Devrions-nous cesser de rêver et ne nous confronter qu’au
réel?
Pas si sûr!
Bien sûr, les utopies ne sont que des utopies.
Pire, lorsque l’on tente d’appliquer certaines d’entre elles
pour soi-disant créer le paradis sur terre, elles aboutissent exactement à
l’inverse en devenant des enfers au sol jonché de leurs victimes innocentes.
Car les utopistes qui les imaginent se croient souvent
investis d’une mission messianique et détenteur de la Vérité avec une
majuscule.
Une fois au pouvoir, ils ne tolèrent aucune contestation et
tentent de tordre le cou à la réalité ce qui ne gêne guère celle-ci mais
provoque, en revanche, un univers concentrationnaire où les victimes peuvent se
compter en millions.
D’autant que derrière l’utopie tout un monde corrompu et
prévaricateur se constitue, l’utopie n’étant plus qu’un paravent aux racines
mortes.
Mais il n’en reste pas moins vrai que pour nombre d’entre
elles, l’objectif est bien un monde meilleur où l’humain serait plus libre,
plus égal, plus fraternel, où sa dignité serait mieux protégée, où son
individualité serait plus épanouie, où ses choix de vie seraient tolérés, où la
communauté serait plus conviviale, etc.
Elles ne peuvent être condamnées pour leurs idéaux
humanistes, bien au contraire.
Nous rêvons beaucoup et nous inventons de multiples utopies
et c’est une bonne chose.
Vouloir mettre en place une société universelle où chacun
sera heureux et content de sort, où l’on respectera sa dignité et son
individualité n’est pas une bêtise, ni une perte de temps.
Nous avons besoin d’horizons où l’Humanité serait capable de
vivre en paix et en harmonie tout en permettant à chacun de réaliser son projet
de vie au mieux de ce qu’il est possible.
Mais aujourd’hui, aucune utopie concrètement appliquée ne
nous y a mené et peut-être, malheureusement, nous n’y parviendrons jamais.
Dès lors, avant d’être capables d’installer le paradis sur
terre ou ce qui y ressemble, il nous faut vivre dans le réel.
Non pas pour nous y soumettre mais justement pour pouvoir,
si n’est le dominer, en tout cas le maîtriser du mieux possible et ainsi
pouvoir le changer en l’améliorant dans le sens du progrès du genre humain,
chaque petite avancée étant bonne à prendre.
C’est cela notre responsabilité d’humain et de citoyen
responsable.
Inventer un monde meilleur et chercher à le construire n’est
donc pas une erreur mais il ne doit pas être une justification pour refuser de
vivre dans le réel et le nier est une faute en matière politique au prix qui
peut devenir exorbitant.
N’oublions jamais que le réel s’impose à nous et qu’il nous
oblige à agir en fonction de ce qu’il nous propose et même parfois à des
adaptations plus ou moins douloureuses de nos objectifs.
Certaines de ces adaptations sont existentielles d’autres
sont circonstancielles, c’est-à-dire qu’elles découlent d’une conjoncture
particulière mais n’ont vocation qu’à durer tant que la situation qui les
imposent perdure notamment lorsqu’il s’agit de nos comportements que nous
pouvons changer.
Le réel c’est évidemment des contraintes cependant, malgré
ce que disent certains, elles viennent avant tout de la vie avant d’être de la
responsabilité de la société.
Pour celles qui viennent de nature humaine, dans ce lot nous
pouvons essayer et heureusement en corriger pour réussir à nous en émanciper.
Mais si la société peut et doit être juste pour tout le
monde et que cette tâche nous incombe, l’ajustice de la vie c’est-à-dire l’absence
de justice qui est une des caractéristiques – et non l’injustice de la société
–, est une réalité incontournable qui, en même temps, nous assure que nous
sommes chacun de nous unique et donc que notre existence vaut le coup d’être
vécue parce qu’une aventure qui n’appartient qu’à chacun de nous.
C’est aussi là la limite finale de toute utopie ainsi qu'elle est sans doute une référence plus qu'un but réalisable
et le règne éternel de la réalité.