jeudi 1 décembre 2016

Présidentielle 2017. La «révolution démocratique» de Macron est-elle centriste?

Macron dédicace sa "Révolution démocratique"
Révolution est un terme fort, c’est sans doute la raison pour laquelle Emmanuel Macron l’a choisi pour le titre de son livre qui ouvre sa campagne électorale pour la présidentielle de 2017.
Mais révolution est également un terme désuet et surtout ambigüe pour tous ceux qui soutiennent une démocratie républicaine comme les centristes.
Il draine en effet avec lui, à côté d’une exaltation certaine, toute une histoire et nombre d’images peu valorisantes.
Il y a bien sûr la Révolution française ou ce que l’on appelle la Révolution américaine pour caractériser la guerre d’indépendance des Etats-Unis, deux événements qui ont fondé le principe selon lequel il ne pouvait y avoir de gouvernement des humains que par les humains et pour les humains comme le dira en une belle formule Abraham Lincoln quelques années plus tard.
Mais il y a aussi la Révolution russe ou la Révolution culturelle chinoise.
Et la révolution est presque toujours associé à des épisodes sanglants et à des destructions et pas seulement de l’ordre ancien.
C’est pourquoi le Centrisme n’aime pas ce terme qui signifie souvent remplacer un ordre ancien par un nouveau qui n’est pas forcément meilleur et surtout à un changement de monde illusoire où l’on revient souvent à la case départ quand ce n’est pas dans l’obscurantisme que les révolutionnaires étaient sensés combattre.
Or le Centre veut changer le monde, ce qui est une tâche beaucoup plus compliquée et responsable que de vouloir changer de monde qui n’est rien d’autre que de la simple rhétorique.
Le réformisme centriste est d’ailleurs plus associé à la révolte au sens où l’entendait Albert Camus, c’est-à-dire ce refus d’accepter des situations injustes et de vouloir lutter contre elles plutôt que de se gargariser d’une révolution qui n’apporte en réalité que de nouvelles injustices.
Le réformiste comme le révolté veut toujours améliorer le monde en reconnaissant sa réalité pas en la niant ce qui lui permet une action concrète toute en responsabilité.
Dès lors, il faut regretter qu’Emmanuel Macron ait décidé d’utiliser le terme de révolution pour son combat politique.
D’autant que dans l’introduction de son livre, il définit ce qu’il entend par cette «Révolution démocratique» et qu’on est assez éloigné d’un processus révolutionnaire tel qu’il est défini généralement comme un «changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d'un État, qui se produit quand un groupe se révolte contre les autorités en place, prend le pouvoir et réussit à le garder» (Larousse).
«Si nous voulons avancer, faire réussir notre pays et construire une prospérité du XXI° siècle dans le droit fil de notre Histoire, écrit le fondateur d’En marche, il nous faut agir. Car la solution est en nous. Elle ne dépend pas d’une liste de propositions qui ne se feront pas. Elle ne saurait émerger de la construction de compromis bancals. Elle se fera grâce à des solutions différentes qui supposent une révolution démocratique profonde. Elle prendra du temps. Elle ne dépend que d’une chose: notre unité, notre courage, notre volonté commune. C’est cette révolution démocratique à laquelle je crois. Celle par laquelle, en France et en Europe, nous conduirons ensemble notre propre révolution plutôt que de la subir.»
On comprend bien, dès lors, que le contenu de l’ouvrage est bien plus proche du réformisme que du révolutionnarisme.
Cependant, Emmanuel Macron, s’il n’est pas révolutionnaire teinte encore une fois son discours d’un populisme regrettable et qui est bien loin du Centrisme.
Ainsi, toujours dans son introduction, il explique qu’«affronter la réalité du monde nous fera retrouver l’espérance. D’aucuns pensent que notre pays est en déclin, que le pire est à venir, que notre civilisation s’efface. Que le repli ou la guerre civile constituent notre seul horizon. Pour se protéger des grandes transformations du monde, nous devrions remonter dans le temps et appliquer les recettes du siècle dernier. D’autres imaginent que la France peut continuer de descendre en pente douce. Que le jeu de l’alternance politique suffira à nous faire respirer. Après la gauche, la droite. Les mêmes visages et les mêmes hommes, depuis tant d’années. Je suis convaincu que les uns comme les autres ont tort. Ce sont leurs modèles, leurs recettes qui ont simplement échoué. Le pays, lui, dans son ensemble, n’a pas échoué. Il le sait confusément, il le sent. De là naît ce « divorce » entre le peuple et ses gouvernants. Je suis convaincu que notre pays a la force, le ressort, l’envie d’avancer. Il a l’Histoire et le peuple pour le faire.»
Macron surfe ici sur la vague de défiance des «élites» (dont il fait partie) pour assoir son mouvement et sa candidature à la présidentielle.
On peut admettre qu’il s’en prenne à l’immobilisme de la «classe politique» qui, devant les défis énormes de la France, de l’Union européenne, du monde libre occidental et de la planète, refuse d’agir en conséquence et de prendre les mesures qui s’imposent.
Mais réveiller la bête sombre du populisme peut-être irresponsable.
En revanche, il est bien plus convaincant quand il explique qu’«en France, nous avons des clivages idéologiques très profonds au sein même de la Gauche, comme au sein de la Droite. Aucun camp ne partage plus avec les siens une même vision du pays et de ses enjeux. Ce ne sont plus des familles politiques, mais des familles d'intérêts politiques et d'équilibres. Il faut à un moment dire: ‘Le roi est nu’.»
Ce qui nécessite évidemment la recomposition du paysage politique autour de cet axe central progressiste allant des réformistes de droite aux réformistes de gauche en passant par ceux du Centre dont nous parlons souvent.
Des réformistes dont il estime, à juste titre, que François Fillon ne fait pas partie:
«Je ne crois pas que le programme de François Fillon soit libéral sur le plan économique, il est au contraire profondément conservateur. Il y figure la suppression de certaines normes comme peuvent le proposer des libéraux, mais le libéral, lui, s'attaque à des rentes, à des blocages dans l'économie, œuvre pour la mobilité sociale, il fait donc autre chose que de favoriser ceux qui ont déjà réussi! En France, on confond volontiers libéral et conservateur, parce que nous n'avons pas de tradition libérale. J'ai beaucoup de respect pour François Fillon, mais c'est d'abord un conservateur.»

