatives de 2017 mais qui vont débuter dès 2016 avec cette accélération désormais inévitable du calendrier électoral dans une démocratie médiatique comme la nôtre?
Peut-être bien.
Cependant, 2015 pourrait également être cette année transitoire entre un Centre divisé en deux partis qui ne se sont pas beaucoup parlés, c’est un euphémisme, et une possible implosion de l’UDI, pour de multiples raisons qui tiennent à son existence même mais plus particulièrement à propos de son positionnement face à la primaire de LR (Les républicains) et de son alliance «naturelle» avec la Droite.
Non que celle-ci soit remise en cause mais le degré de dépendance de la formation dirigée par Jean-Christophe Lagarde est un sujet de débat et d’opposition entre ses leaders.

► Les centristes et les attentats parisiens: résistance face à la barbarie
La France et Paris en particulier ont été l’objet de deux attaques sanglantes de la part des islamistes.
Les lâches assassins qui ont tué des innocents et des journalistes qui ne faisaient qu’exercer leur liberté de parole, ont frappé Charlie hebdo et un supermarché casher en janvier, le quartier de la République et la salle de concert du Bataclan en décembre.
Ils ont été téléguidés par Al Qaida et Daesh qui ont fait de la France et de sa capitale, des cibles privilégiées pour tout ce qu’elles représentent pour la démocratie, la république, la liberté et la laïcité dans le monde, tout ce qui est cœur du projet du Centrisme.
C’est pour cela que, comme tous les Français, les centristes ont réagi avec indignation et dignité, touchés au plus profond de leurs convictions politiques mais aussi d’humanistes.

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► Les partis centristes et les élections: le piège de Nicolas Sarkozy
En 2015, pour toutes les élections, la Droite et le Centre ont été alliés.
Ainsi pour les deux grands rendez-vous, les départementales (22 et 29 mars) et les régionales (6 et 13 décembre).
Les victoires électorales enregistrées lors de celles-ci par l’union entre LR (UMP en début de 2015), l’UDI et le MoDem ont permis aux centristes de (re)constituer un tissu d’élus locaux fort important pour leurs finances et leurs capacités électorales futures et sont, de ce point de vue, un succès pour leur camp.
Ainsi, Jean Christophe Lagarde a pu affirmer, après les départementales, que l’UDI était devenu le troisième parti de France en termes d’élus, ce qui est vrai mais ne reflète évidemment pas le réel rapport de force politique qui a plutôt consacré un tripartisme, LR, PS et FN.
De même, des accords particulièrement favorables négociés entre Nicolas Sarkozy et Jean-Christophe Lagarde pour les régionales (c’était nettement moins vrai aux départementales où seuls 10% des cantons avaient un candidat d’union centriste) ont montré que si les centristes avaient besoin des droitistes pour avoir des élus, les droitistes ne pouvaient l’emporter face à la montée de l’extrême-droite et à la capacité plus ou moins grande de résistance de la Gauche qu’avec les centristes.
Il s’agit donc bien d’une alliance gagnant-gagnant.
Néanmoins, on voit bien que les formations centristes n’ont pas bénéficié à plein de l’union avec la Droite puisqu’aux régionales sur les trois présidences de région «offertes» à l’UDI, celle-ci n’a été capable que d’en gagner une alors que les deux autres auraient du logiquement être perdues par la Gauche.
Ce qui a permis, d’ailleurs, à la droite de LR de reposer la question de l’intérêt des «cadeaux» qu’avait fait Nicolas Sarkozy aux centristes afin de se les attacher dès le premier tour de la présidentielle de 2017.
Mais il est fort possible que cette prévenance à l’égard des centristes n’avait rien à voir avec une quelconque générosité, terme peu en vogue dans le monde politique et en matière électorale...
En montrant, lors d’élections régionales de peu d’importance, que les centristes – qui auraient du y aller seuls du fait même de la proportionnelle, eux qui la réclament à cor et à cri pour les législatives afin de ne pas être contraints à des alliances – permettaient de faire barrage au FN tout en gagnant des sièges, Nicolas Sarkozy a voulu les piéger pour les futures scrutins autrement plus essentiels.
Car il va être difficile, dorénavant à l’UDI de jouer la carte de l’indépendance au risque de faire perdre à la Droite la présidentielle et de se retrouver avec quelques députés après les législatives.
Pour le MoDem, la question est différente puisque l’existence du parti est essentiellement basée sur l’ambition présidentielle de François Bayrou et que ce dernier sera candidat si Nicolas Sarkozy est celui de LR, quoi que puisse faire ce dernier en représailles.

