mercredi 23 novembre 2016

Présidentielle 2017. Bayrou réapparaît, Juppé disparaît?!

François Bayrou & Alain Juppé
François Bayrou s’était attaché à parler le moins possible dans les derniers jours de la campagne du premier tour de la primaire LR pour ne pas porter préjudice au candidat qu’il soutenait, Alain Juppé.
Il faut dire que les attaques violentes de Nicolas Sarkozy à son encontre et ses réponses tout aussi agressives semblaient mettre le maire de Bordeaux en difficulté avec une baisse sensible dans les sondages.
Et les résultats du scrutin du 20 novembre ont confirmé que l’image d’Alain Juppé auprès des sympathisants de droite et plus particulièrement de LR avait fortement chuté, permettant à un autre anti-sarkozyste, François Fillon, considéré comme plus «pur» par l’électorat de droite, de faire une percée sans précédent pour se retrouver en tête et favori du second tour.
Alors qu’Alain Juppé a durci son discours et ses critiques envers Fillon, revoici François Bayrou qui vient réaffirmer son soutien sans failles ou presque à celui-ci.
Les plus optimistes des juppéistes peuvent se dire qu’il s’agit de remotiver l’électorat centriste qui semblait acquis à leur chef à près de 90% et dont les sondages montrent qu’un tiers pourrait se porter sur l’ancien premier ministre de Sarkozy dimanche prochain.
Les plus pessimistes et sans doute les plus réalistes doivent se dire que Bayrou a acté la défaite inéluctable de leur champion et qu’il avance désormais ses pions en vue de sa propre candidature qu’il n’a pas écartée face à Fillon.
L’intervention qu’il a faite aujourd’hui au micro de Franceinfo le laisse en tout cas penser, puisqu’il a lâché, «si vous voulez qu’on dise que François Fillon est favori, c’est vrai..».
Après avoir redit son soutien à Juppé et déclaré encore croire en sa victoire, le président du Mouvement démocrate a laissé entendre sans le dire qu’il serait candidat si le maire de Bordeaux perdait et que le député de Paris était le candidat de LR.
Rien de nouveau, si ce n’est que Bayrou a critiqué très vertement le programme de Fillon en le cataloguant très à droite et estimant que sa volonté de «casser la baraque» était dangereuse tout en pointant son éloignement d’avec lui: «Moi, ce qui me motive ou qui me trouble dans la situation qui est créée, c’est le projet que porte François Fillon. Il se trouve que j’ai connu François Fillon lorsqu’il était Séguiniste. A la fin des années 80, nous avons ensemble fait les rénovateurs: il était du côté de la fracture sociale, comme je le suis. Du point de vue du diagnostic sur la société, de ce qui se passe, il est assez proche de moi. Mais aujourd’hui il a choisi un projet d’une toute autre orientation et c’est cette orientation qui est pour moi dangereuse, pour le pays et pour l’alternance».
Puis il a réaffirmé qu’il ferait pression sur Juppé pour changer les mesures de son programme avec lesquelles il était en désaccord.
Ainsi, à la question sur les similitudes entre les programmes de Juppé et Fillon, il a répondu: C’est vrai, je ne peux pas dire le contraire, mais l’esprit n’est pas le même. Si Alain Juppé est élu, je compte bien aider à ce qu’il y ait des évolutions parce que je les crois nécessaires.
Or, en donnant un certificat d’homme de droite en bonne et due forme à Fillon, tout en parlant de faire pression pour amender le projet de Juppé, il dit exactement ce que Nicolas Sarkozy prétendait lors du premier tour, à savoir que le leader du MoDem luttait contre la Droite et ferait de Juppé un otage, donc qu’il ne fallait pas voter pour le maire de Bordeaux.
Tout ce qui a précipité nombre de sympathisants de LR qui ne voulaient plus de Sarkozy dans les bras de Fillon parce qu’ils craignent que Juppé ne soit pas un vrai candidat de droite et redoutent que Bayrou deviennent son éminence grise.
Et au cas où Juppé ne serait plus là, Bayrou a indiqué que, «à partir de la semaine prochaine (…) je vais essayer d’en bâtir (un projet) un autre».
Puis il a enchaîné: «je vais proposer les solutions différentes, possibles, rassembleuses, pour qu’on puisse réfléchir autrement à l’avenir de la France», en précisant que celles-ci étaient déjà écrites «en grande partie».
Même s’il reprécise pour la énième fois qu’il n’est pas dans une démarche de candidature, tous ses propos font penser l’inverse et que Juppé, c’est désormais du passé.


Alexandre Vatimbella



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Présidentielle 2017. Les règlements de compte de l’UDI s’invitent à la primaire de LR