- Les mesures proposées par Macron
Si le discours contient une certaine ambiguïté, les mesures proposées par Emmanuel Macron et qui ne constituent pas encore un programme sont, elles, plus intéressantes et proches de celles que proposent le Centre et le Centrisme.
Car comme il l’explique dans une interview récente au Monde, «La priorité, ce sont les réformes en profondeur qui permettent des changements de comportement dans la société».
Et de poursuivre, «je veux gagner l'élection présidentielle sur un projet progressiste et sur la base d'un contrat avec la nation sur dix réformes-clés que j'égrènerai jusqu'à la fin du mois de février».
Et les trois premières réformes qui seront sa priorité s’il est élu en mai prochain à l’Elysée pourraient faire partie sans aucun problème d’un programme centriste:
«Ma première réforme est celle du marché du travail qui passe par une déconcentration du dialogue social. On a des protections définies par la loi, on met en place un ordre public social et on renvoie ensuite la possibilité aux branches et aux entreprises de négocier. La deuxième réforme, c'est celle de la formation professionnelle et de la formation continue, qu'il faut faire aussi dès le début parce que nous sommes entrés dans un monde où nous changerons tous de vie plusieurs fois. La troisième réforme, c'est l'école, pour laquelle je propose un investissement massif sur la fin de la maternelle et le primaire, et l'orientation en fin de seconde, qui sont les deux moments où se créent les inégalités. La seule façon de recréer du bien commun dans notre pays, c'est par l'école et la formation, et donc la reconstruction, à chaque moment de la vie, d'une égalité d'opportunités. Si on trahit cette promesse, on rend absolument insupportable le monde qui est en train de se transformer.»
Par ailleurs, dans son livre et ses discours, il a égrainé un certain de pistes de réformes dans plusieurs domaines.
En matière de fiscalité, il souhaite que le système «récompense la prise de risque».
Quant à l’impôt sur la fortune, il estime qu’il «ne doit plus pénaliser ceux qui réussissent de leur vivant et investissent dans les entreprises et l'innovation».
Pour ce qui concerne les dépenses publiques, il pense qu’il n’est pas souhaitable de viser l'équilibre des comptes publics» actuellement.
Pour autant, il se déclare pour une réduction des dépenses publiques par «la fixation d'un objectif» à ne pas dépasser.
Néanmoins, il souhaite des investissements publics importants dans trois domaines:
l’éducation et la formation, la transition écologique ainsi que la mise en place de la fibre numérique partout en France.
Dans le secteur de la protection sociale, il veut que l’Etat finance directement l’assurance chômage par l’impôt.
Une assurance chômage qui ne devrait pas être dégressive selon lui et qui devrait être ouverte aux travailleurs indépendants, commerçants et artisans inclus, ainsi qu’à ceux qui démissionnent de leur emploi.
Mais il souhaite aussi que les bénéficiaires de cette assurance soient plus et mieux contrôlés, ceux qui refusent une formation professionnelle ou un emploi dans leurs cordes devraient être, selon lui, radiés.
Pour ce qui est du revenu universel (un salaire qui tombe tous les mois pour tous les Français à parti d’un certain âge) réclamé désormais par nombre de politiques au centre, à gauche et même à droite, il n’en est pas un défenseur.
Plus généralement, en matière de travail, Macron veut «changer profondément la construction du droit du travail» pour permettre, par exemple, aux accords de branche et aux accords d'entreprise «de déroger à la loi par accord majoritaire sur tous les sujets souhaités» mais avec des syndicats capables de négocier, donc forts.
Cela entre évidemment dans son plan pour libérer l’économie.
Afin d’y parvenir, il veut des allègements de charges ainsi que des suppressions et des réductions de cotisations sociales patronales et des travailleurs indépendants, ce qui permettrait, selon lui d’«augmenter sensiblement les salaires nets sans alourdir le coût du travail ni détériorer la compétitivité ou l'emploi»
Toutes ces mesures seraient financées par des économies des dépenses de l’Etat ainsi que par une fiscalité sur la pollution et/ou la consommation.
Enfin, en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme, il veut recruter «10.000 fonctionnaires de police et de gendarmerie (…) dans les trois prochaines années» ainsi qu’une réserve opérationnelle de 30.000 à 50.000 jeunes qui seraient formés aux tâches de sécurité publique.
Il propose en outre de rétablir une police de proximité, supprimée par Nicolas Sarkozy, de mettre en place un dispositif de renseignement territorial, de créer une «cellule centrale de traitement des données de masse de renseignement» ainsi que de rendre «plus efficace» l’articulation entre la police et la justice.