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► Les présidentielles de l’UDI et le challenge de Lagarde
Jean-Christophe Lagarde a tenté, tant bien que mal, d’évacuer le plus longtemps possible la question d’une candidature indépendante de l’UDI à la présidentielle.
Il est ainsi parvenu à repousser le débat pour 2016 en organisant un congrès extraordinaire pour la trancher en mars prochain.
Mais, à l’évidence, cette possible candidature a déjà créé des tensions très fortes dans le parti et la décision quelle qu’elle soit pourrait aboutir à l’implosion de l’UDI, une éventualité qui n’est pas exclue par certains leaders de la formation centriste.
Tout au long de l’année 2015, alors que Lagarde parvenait avec un certain succès à consolider son pouvoir de président après les élections internes de 2014, la question de la candidature UDI face à la candidature unique de la Droite et du Centre dès le premier tour de la présidentielle, a divisé profondément le parti.
Evidemment, on a retrouvé face à Jean-Christophe Lagarde, supposé être plutôt en faveur d’une candidature, Hervé Morin, son principal adversaire, ainsi que François Sauvadet et Philippe Vigier, tous deux défaits lors des régionales, ainsi que plusieurs autres personnalités du parti, totalement opposés à ce que l’UDI se présente à la présidentielle et qui ont voulu que le parti se range derrière LR dès le début de 2015.
Du côté des militants, une majorité d’entre eux semble pencher en faveur d’une candidature, ce qui paraît normal tant la présence à une présidentielle est importante pour une formation politique et son statut auprès de l’opinion.
A noter que Laurent Hénart, allié de Lagarde, et président du Parti radical, une des composantes de l’UDI, a farouchement défendu la candidature indépendante de l’UDI et a pressé le président de la confédération de se présenter.
Rappelons que le Parti radical a été, avec son président d’alors, Jean-Louis Borloo, le créateur de l’UDI.
La volonté était, en quittant l’UMP où le Parti radical était un parti associé, d’acquérir une indépendance que l’absence de candidature à la présidence en 2017 remettrait en cause ou, en tout cas, amoindrirait grandement.

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► Bayrou de plus en plus proche d’une candidature en 2017
François Bayrou ne sera pas candidat si Alain Juppé l’est.
Au-delà d’une certaine proximité politique entre les deux hommes, le leader du Mouvement démocrate sait lire un sondage et apprécier un mouvement populaire.
Alors que, selon les sondages de fin 2015, il obtiendrait au mieux 12% face à une candidature de Nicolas Sarkozy (et pourrait espérer ainsi créer une éventuelle dynamique gagnante), il ne recueillerait que 6,5% face à celle du maire de Bordeaux sans aucun espoir de susciter une appétence pour sa propre candidature.
Injouable donc.
Mais François Bayrou ne croit toujours pas qu’Alain Juppé puisse gagner la primaire de la Droite.
Il est donc en réserve de la République.
Et, dans le cas de figure où ce ne serait pas Juppé, il l’a dit et redit tout au long de l’année 2015, il prendra ses responsabilités, donc il sera candidat.
Au-delà de son envie de se présenter une quatrième fois consécutive au premier tour, ce qui serait un record (Mitterrand et Chirac se sont bien présentés quatre fois mais ils ont été élus à la troisième tentative et réélus à la quatrième), le président du Mouvement démocrate croit dur comme fer qu’il aurait une chance de l’emporter face à Nicolas Sarkozy, François Hollande et Marine Le Pen, en arrivant devant les deux premiers nommés lors du premier tour du fait du rejet de l’opinion publique pour leurs personnes et en étant ainsi le candidat républicain qui l’emporterait sans nul doute au second tour, les Français n’étant pas encore prêts à mettre à leur tête une représentante de l’extrême-droite (et on eut espérer qu’ils ne le soient jamais).

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► L’indépendance des partis centristes au défi de la réalité politique
Les partis centristes ont réussi cette gageure incroyable de s’allier aux régionales avec LR sans s’allier ensemble, sans même négocier ensemble avant de prendre langue avec le parti de droite.
C’est dire si l’unité centriste, célébrée en grande pompe par Jean-Louis Borloo et François Bayrou en 2013 avec la création de l’«organisation collaborative» L’Alternative n’était qu’une vaste fumisterie et une simple alliance électorale pour glaner quelques sièges aux européennes.
Divisés, les centristes n’ont donc actuellement aucune chance de regrouper l’espace centriste sous leur direction et de pouvoir peser réellement sur le paysage politique autrement que comme force d’appoint, même si cela leur donne un pouvoir bien plus grand que leur réelle puissance politique.
Concrètement, ils sont donc contraints à des alliances pour exister électoralement et avoir des élus.
C’est à droite toute que l’ensemble des composantes centristes ont choisi de se positionner en 2015 avec une alliance avec LR, tant pour l’UDI que pour le MoDem, à la fois aux départementales et aux régionales.
Tant François Bayrou que Jean-Christophe Lagarde ont remis à plus tard, voire aux calendes grecques, leur ambition d’indépendance pour leur formation (Bayrou n’ayant pas la même vision pour sa personne et sa présence à la présidentielle de 2017).
La présence de François Bayrou et/ou de Jean-Christophe Lagarde au premier tour de la présidentielle de 2017 pourraient changer la donne mais leurs chances de succès étant limitées, il leur faudra aussi penser aux législatives qui suivront.