Lagarde-Morin, le duo de la haine à l'UDI
Pathétique est certainement le premier mot qui vient à l’esprit quand on voit que le deuxième tour de la primaire LR va également être un lieu d’affrontement entre les clans  de l'UDI dans cette confrontation qui menacent le parti centriste d’implosion depuis sa création.
D’un côté Jean-Christophe Lagarde et ses troupes qui soutiennent Alain Juppé depuis l’été.
De l’autre, Hervé Morin et ses alliés qui ont choisi François Fillon après être allés voir du côté de Nicolas Sarkozy et de Bruno Le Maire.
Ils ont ainsi pondu un texte de trois pages pour expliquer leur choix dans un verbiage qui a plus à voir parfois avec celui d’une droite dure que d’un Centre du juste équilibre aux valeurs humanistes.
Mais nous savons bien que le choix de Fillon n’a pas grand-chose à voir avec son programme conservateur et ultralibéral.
Car, au-delà de savoir qui est le meilleur candidat ou le plus centro-compatible, cette énième coupure de la confédération centriste est une nouvelle démonstration de sa faiblesse et de sa disparition programmée dans des règlements de compte minables qui s’invitent désormais dans une primaire de la Droite…
Comme par hasard, les soutiens de François Fillon sont tous les adversaires les plus déterminés de Jean-Christophe Lagarde à l’intérieur de l’UDI (mais aussi de François Bayrou pour la grande majorité).
Et le texte de soutien au premier ministre de Nicolas Sarkozy est signé Nouveau centre, c’est-à-dire le parti d’Hervé Morin qui appartient à l’UDI et non de membres de cette dernière, ce qui est très révélateur (même si le communiqué de presse de Morin qui le présente parle aussi des Bâtisseurs de l'UDI, un groupe informel qui regroupe tous les anti-Lagarde, uniquement membres du Nouveau centre).
Que Morin choisisse Fillon après Le Maire et après avoir fait les yeux doux à Bayrou afin de faire la nique à Lagarde, sans oublier qu’il avait qualifié Juppé de candidat le plus centro-compatible, cela le regarde mais ne le rehausse certainement pas et le fait plutôt passer pour un vulgaire politicien animé par le ressentiment et la vengeance que par une volonté d’action et de cohérence.
Mais il n’en a cure et c’est son droit même si l’on peut se demander comment il peut encore se dire centriste s’il a vraiment lu le programme de François Fillon (le programme de Juppé contient également des propositions peu centristes mais sa philosophie est plutôt orientée droite modérée et réformatrice).
Reste que tout cela montre un Centre en totale déshérence puisque du côté de Jean-Christophe Lagarde – aussi haineux envers Morin que celui-ci l’est envers lui – on tape sans cesse sur François Bayrou, affirmant qu’on ne le rejoindra pas dans une candidature si Juppé perd.
Un Bayrou qui ignore superbement, dans une attitude des plus condescendantes, Lagarde, estimant qu’il ne vaut pas grand-chose (il pense la même chose de Morin).
Au moment où la France a certainement besoin d’un vrai projet centriste pour la sortir de ses problèmes et aborder le futur avec espoir tout en construisant un présent sur des bases solides, tout cela est bien misérable et à de quoi plonger les sympathisants du Centre dans des questionnements déprimants.
Mais ce n’est pas la première fois et sans doute pas la dernière.


Alexandre Vatimbella



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Vues du Centre – Jean-François Borrou. Fillon: un conservateur thatchérien peu centro-compatible

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes et qui collabore épisodiquement à cette rubrique. Ses propos sont les siens et non ceux du CREC.

Margaret Thatcher, modèle de François Fillon
François Fillon a raison, il na jamais été un libéral.
Mais il oublie de dire que sa nouvelle idole, Margaret Thatcher, non plus.
Elle était conservatrice à l’extrême en toutes les matières, sauf en économie où elle était ultralibérale, idéologie conservatrice qui empruntait au libéralisme mais pour le pousser jusqu’à ses extrémités en en faisant un ennemi du vrai libéralisme.
On l’a vu, non seulement, dans ses années où elle a dirigé le Royaume Uni mais aussi dans un certain nombre de pays où son programme a fait figure de modèle, en particulier lors de la présidence de Ronald Reagan aux Etats-Unis, même si ce dernier l’édulcora grandement.
Et il suffit d’écouter les meetings de François Fillon et de lire son programme électoral pour voir que cette filiation thatchérienne n’est pas revendiquée par l’ancien premier ministre de Nicolas Sarkozy pour rien.
Si l’on voulait faire une comparaison qui vaut ce qu’elle vaut, Nicolas Sarkozy était le Donald Trump, populiste et démagogue, de la primaire, François Fillon en est le Ted Cruz, ultraconservateur et ultralibéral.
Un Fillon qui est donc un conservateur thatchérien, «droit dans ses bottes» comme dirait son adversaire du deuxième tour de la primaire de LR, et, à ce titre peu centro-compatible.
François Bayrou l’a d’ailleurs très bien analysé en déclarant à l’Agence Reuters, que «les choix que je découvre dans le projet que présente François Fillon sont des choix qui me paraissent dangereux pour l'alternance et pour le pays» et qui a ajouté que la primaire de LR était le «triomphe des noyaux durs» de la Droite.
Pour les centristes, il faut donc ne pas commettre l’erreur de prendre le Fillon d’aujourd’hui avec celui d’il y a vingt ou trente ans, celui qui voulait représenter le «gaullisme social» et qui était proche de Philippe Seguin.
Celui de 2016 n’a plus grand-chose à voir, que ce soit par conviction ou par positionnement politicien.
Si Nicolas Sarkozy représentait une menace populiste, Fillon, lui, représente une menace beaucoup plus extrémiste s’il met en pratique ses propositions et si ses déclarations ont un sens.
Et quand il parle d’aller de l’avant, tout centriste qui se respecte sait qu’il n’est ni progressiste, ni réformiste, ni humaniste et que ce qu’il propose est un mélange de retour en arrière, souvent de manière assez obscurantiste, et de la prise d’un chemin de traverse très périlleux voire très dangereux pour le pays qu’il parvienne à mettre son programme en place ou qu’il échoue.
Dans les deux cas, il pourrait bien être un atout majeur pour le Front national dans l’optique de l’après 2017.

Jean-François Bourrou