dimanche 30 août 2015

Présidentielle USA 2016. Une bataille entre populistes et centristes?

La prochaine présidentielle américaine nous réserve-t-elle une bataille entre les populistes et les centristes dans chaque camp lors des primaires puis entre chaque camp lors de la confrontation finale de novembre 2016?
Les débuts de la campagne semblent accréditer cette thèse même si tout peut être chamboulé très rapidement, surtout aux Etats-Unis où les surprises et les retournements de situation se produisent assez souvent.
Si la situation actuelle devait perdurer, on pourrait alors assister à un duel entre Bernie Sanders et Hillary Clinton lors des primaires démocrates et à un possible duel entre Donald Trump et John Kasich (qui monte dans les sondages mais demeure encore devancé par d’autres candidats) lors des primaires républicaines.
Et s’il semble quasiment impossible à Sanders d’obtenir la nomination comme candidat démocrate, ce sera difficile mais pas impossible à Trump d’être le candidat républicain tellement il domine les autres prétendants (toutefois avec des scores bien en dessous de 50% des intentions de vote).
Certains se demanderont où sont passés Jeb Bush du côté du Parti républicain et Joe Biden, le vice-président actuel, s’il se confirme qu’il entre dans la course du côté du Parti démocrate.
La dynamique n’est pas de leur côté actuellement mais si c’était le cas, alors la confrontation populistes-centristes ne seraient pas terminées puisque, selon toute vraisemblance, Bush prendrait la place de Kasich et Biden, celle de Clinton.
Quoi de plus normal que de trouver lors des primaires un candidat proche des extrêmes face à un candidat qui campe plus ou moins au centre de l’échiquier politique, diront les habitués des élections américaines.
Et il est vrai que l’on a souvent assisté à ce cas de figure lors des primaires de chaque parti.
Sauf que cette fois-ci, le populisme démagogique a largement remplacé l’idéologie.
Quant Barry Goldwater est le candidat républicain lors de l’élection de 1964 face à Lyndon Johnson, c’est un idéologue proche de l’extrême-droite.
Quant George McGovern est le candidat démocrate lors de l’élection de 1972 face à Richard Nixon, c’est un idéologue proche de l’extrême-gauche.
Ce qui n’est pas le cas de Donald Trump dont beaucoup d’analystes politiques sont encore à se demander si son programme est plus proche de celui des républicains ou de celui des démocrates, tellement il mélange les deux pour en faire ressortir une vision politique d’un populisme et d’une démagogie que l’on ne pensait plus possible de la part d’un candidat d’un grand parti d’une démocratie en 2015.
Ce n’est pas le cas non plus, à un degré moindre cependant, de Bernie Sanders, admirateur du marxiste américain Noam Chomsky, dont la rhétorique est plus proche du populisme d’extrême-gauche, de Syriza à Podemos en passant par le Front de gauche en Europe.
Face à eux, en revanche, on retrouve une constante dans la politique américaine, les centristes, de George Washington à Barack Obama en passant par Abraham Lincoln, Theodore Roosevelt et Bill Clinton, ceux qui ont fait, globalement, ce qu’est la démocratie américaine depuis près de 240 ans, sauf exceptions, et encore, les candidats idéologiquement clivés se recentrant naturellement une fois la présidentielle gagnée, devant la réalité du pouvoir même s’ils prenaient quelques mesures plus ou moins symboliques pour donner des gages à leurs soutiens les plus polarisés.
Dans le lot, Hillary Clinton est certainement la plus centriste (c’est d’ailleurs une des raisons des attaques virulentes qui lui viennent des deux bords) mais John Kasich serait certainement un président de droite modérée à défaut d’être réellement de centre-droit.
Il faut bien comprendre que ces oppositions dans les deux grands partis viennent de ce qu’ils sont sensés représenter tout le spectre politique (même s’il existe une myriade de petits partis mais qui ont souvent l’allure de groupuscules qui ne comptent pour rien électoralement parlant ou peu).
Dès lors, il est naturel de trouver une aile extrême et une aile centriste dans chacun d’eux, plus que dans les partis européens, notamment les partis français.
En outre, chaque aile se choisit un héraut dans le lot de candidats qui se présentent.
Ce qui ne veut pas dire qu’ils sont toujours représentatifs de cette aile.
Ainsi, Barack Obama a été adoubé par l’aile gauche du Parti démocrate en 2008 alors qu’il était un centriste mais plus acceptable pour celle-ci qu’Hillary Clinton.
De même pour George W Bush face à John McCain (très centriste à cette époque) chez les républicains en 2000, où c’est l’aile droite qui a fait élire le premier nommé qui se présentait pourtant comme un défenseur du «compassionate conservatism», c’est-à-dire d’un «conservatisme compatissant» qui prend en compte l’aspect social pour améliorer la condition des populations, notamment les plus défavorisées.
Une bataille entre populistes et centristes ne sera sans doute pas moins agressive que celle qui oppose traditionnellement extrémistes et centristes.
En revanche, elle pourrait bien être totalement imprévisible dans son déroulement même si les spécialistes estiment que les populistes Trump et Sanders ont très peu de chances de dépasser le stade des primaires.
Cependant, Donald Trump n’a pas fermé la porte à une candidature indépendante.
Et personne ne peut dire que Bernie Sanders, grisé par des salles remplies de milliers de jeunes fans, ne soit pas tenté également par une candidature en solo, lui qui n’est pas membre du Parti démocrate mais affilié au groupe démocrate au Sénat.
Du coup, on pourrait se retrouver avec une triangulaire, voire un quadriangulaire, avec les deux candidats centristes de chaque grand parti et les deux trublions cités ci-dessus.
Cette campagne présidentielle pourrait, in fine, être annonciatrice d’une nouvelle époque politique qui correspondrait au lent délitement des valeurs de la démocratie républicaine, concurrencées par les revendications d’une «populocratie» démagogique et médiocre qui tire vers le bas le projet démocratique et humaniste tout en permettant à un personnage comme Donald Trump, grâce entre autres à des médias en continue toujours en quête de sensationnel et non d’information pour faire tourner leur boutique, d’occuper l’espace politico-médiatique.
Il y a néanmoins une version optimiste qui est la rapide disparition de ces populistes qui gangrènent la démocratie républicaine dans les poubelles de l’histoire.
Malheureusement, cette dernière ne la valide pas car le populisme et la démagogie sont deux tares qui ont toujours parasité la politique et, parfois, ont permis à des aventuriers dangereux de mener leur pays ainsi que le monde au bord du chaos, voire dedans.
En cela, les élections présidentielles américaines de 2016 seront sans doute un moment de vérité dans l’avenir proche des systèmes politiques des démocraties occidentales.
Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC