lundi 9 avril 2018

Actualités du Centre. Bayrou: «Le pays a besoin d’un projet social réel»

François Bayrou
Outre son attaque assez dure contre le texte du projet de réforme constitutionnelle à propos du cumul des mandats et de la dose de proportionnelle aux prochaines élections législatives (voir ici), François Bayrou a, une nouvelle fois, lors de son passage sur BFMTV, reprochée au Gouvernement et au Président de la république de ne pas avoir de projet social conséquent qui est, selon lui, absolument nécessaire.
Le leader centriste a également mis en garde ceux-ci contre le scepticisme des Français si les promesses électorales n’étaient pas tenues.
C’est donc un Bayrou du combat que l’on commence à voir, même s’il a encore tressé des lauriers à Emmanuel Macron (notamment à propos de son éloge du gendarme Arnaud Beltrame et son sacrifice lors de l’attaque terroriste de Trèbes).
Sera-t-il, à terme, une épine dans le pied de Macron comme beaucoup le prédisent depuis longtemps, la question n’a pas encore de réponse mais est, à nouveau, posée.
Extraits des propos du président du Mouvement démocrate:

- La société française en est au point, je vous dis cela très gravement, où elle ne peut plus accepter cette idée de l'impuissance publique. (…) Le gouvernement a choisi d'aller franchement à la réforme et on ne peut pas le lui reprocher. Il y a tellement de gens qui ont rusé...

- Au fond, je le dis depuis le premier jour, que la promesse de l'élection d'Emmanuel Macron c'était des réformes d'un côté, et en même temps, la justice et la solidarité. Le gouvernement devrait avoir comme obsession cette question «où est la justice? où est la solidarité?». Il n'y a que comme ça que l'on peut avancer.
En tout cas, pour moi, il faut améliorer. Je donne des postes simples de propositions pour que l'on aille de l'avant dans un projet social pour le pays; on a fait quelque chose de bien, je le note au passage, c'est l'éducation. Le fait qu'on dédouble les classes dans les quartiers les plus sensibles, c'est un progrès social. Le minimum vieillesse, c'est un progrès social. Moi je dis qu'il faut une grande loi sur la participation. Je sais très bien qu'il y a des gens qui n'en veulent pas. Mais je pense que c'est absolument nécessaire. Il est vital qu'on ait un mécanisme, un mouvement qui fasse que quand votre entreprise se porte bien, les salariés qui ont partagé les efforts partagent aussi les bénéfices. Il y a déjà des dispositifs mais ils sont marginaux. Mon ami Jean Peyrelevade a écrit récemment un livre dans lequel il dit lui-même qu'on devrait réserver 25% de la propriété de l'entreprise à terme aux salariés. Que l'intéressement puisse se traduire par une part grandissante d'actions détenues par les salariés. C'est une question très importante qui va à l'encontre du capitalisme mondial.
Deuxième proposition: il faut revoir la question de la défiscalisation des heures supplémentaires. C'était l'intuition de Nicolas Sarkozy, on n’a pas été d'accord sur tous les points mais sur ce point là je pense qu'il y avait quelque chose de juste. Quand on fait l'effort de travailler, il faut que soi-même et la famille puissions en retirer les bénéfices.

- (…) On a un problème d'organisation du fonctionnement de l'Etat, lequel fait que les logiques éternelles, les arguments des administrations s'imposent. Quelque soit le ministre. Je vais prendre un exemple qui me met dans une colère noire depuis plus de vingts ans: la crise du monde de la santé aujourd'hui vient d'une décision criminelle maintenue au travers du temps qui est le numerus clausus et le blocage du nombre des étudiants en Médecine. Quand on pense que la France, le pays qui avait dans le monde la santé la plus respectée, se trouve aujourd'hui à ne plus avoir de médecins dans les quartiers des villes, dans les campagnes, que des spécialités entières sont massacrées, désertées: la gynécologie, l'ophtalmologie... Tout ça est une logique administrative qui s'est imposée il y a vingt ou trente ans, contre la réalité. Quand vous pensez aux milliers de jeunes qui ont été écartés en dépit de leur niveau et on les a jeté comme un Kleenex, je trouve ça affreux pour la France. Ça n'est pas une décision politique mais qui a cheminé sous la table et constamment remise en jeu. Les politiques ont démissionné face à ses logiques administratives. Moi je suis pour que ce soit la politique qui ait la prééminence dans ce pays.

- La réforme (des institutions) présentée est une réforme qui a plusieurs chapitres. Des chapitres qui touchent à la Constitution elle-même. Par exemple, qu’il n’y aura plus de Cour de Justice de la République, cette justice spéciale pour les ministres. J’en avais fait la proposition pendant les quelques semaines où j’étais garde des Sceaux, et cela est repris. C’est la même chose pour le Conseil supérieur de la magistrature. Cela, c’est la partie Constitution. Et la partie Constitution apparemment, il n’y a pas de sujet d’affrontement. Il y a un consensus très important. Après il y a un deuxième texte, qu’on appelle une loi organique et qui touche à la composition des assemblées – du Sénat et de l’Assemblée nationale. Parce qu’en France, la Constitution dit chaque fois qu’on doit fixer le nombre de sièges et les conditions d’inéligibilité, alors c’est une loi organique. Et le propre d’une loi organique, ça doit être voté dans les mêmes termes par l’Assemblée et au Sénat, ou alors on passe au référendum. Et il y a un troisième texte qui est le mode de scrutin qui est une loi qu’on appelle «simple», c’est-à-dire qu’on peut faire des aller retours entre l’Assemblée et le Sénat et c’est l’Assemblée qui a le dernier mot. Alors sur la Constitution, on l’a dit il n’y a pas de difficulté. Sur le nombre de sièges, c’était l’engagement du président de la République, et il est bien qu’il soit respecté.

- Ce qui compte, dans le débat que nous avons, c’est l’espoir que les Français ont exprimé quand ils ont élu Emmanuel Macron. C’est le projet, le contrat entre celui qui se présentait à la présidence de la République et les Français. Et c’est pourquoi, on va voir qu’il faut encore faire un effort pour que ce soit respecté. Mais il y a un point très important, dans la loi organique, que les Français ont plébiscité, et qui n’est absolument pas respecté dans le texte. Les Français ont plébiscité qu’au bout de trois mandats – c’est long trois mandats: 18 ans pour un maire, 15 ans pour un député – on change. Au bout de trois mandats, on peut se faire élire ailleurs, on peut rester dans d’autres fonctions.
(…) Le texte est bien plus en distance que cela de la promesse. La promesse était au bout de trois mandats, quand on aura voté le texte, ça s’appliquera. Or là, par un tour de prestidigitation, de passe-passe, d'escamotage, ça s’appliquerait si on suivait le texte en 2032 ou 2037. Alors on voit bien pourquoi ça a été fait. Pour essayer de séduire le groupe LR du Sénat: disons la vérité. Et cela ne marchera pas. On a sacrifié une partie importante de la réforme pour avoir leur accord. Et au bout du chemin, on n’aura pas leur accord et on n'aura plus la réforme. C’est pourquoi il va falloir intervenir de manière décisive pour changer cela…
Nous et d’autres. Car je suis absolument certain qu’au groupe LREM, il y a aussi des gens qui pensent comme moi, ainsi que dans l’opinion publique. Si vous dites aux Français: «vous vous souvenez, vous avez voté pour qu’au bout de trois mandats, et ça a fait des polémiques», mais les Français ont bien compris qu’on ne peut plus avoir cet espèce de blocage perpétuel, d’élus qui restent très longtemps dans les mêmes fonctions. Encore une fois, on pourra changer de fonction. Mais le renouvellement exige qu’il y ait cette barrière. Si on leur dit: «voilà, on va le faire, mais on avait oublié de vous dire quelque chose, c’est que ça se ferait en 2032 ou 2037». Eh bien je suis absolument certain que ce tour d’escamotage là, les Français ne l’accepteront pas.
Je pense que le gouvernement a voulu obtenir les voix de ceux qu’étaient contre la réforme. Je crois que cette manœuvre est vaine. Je pense qu’au bout du chemin, il y aura une explication, et qu’on devra la voir de manière claire et transparente. En tout cas, ce serait un abandon extrêmement insupportable de la partie de la réforme à laquelle les Français ont donné le plus leur assentiment. (…) De ce point de vue là, je ne peux pas accepter ce qui est en train de se tramer.
(…) Pour moi, il y a là un manquement absolu à la promesse faite, et donc il ne faut pas l’accepter. Les manquements, il faut les refuser, et ce manquement il ne faut pas l’accepter parce que cela veut dire qu’au fond, ce grand moment de rencontre qu’a été l’élection présidentielle, à laquelle beaucoup d’entre nous ont pris part avec un très grand espoir, espoir justifié parce que le président de la République a des qualités tout à fait exceptionnelles. Je ne sais pas si vous avez entendu le discours magnifique pour le colonel Beltrame aux Invalides, qui était un discours pas seulement écrit, mais habité par quelqu’un qui avait le sentiment que quelque chose de grand se jouait là. J’ai trouvé cela profondément heureux qu’on puisse avoir un président de la République qui sache à des moments cruciaux de la vie de la Nation, se saisir de son émotion et de ses attentes. Et situer au niveau de l’horizon de l’idéal, ce qu’il avait à dire aux Français.

- 15% de proportionnelle ça veut dire 60 sièges. Si on a un mode de répartition des sièges qui est simplement l'application du nombre de voies obtenues, par les différents courants politiques du pays, les grosses écuries, sur les 60 sièges, vont en prendre 35/40. Il va donc rester 20 sièges à se partager entre les minoritaires. 20 sièges, sur 400. Cela veut dire que un courant qui aura obtenu 10%, c'est à dire 2 millions de voies, aura 5 ou 6 sièges. C'est dérisoire. Si on veut obtenir les vertus que ce mode d'élection apporte à la vie publique, c'est à dire une stabilisation et une justice, il faudrait plus de sièges que ça. J'avais dit 100, on peut trouver. Tous les pays européens sans exception ont un mode de scrutin très largement voire intégralement proportionnel.
(…) On nous dit la Quatrième république, qui est un régime qui a redressé la France, en ayant beaucoup réfléchi au sujet de la Cinquième république, la Quatrième était un régime instable. Il se trouve que l'antidote à ce poison a été trouvé par le Général de Gaulle et s'appelle «fonction présidentielle». Elu au suffrage universel, le président ne dépend pas de l'assemblée, des manœuvres d'appareil. Il forme le gouvernement comme il l'entend, donc il ne peut y avoir d'instabilité. Et s'il y a une instabilité le président a toutes les armes : droit de véto, etc.

- Il se trouve que j’ai une grande confiance en le président de République. Et comme vous savez, je n’utilise pas cette expression très souvent… Quand j’exprime un mouvement de confiance, c’est que je le ressens profondément. C’est un homme qui a un profil, un visage, une manière de voir les choses, qui sort de l’ordinaire. Et on avait un immense besoin de sortir de l’ordinaire. Il n’est pas prisonnier des moules habituels et des influences. Ici, cela paraît assez clair: le gouvernement lui a dit: «on va essayer de trouver un accord avec le sénat». Il a dit: «ok, essayez de trouver un accord avec le sénat». Mais il a ajouté une chose qui ne vous aura pas échappée, «on votera ce texte en 2019». Presque un an, donc on a tout le temps d’y réfléchir, d’entendre les mouvements profonds, et de prendre les décisions,
(…) Le référendum est une possibilité si on se trouve en situation de blocage. Si vous lisez attentivement Le Parisien de ce matin, il y a une grande interview du Premier ministre. Il va plus loin que ce que je n’ai jamais dit moi-même. Il dit à peine entre les lignes que si le Sénat n’écoute pas, on peut changer le mode d’élection des sénateurs.
(…) Je pense que ça doit évoluer, que c’est l’engagement du président de la République, que nous sommes là pour le respecter, et que nous sommes quelques uns à être « porte-parole » de ceux qui ont mis leur espoir dans le président de la République.


L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Non, madame Le Pen, votre «ni, ni» n’a rien à voir avec celui de monsieur Macron

Madame Le Pen est tenace dans ses mensonges et ses contre-vérités.
A nouveau, sur les ondes de France Inter, elle a présenté le projet du Front national comme un «ni gauche, ni droite», expliquant qu’elle était d’accord avec Emmanuel Macron sur la disparition de l’ancien clivage politique gauche-droite ( ce que contredit un sondage publié cette semaine…) et que le nouveau oppose les «nationalistes» aux «mondialistes».
Mais le «ni, ni» de madame Le Pen n’est ni consensuel, ni rassembleur, ni démocratique, c’est-à-dire qu’il n’a strictement rien à voir avec celui d’Emmanuel Macron.
Pire, il est totalement mensonger.
Rappelons d’abord que le «ni, ni» d’Emmanuel Macron s’appuie sur le «en même temps» et est, profondément, une vision consensuelle de la vie politique, une tentative centriste d’un modèle post-partisan cher à Barack Obama.
Obama dont la présidente du parti d’extrême-droite avait osé, dans une interview à Time magazine, se comparer en affirmant qu’ils étaient tous deux au centre de la vie politique!
Et la distinction faite par Macron est entre progressiste et conservateur
Le «ni, ni» de madame Le Pen, lui, est éminemment fasciste puisque dans la théorie de celui-ci, l’opposition droite-gauche est sublimée par le nationalisme dans un système tournant le dos à la démocratie républicaine (qui rejette un système monolithique) pour imposer un régime dictatorial.
Le fascisme a toujours prétendu dépasser les débats démocratiques dans une globalisation imposée d’un peuple autour d’un chef et d’une seule idéologie, le nationalisme, qui est, d’abord, d’extrême-droite mais qui comporte moult idées venues du populisme qui lui permet de se déclarer social et défenseur des travailleurs (la variante nazie s’appelait bien «nationale socialiste»)…
De plus, le «ni, ni» de madame Le Pen n’est pas une répétition, comme elle essaye de le faire croire mais une seule affirmation «pas de démocratie».
Tout à l’opposé est le «ni, ni» centriste d’Emmanuel Macron qui est un approfondissement de la démocratie, une ouverture sur le monde, une volonté progressiste d’assurer un meilleur présent et un plus bel avenir à chacun.
Ici, on regarde vers le soleil, là, on déterre les plus bas instincts du genre humain.