jeudi 25 février 2016

Actualités du Centre. Espagne: le Centre se rallie aux socialistes pour tenter de réformer le pays

Alberto Rivera (Cuidadanos) & Pédro sanchez (PSOE)
La crise politique en Espagne est loin d’être résolue par l’accord de gouvernement que Cuidadanos (Centre) a conclu avec le PSOE (Parti socialiste ouvrier espagnol).
Car les deux partis n’ont que 130 députés (90 socialistes et 40 centristes) alors que la majorité aux Cortès (chambre des députés) est de 176.
Et il semble qu’en l’état, ni le PP (Parti populaire, Droite), ni Podémos (extrême-gauche) ne puissent rejoindre cette coalition.
Pour la Droite parce qu’elle estime, par la voix du premier ministre sortant, Mariano Rajoy, qu’elle a gagné les élections en arrivant en tête (sans avoir la majorité) et que c’est donc à elle de former le futur gouvernement même si elle a échoué à bâtir une quelconque coalition, aucun autre parti ne voulant s’allier avec le PP qui est rongé par la corruption et affaiblit par la situation économique du pays, même si elle s’améliore, surtout par la crise sociale.
D’ailleurs, Rajoy a estimé que la seule solution serait de nouvelles élections législatives.
De son côté, Podémos ne veut pas gouverner avec Cuidadanos qui ne veut pas gouverner avec Podémos, donc les choses sont claires.
En revanche, Podémos voudrait bien gouverner avec les socialistes mais ses demandes sont tellement extravagantes à tout point de vue que le PSOE a refusé même s’il continue à négocier l’abstention du parti d’extrême-gauche afin de mettre sur pied un gouvernement minoritaire chargé de mettre en place des réformes.
Car c’est bien le sens de l’accord en Alberto Rivera, le président de Cuidadanos, et Pédro Sanchez, le leader des socialistes.
Leur accord contient en effet «200 réformes (…) pour une régénération politiques» dont Rivera estime qu’il «est parfaitement valable pour une grande majorité d'Espagnols».
Parmi ces réformes: la limite des hausses d'impôts mais avec maintien de l’impôt sur le revenu et suppression des exonérations dont bénéficient les grandes entreprises; un contrôle renforcé des institutions financières; des promoteurs immobiliers et des compagnies d’assurances; la limitation à deux mandats de la présidence du gouvernement; la réforme du droit du travail avec la diminution du nombre de contrats de travail et une augmentation du congé maternité; un plan d'«urgence sociale» pour les défavorisés mais aussi la restauration de l’universalité du système de santé; la révision à la baisse du régime d'immunité des parlementaires.
En outre, l’accord garantit l’intégrité territoriale de l’Espagne alors que les indépendantistes catalans militent pour un référendum d’autodétermination de leur province qui est soutenu par Podémos mais fermement combattu par les centristes.



Présidentielle USA 2016. La disparition des «centristes» républicains

Donald Trump
Il fut un temps où le Parti républicain avait une aile centriste puissante, capable de rivaliser et d’affronter avec succès à la fois l’aile conservatrice et l’aile réactionnaire.
Petit à petit, sous la pression idéologique de la droite du parti ainsi que de sa nouvelle stratégie, la récupération de tous les démocrates du Sud du pays, très conservateurs, voire très réactionnaires et racistes, qui ne voulaient plus voter pour la Parti démocrate qui avait enfin fait sa mue en devenant le parti des droits civiques, le Parti républicain a définitivement viré à la droite de la Droite.
Le premier virage à droite d’après guerre, assez soft, fut celui de Nixon en 1968.
Ici, on ne parle que de ces virages qui ont connu le succès sachant que la droite républicaine tenta dès après la Deuxième guerre mondiale de solder, sans y parvenir, l’héritage de Roosevelt et que Barry Goldwater, homme d’extrême-droite, fut le candidat des républicains à la présidentielle de 1966 face à Johnson où il fut battu à plate couture.
Bien qu’il théorisa la récupération des démocrates du Sud et qu’il fut un représentant de l’aile conservatrice dure, Richard Nixon gouverna plus ou moins au centre, ne remettant pas en cause les avancées sociales et politiques issues du New deal de Franklin Roosevelt.
Le deuxième virage à droite, plus sec, fut celui de Ronald Reagan en 1980.
Bien que très conservateur et ancien soutient de Barry Goldwater, héraut des démocrates d’extrême-droite, il gouverna souvent de manière assez modérée même si la fameuse «révolution conservatrice» qu’il mit en branle tenta d’imposer aux Etats-Unis l’ultralibéralisme thatchérien alors en vogue au Royaume Uni.
Le troisième virage à droite, plus dur, survint en 1994 avec l’élection d’une majorité républicaine à la Chambre des représentants du Congrès avec l’arrivée d’idéologues très rigides et ambitieux comme Newt Gingrich, le «speaker» (président) de cette assemblée et dont le but était de consolider et d’étendre cette révolution conservatrice de l’ère Reagan.
Malgré tout, il put y avoir, parfois, une collaboration assez positive entre cette majorité très à droite et le président d’alors, Bill Clinton.
Même s’il ne faut surtout pas l’oublier, c’est de cette époque que date cette idée chez les républicains que tout président démocrate est illégitime à être au pouvoir avec cette tentative de destituer Bill Clinton grâce à la procédure de l’«Impeachment».
Le quatrième virage à droite eu lieu au cours de la présidence de George W Bush et, surtout, lors de l’élection de Barack Obama.
En 2009, lors de la prise de fonction du premier président afro-américain qui souhaitait mettre en place sa stratégie post-partisane (des majorités d’idées et de circonstances sur chaque projet qui seraient transversales aux lignes politiques traditionnelles qu’elle ringardiserait), les chefs républicains se réunirent pour décider de jouer une obstruction dure, générale et totale, qui fut résumée par le chef des républicains au Sénat, Mitch McConnell: faire d’Obama un «one-term president», un président à un mandat, c’est-à-dire d’empêcher au maximum sa réélection en 2012.
Le projet échoua mais pas l’obstruction a continué jusqu’à aujourd’hui et s’est faite d’autant plus forte que les républicains ont conquis la majorité au Sénat en 2012.
Lors de ces multiples virages à droite, les républicains ont perdu, à chaque fois, un nombre plus ou moins importants de centristes jusqu’à la situation présente où il n’y en a plus qu’une poignée, et encore, pendant que des conservateurs bien trempés tentent d’accréditer qu’ils sont le nouveau centre du parti, voire de la vie politique américaine (comme par exemple Marco Rubio actuellement).
Le grand paradoxe qui a pu faire croire que le Parti républicain possédait encore une aile centriste fut leurs quatre derniers candidats à la présidentielle, George H Bush, George W Bush, John McCain et Mitt Romney, tous des conservateurs bon teints mais ouverts à un certain consensus ainsi qu’à la possibilité de compromis et qui furent choisis pour leur «electability», leur propension à se faire élire dans un pays où l’électorat modéré a été jusqu’à présent majoritaire.
Mais ce choix d’un modéré ne sera pas celui des républicains de 2014 au vu des résultats des quatre première primaire dont la dernière, celle du Nevada, a mis en dernière position le conservateur le moins éloigné du Centre (mais néanmoins très loin de celui-ci), John Kasich, un des grands législateurs de l’ère Reagan.
Car le mach devrait se jouer entre le populiste démagogue Donald Trump (qui a remporté plus de 45% des voix au Nevada) et le conservateur sans état d’âme mais opportuniste Marco Rubio (deuxième avec plus de 22% des voix) et, peut-être, l’homme de l’extrême-droite, Ted Cruz (troisième avec un peu plus de 21% des voix).
Et si c’est Trump qui l’’emporte, comme le prédisent désormais des spécialistes, le Parti républicain qui a attisé sans cesse la haine et le ressentiment vis-à-vis du monde politique de son électorat et de ses militants ces dernières décennies ne pourra s’en prendre qu’à lui-même.
Ce serait d’ailleurs un sacré pied de nez que les républicains se voient débordés par Donald Trump dont les fondamentaux populistes sont souvent loin des positions conservatrices de l’establishment du parti.
Mais à force de jouer avec le feu, cet establishment ne pourra s’en plaindre même si cela éloigne le parti encore un plus du centre de l’échiquier politique et, peut-être, de la Maison blanche pour longtemps.
A moins que la rage des Américains, réelle en 2016, puisse vraiment renverser les montagnes en sa faveur.

Alexandre Vatimbella avec l’équipe du CREC



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