Alexandre Vatimbella



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Présidentielle 2017. Bayrou veut se présenter mais…

François Bayrou veut être candidat en 2017 et la défaite d’Alain Juppé à la primaire lui enlève les dernières barrières qui entravaient sa volonté.
Sauf que la donne n’est plus exactement la même qu’il y a quelques mois, voire quelques semaines.
Si, sur le plateau de France 2, il a dit qu’il n’excluait rien notamment de se présenter à la présidentielle car, en l’état, il ne se ralliera pas à François Fillon sauf si celui-ci infléchissait nettement son programme qu’il estime quasiment aussi dangereux que celui de Nicolas Sarkozy et injuste, ce que le candidat officiel de LR a d’ores et déjà déclaré qu’il ne le ferait pas, Bayrou est aujourd’hui dans un trou d’air qui ne facilite pas sa candidature.
Les sondages le donnent actuellement entre 5% et 8%, ce qui ferait de sa présence à la présidentielle, une candidature de témoignage, vouée inexorablement à l’échec face à celle d’Emmanuelle Macron qui semble être sur une dynamique, notamment auprès des électeurs centristes.
Bien entendu, François Bayrou a le temps d’inverser la tendance et les récentes surprises lors des élections dans les pays démocratiques montrent que plus rien n’est impossible en la matière.
Néanmoins, Macron est un concurrent qui possède tous les atouts pour occuper l’espace central cher à Bayrou mais également être ce qu’il fut en 2007, le candidat refuge pour tous les électeurs qui ne voulaient pas des candidats des deux grands partis et qui rejetaient le Front national.
Avec, comme pour Bayrou à l’époque, une chance de figurer au second tour.
Dès lors, le président du Mouvement démocrate ne veut pas que sa dernière tentative soit un flop.
Il pourrait donc choisir de zapper 2017 pour être un recours en 2022 après l’échec d’une présidence Fillon (on n’ose imaginer une victoire de Marine Le Pen) et le dégonflage de la bulle Macron.
Cependant, faut-il le rappeler encore, François Bayrou ne vit que pour l’élection présidentielle et son Mouvement démocrate n’est qu’une machine pour le seconder dans sa candidature à la seule élection qu’il estime importante dans la V° République car conditionnant toutes les autres.
Une solution de repli pourrait être alors de ronger son frein en monnayant son soutien à François Fillon contre une dizaine ou une vingtaine de députés qui lui seraient utiles en 2022 pour mieux légitimer sa candidature.
Reste que l’on voit mal Fillon lui offrir ce cadeau alors même que Juppé a perdu parce qu’il était considéré comme otage de Bayrou.
D’autre part, rien ne dit que Macron ne sera qu’une mode et, même s’il l’est, rien ne dit qu’un autre Macron ne sera pas sur la route du président du MoDem en 2022.
La décision de François Bayrou sera difficile mais il est sûr que la base de sa réflexion est d’y aller.

Alexandre Vatimbella



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