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► Où en est l’axe central?
L’axe central, cette fameuse convergence de vue entre les réformistes de droite, les libéraux sociaux du Centre et les sociaux-libéraux de gauche, avance… en tout cas dans les déclarations de responsables politiques ainsi que dans les médias.
Ce qui est déjà un niveau supérieur à celui de l’année 2014.
Réalité politique, allant d’Alain Juppé à Manuel Valls en passant par François Bayrou, Jean-Christophe Lagarde ou Emmanuel Macron, que plus personne ne nie désormais, cet axe n’est pas pour l’instant une réalité partisane, ni électorale.
Mais elle existe dans la volonté des électeurs de voir émerger un grand rassemblement allant de la droite modérée à la gauche modérée en passant par les centristes, ce qui est essentiel pour sa possible existence future, mais aussi dans celle de leaders politiques aux intentions plus ou moins honnêtes.
Cependant aucun rapprochement concret n’a eu lieu jusqu’à présent dans une structure quelconque ou lors des élections.
Néanmoins, il se pourrait bien, rétrospectivement, que l’année 2015 aura été une année charnière pour une future recomposition du paysage politique qui pourrait avoir lieu en 2017 entre le deuxième tour des présidentielles et le premier tour des législatives en cas de victoire d’Alain Juppé, par exemple.
Quoi qu’il en soit, la recomposition partisane serait un bienfait pour la démocratie avec cette mise en place d’une tricoalition (droite radicale, réformisme libéral et gauche radicale) qui correspondrait à de réels clivages dans la conduite du pays et dans la vision de son avenir.

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► La création de l’UDE: l’écologie centriste, bis repetita?
Lorsque Jean-Louis Borloo crée l’UDI, il s’agit d’un parti de centre-droit à la fibre écologique, ce qui correspond à ses convictions politiques profondes.
Si, encore aujourd’hui, on trouve bien un blog du parti dédié à l’écologie avec un programme plus ou moins détaillé, force est de reconnaître que la formation dorénavant dirigée par Jean-Christophe Lagarde ne s’est pas illustrée par un activisme écologique forcené, même lors de la CAP 21 qui s’est tenue à Paris à la fin de 2015.
La création de l’UDE (Union des démocrates et écologistes) sera-t-elle de la même veine pu viendra-t-elle combler un vide?
Mise sur pied par des élus ayant quitté le Mouvement démocrate mais surtout Europe-écologie-les-Verts en dénonçant sa dérive vers l’extrême-gauche et les positions haineuses de Cécile Duflot pas encore remise de son éviction du gouvernement, son positionnement politique se veut au centre-gauche.
Ses leaders, François de Rugy, Jean-Vincent Placé et Jean-Luc Bennahmias ont un coup à jouer même si les débuts de la formation ont été quelque peu timides.

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► Centriste de l’année: Emmanuel Macron
Le centriste de l’année on le trouve… au Parti socialiste!
C’est évidemment Emmanuel Macron, l’homme qui se présente comme un libéral assumé tendance de centre-gauche, qui est devenu une des personnalités les plus populaires de la politique française et qui s’est mis en tête de réformer la France dans un gouvernement de gauche avec un programme du Centre.
Le fait qu’il n’est pas été viré du gouvernement malgré ses nombreux «dérapages» qui enragent les tenants d’une gauche obscurantiste, en dit long sur le soutien de François Hollande mais aussi de Manuel Valls même si les médias ont beaucoup parlé de la concurrence entre le ministre de l’Economie et le Premier ministre.
De leur côté, l’ensemble des centristes se sont trouvés déstabilisés par les propos d’Emmanuel Macron et ont répondu par une boutade en disant qu’il était le bienvenu chez eux.
Sans doute que ce dernier serait effectivement plus à sa place dans une formation centriste, même avec sa fibre sociale affirmée, mais il sera peut-être celui qui, avec Manuel Valls et François Hollande, permettra enfin la modernisation de la Gauche de gouvernement et son ralliement au principe de réalité chère aux centristes, ce qui pourrait ouvrir cette fameuse recomposition politique aboutissant à la création de l’axe central.
Il sera intéressant de voir comment va évoluer le discours d’Emmanuel Macron en 2016 et si sa popularité restera intacte.

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Autres événements de 2015:
- Simone Veil, la personnalité politique préférée des Français
- La démission de Jean-Christophe Fromantin de l’UDI
- La crise grecque divise les centristes français


Alexandre Vatimbella & Jean-Louis Pommery avec l’équipe du CREC